Après des années de vie commune, heureuses par moments, tumultueuses des fois, voilà que l’autre s’en va. Le couple perd sa moitié. Les enfants ont grandi, sont mariés et ont des enfants. On enterre celui qui a partagé nos vies. La maladie l’a emporté. On reçoit les amis et collègues que nous n’avons pas vus depuis longtemps et avec qui, pourtant, nous avons partagé le même bureau ou la même entreprise. On se retrouve quarante ans après, voire plus, les cheveux blanchis, les visages ridés, pour ne pas dire flétris. Aujourd’hui, inactifs, l’on se remémore les années actives où l’on croyait à nos rêves, à l’Algérie des intellectuels. On évoque l’épouse d’un tel, ancien DG, une telle, chef de département, son divorce après trente ans de vie commune. L’époux d’une autre qui souffre d’un cancer ; et en ce troisième jour de deuil, on essuie nos larmes. Il y a du monde, tous ces gens sont venus nous réconforter, leur présence nous rassure. On n’est pas seul. Leurs discussions nous rappellent que la vie continue. On dissimule notre peine, et comme le veut la tradition, on reçoit nos hôtes comme pour une fête. Les meïdas sont garnies de toutes sortes de gâteaux que les proches ont rapportés. On sert café et thé. On fait honneur à tous ceux qui compatissent à notre malheur. C’est la volonté de Dieu, on est croyant, on l’accepte dans la dignité. Et c’est l’hommage que nous rendons à celui que nous venons de perdre. Ce soir-là, on est entouré, on est occupé par tous les va-et-vient, par le dressage des tables, on veille à ce que tout le monde dîne, qu’il ne manque rien. On profite de cette ambiance qui nous réchauffe le cœur car cette soirée nous ne sommes pas isolés ; parce que, demain, quand tous seront partis, c’est un autre jour...
