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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie Le châtiment d’Idriss

Dès ses débuts dans la vie active, Idriss, n’ayant aucune qualification ni  expérience dans le domaine de la maçonnerie, vantait ses propres  mérites. 
Les crédules ont fait les frais de sa roublardise.  
Idriss, issu d’une famille très pauvre, composée du père Messaoud, ouvrier agricole qui trime pour un salaire de misère chez un riche agriculteur, de sa mère Laâldja, femme au foyer, d’un frère aîné, Abdelkader, manœuvre sur les chantiers, marié à Sabrina avec leurs deux enfants, Atmane et Zohra. Idriss, son épouse, Zahia, et leur fils, Djamel, complètent la smala.
Ceux qui ont cru à ses compétences et l’ont engagé se sont retrouvés avec des murs non rectilignes qui penchent dangereusement. Il fallait donc les détruire et les reconstruire par quelqu’un de plus qualifié. Il a failli à maintes reprises se faire lyncher par ses clients.
Il fut donc obligé de changer de métier. Profitant du boum des constructions à tout-va dans les milieux des années soixante-dix, qui perdure, du reste, et de la pénurie de matériaux de construction, notamment la brique  et le ciment, il se lança dans l’achat et la vente de bons de commande qui se vendaient à prix d’or. Les bénéfices qu’il tira de ce  trafic  lui permirent de se constituer un pactole conséquent. Il devient un affairiste sans scrupules.
Ne voulant pas partager avec le reste de la famille l’argent que ramenait son mari, Zahia poussa ce dernier à demander la séparation des biens ; «chacun pour soi», avait-elle décrété. L’égoïsme de son épouse n’était pas pour déplaire à Idriss qui exigea illico la rupture avec les siens.
Ne se contentant plus de la manne financière que lui rapportait le marché noir, il ajouta une corde à son arc en devenant un redoutable usurier. Tous ceux qui ont eu le malheur de lui emprunter de l’argent s’en sont mordu les doigts. Avant de leur demander la somme proposée,  il exigeait des hypothèques  de biens immobiliers ou de bijoux précieux, etc., le taux du prêt était toujours exorbitant.
Si par malheur  il y a retard de remboursement, ne serait-ce que d’une seule journée sur la date prévue, ils pouvaient dire adieu à leurs  biens. Tel un vautour, il n’attendait que ça pour les  dépouiller. Inutile d’essayer d’amadouer le vampire aux crocs acérés. Plusieurs familles se sont retrouvées à la rue pour non-paiement dans les délais.
 La cupidité du couple était telle quelle n’épargnait personne, y compris ses propres parents. Le premier à subir les affronts des deux nouveaux parvenus est Atmane, le fils d’Abdelkader et Sabrina. Après avoir aidé son oncle à monter quelques affaires au grenier, Idriss l’invita à déjeuner avec lui pour le remercier.
Au milieu du repas, l’oncle se versa à boire un verre d’eau. Innocemment l’enfant tendit le sien pour être servi. L’usurier lui jeta un regard glacial, considérant ce geste comme lèse-majesté et d’un flagrant manque de respect. Atmane se fit tout petit, avala de travers la bouchée qu’il avait mise dans sa bouche, se mit à tousser pendant un bon moment avant de détaler sans finir son plat.
Puis se fut au tour de Zahia de rabaisser le pauvre gosse. Cela se passa le jour où il  eut une petite querelle de gamins avec son cousin Djamel qui, lui aussi, était contaminé par le virus de la méchanceté transmis par ses géniteurs. Il n’arrêtait pas de traiter son cousin d’indigent devant ses copains.  Atmane fut surpris par sa tante en train d’agripper le garnement pour lui faire ravaler ses mots humiliants. La maman, folle de rage et ne cherchant pas à connaître le fautif, prit la défense de son rejeton et apostropha Atmane en ces termes :    
- Sache, petit voyou, que c’est avec les restes de nos plats que je destine à la poubelle que ta mère te nourrit, elle vient tous les soirs les mendier à ma porte. Ces paroles venimeuses resteront à jamais gravées dans la mémoire de celui qui vient d’être insulté et blessé à mort. En apprenant cela, Sabrina, sa mère, passa la nuit à pleurer et jura que plus jamais la nourriture de sa belle-sœur ne franchira le seuil de sa porte.
 La pire des ignominies commises par Idriss fut ce matin-là  où il  surprit son père, Messaoud, qui sortait de sa reserve où il stockait ses provisions  quelque chose qu’il essayait de dissimuler sous sa large veste, toute honte bue. Il lui demanda :
- Tu caches quoi sous ton bras ? Son géniteur, mortifié, bégaya, confus :
- Un paquet de café mon fils, c’est pour ta mère et moi, nous n’arrivons  pas à en trouver dans le commerce à cause des pénuries.
-  Ce n’est pas une raison pour agir comme un voleur ! lui cria-t-il,  tu aurais dû passer par ma femme !
- Nous l’avons fait à maintes reprises, mais à chaque fois elle nous répond ne pas en avoir, alors que j’ai découvert que vous avez tout un carton  ici.
- Tu peux le garder pour cette fois, mais ne reviens plus traîner près de mes provisions.
 Messaoud remit le paquet d’où il l’avait pris et sortit  honteux. Il essuya  quelques larmes discrètement,  ne voulant pas montrer sa peine devant une telle ingratitude et être pitoyable devant le monstre qu’il a engendré.
Avec l’argent amassé, Idriss a acheté un immense terrain sur lequel il a commencé à ériger une luxueuse villa et ce, dans le but d’en mettre plein la vue à son entourage et, surtout, à ses parents.
Tous ceux qui ont participé à la construction de son palais, comme il l’appelle, ont regretté d’avoir trimé pour lui. A chaque fois qu’un maçon, électricien, plombier, carreleur, ou peintre termine son travail et demande son dû, Idriss se met à la recherche de petites imperfections. Il trouvait toujours un prétexte pour ne pas avoir à débourser la somme  convenue ou carrément ne rien payer.
Pour lui, le moindre centime qui sort de sa poche le rend furieux et malheureux. Enrichi trop vite, monsieur se permettait certains plaisirs tarifés  et, en évitant que sa femme ne l’apprenne, il usait de ruses et de subterfuges durant des mois, sans attirer sur lui les foudres de Zahia.
Mais un jour, en préparant le linge à laver, l’irascible femme vit rouge en voyant du rouge à lèvres sur le col de la chemise de son mari. Elle contempla un long moment la trace de l’irréfutable trahison. Malgré toutes les précautions prises par Idriss, cela ne laissait aucun doute sur sa forfaiture, ce coup de canif dans leur contrat de mariage allait lui coûter très cher.
Elle s’est résolue à ne rien lui reprocher. Ne dit-on pas que la vengeance est un plat qui se mange froid ! Comme il craignait le fisc comme la peste et qu’il était radin et cachotier, il ne se confiait à personne, y compris à sa femme et son fils. Mais ce que ne savait pas Idriss, c’est que Zahia avait une longueur d’avance sur lui.
C’est en furetant souvent un peu partout dans le but de découvrir sa cachette, juste pour avoir une petite idée sur leur capital qu’elle devinait colossal, ses recherches à l’intérieur de la villa n’ayant rien donné, elle s’est mise à surveiller attentivement tous les faits et gestes de son mari, et cela a fini par payer. Idriss se rendait de temps en temps dans la petite remise qu’il a fait construire au fond du jardin et ressortait toujours avec une petite binette à la main, soi-disant pour aérer le sol autour de leurs rosiers. Elle décida de s’y rendre pour une inspection. C’était le seul endroit qu’elle n’avait pas encore exploré.
A l’intérieur elle y trouva des sacs d’engrais, de graines, bêche, fourche, pulvérisateur… Et une grosse caisse en bois où s’entassaient des bottes et des gants en caoutchouc ainsi que plusieurs vieilles revues de jardinage. Elle regarda partout sans rien remarquer d’anormal. Elle allait s’en aller quand son sixième sens tira la sonnette d’alarme et lui recommanda de vérifier dans la malle. Elle sortit tout ce qui se trouvait à l’intérieur ne trouva rien qui puisse ressembler à ce qu’elle cherchait, puis commença à tout remettre en place quand la sonnerie retentit à nouveau dans sa tête. Elle recula, examina la hauteur de la caisse, et comprit de suite. 
La malle doit avoir un double fond, elle souleva les planches entre les deux parties et faillit tomber à la renverse en découvrant le trésor. 
Des liasses de gros billets étaient superposées les unes sur les autres. Elle n’avait jamais vu autant d’argent de toute sa vie. 
Elle ne s’était jamais imaginée dans ses évaluations les plus folles que son mari pouvait être aussi riche. Elle était vraiment contente de sa trouvaille et garda le secret. Elle ne voulait pas qu’Idriss le sache et trouve un autre lieu plus sûr pour son faramineux magot.
En commettant cet adultère, Idriss ne se doutait pas qu’il venait de signer son arrêt de mort. Dans la tête de la redoutable Zahia ne se bousculaient que des idées noires. «Maintenant qu’il est aussi riche que Crésus, il va me larguer et choisir une plus jeune et plus belle, un camouflet dont jamais je ne me relèverai ; lui va vivre dans l’opulence, et moi me contenter d’une misérable petite pension, je deviendrai une moins que rien», n’arrêtait-elle de se répéter en boucle.
 Elle échafauda donc un plan avec son fils qu’elle avait mis dans la confidence et lui fit part de sa manigance.
- Demain, ton père ne rentrera pas à midi, il doit déjeuner avec quelqu’un d’influent qui pourrait l’aider dans ses affaires, ce doit être la femme dont il s’est entiché. Durant son absence, nous allons vider la grosse caisse et cacher tout l’argent dans le grenier, puis tu réuniras tout le feuillage et les branches mortes que nous envisagions depuis longtemps de brûler. Tu exécuteras cette corvée que tu repousses à chaque fois que je te le demande aujourd’hui. Près de la cabane, tu y mettras le feu, ensuite tu prendras quelques braises que tu vas déposer sur les sacs d’engrais à l’intérieur de la cabane, tu souffleras dessus pour créer un incendie, nous dirons que c’est une légère brise qui les a déposés là.
Comme planifié, tout se déroula suivant les prévisions de Zahia. Quand le feu prit dans la cabane, elle attendit que le brasier soit impossible à maîtriser avant d’appeler les pompiers. A leur arrivée, il ne restait qu’un tas de cendres fumant. Ils arrosèrent le petit monticule qui avait pris la place de la cabane et partirent un peu exaspérés d’avoir été dérangés pour si peu.
En apprenant ce qui venait d’arriver, Idriss rentra chez lui aussi vite qu’il put. En voyant la disparation de sa cabane, il se mit à gémir et à pleurer avant de s’écrouler, il ne se réveillera que quelques heures plus tard à l’hôpital, il ne cessait de se lamenter et de s’arracher les cheveux.
Sa femme lui lança perfidement, pour l’achever :
 - Ce n’est qu’un vulgaire dépôt d’outils, nous allons construire un plus grand et plus beau, cesse de pleurnicher !
En rentrant à la maison après plus d’une semaine de tranquillisants, il commença peu à peu à perdre la raison. Comme promis, sa femme  construit une autre cabane à l’emplacement de l’ancienne. Idriss passait le plus clair de son temps à s’y rendre dans l’espoir d’y retrouver son butin. Il finit par devenir complètement fou et Zahia fut obligée de l’envoyer dans un centre psychiatrique où il finira ses  jours. Tout le monde pensa que c’est la malédiction de toutes les familles qu’il avait ruinées et jetées hors de chez elles,  de tous les artisans qu’il avait floués et de son égoïsme envers les membres de sa propre famille qui lui était tombée dessus.

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