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Rubrique Le Soirmagazine

Eclairage Le vol chez les petits, pas d’amalgame !

SYNTHÈSE SARAH RAYMOUCHE
«Qui vole un œuf, vole un bœuf.» Cet adage est-il adapté en tout lieu et en toute situation ? C’est la question que nous nous sommes posée, notamment pour les enfants. Ces derniers, s’ils chipent des bonbons ou des chips, sont-ils considérés comme des voleurs ? A quel stade évoque-t-on les petits larcins comme un signal fort de malaise ou de besoin ? Ou bien encore, que cache ces petits vols ? Soirmagazine vous propose dans ce numéro l’éclairage des experts.
Un âge pour «voler»
Marion Haza, psychologue, explique : «Le vol n’est pas associé à quelque chose de mal chez les enfants. Avant l'âge de 5 ou 6 ans, on ne parle pas de “vol”. Petits, les enfants explorent le monde qui les entoure avec le sentiment que tout ce qu'ils voient leur appartient. Ils s'intéressent aux autres et donc à ce qui appartient aux autres ! Certains volent par exemple pour offrir l'objet à quelqu'un qu'ils aiment, pour lui faire plaisir. Ils pensent que tout est à tout le monde ! Petit à petit, l'enfant doit intégrer la notion de propriété, de respect du territoire de chacun.» David Goulois, psychologue clinicien-psychothérapeute, enseignant en psychologie, St-Pierre, île de la Réunion, soulève et fait la différence entre le vol chez la petite enfance et l’adolescent : «Le vol abolit les frontières entre ce qui est à moi et ce qui est à l'autre. Si pour le petit enfant il s'agit plutôt de faire un essai pour voir ce que cela fait, en même temps il s'agit souvent de vivre la volupté de réaliser un acte interdit par les parents et accessoirement par la société. Chez le petit, le vol est un comportement que je qualifierais de presque naturel et même assez logique, chez la petite enfance. Point de doute, il n'y a pas de génétique du vol. Souvent les ‘‘petits voleurs’’ font leurs premières tentatives vers 4 ans. En fait, à cet âge l'on ne fait pas vraiment le différence entre ce qui est à soi et ce qui est aux autres. L'on n’a pas non plus intégré toutes les notions de culpabilité, et c'est justement par la transgression des interdits et par la sanction des adultes, que l'enfant intègre cette culpabilité et donc grandit. Bref, chez le petit, le vol n'est pas si gravissime que cela. Par contre, chez l'adolescent, cela prend une autre dimension. Rappelons que l'adolescence commence vers 12 ans pour les plus précoces.»
«Mon Dieu, mon enfant a volé ! Mais pourquoi ?»
Nous avons tous assisté à une scène dans laquelle la maman pleure en découvrant que son enfant a volé un peu de monnaie, des bonbons ou du chocolat. Elle s’écrie alors : «Mais qu’est-ce que j’ai fait ?! Mon enfant est perdu, c’est un voyou ! Je dois être une mauvaise maman.» Pas la peine de se mettre dans cet état-là. Les experts expliquent qu’il existe des raisons, assez générales qui poussent un enfant à voler. Dimitri Haikin, psychologue, psychothérapeute, les énumère : «Il existe une liste non exhaustive des différentes motivations conscientes et inconscientes. Il est à citer ‘‘la pulsion’’, dans ce cas, l'enfant dira que c'était ‘‘plus fort que lui’’, qu'il n'a pas réfléchi, qu'il était terriblement attiré par l'objet. Il s'agit d'une pulsion orale avec un désir irrésistible d'avoir. Il plaidera donc ‘’la force irrésistible’’. Ou encore ‘’la compensation’’, dans certains cas, le vol d'objets peut être la réponse à un manque affectif. L'enfant se vivant comme ‘‘manquant’’ va chercher à combler le vide par l'objet symbolique. Ce mécanisme est proche de celui d'autres dépendances comme la boulimie. Ce type de vol peut se répéter et devenir alors le symptôme d'un état dépressif chez l'enfant. Il nécessite alors une prise en charge psychothérapeutique. Ou bien, ‘’le mimétisme’’, Il s'agit là du désir inconscient d'être comme l'autre, de lui ressembler. Ce type de désir apparaît très tôt chez l'enfant, dès la crèche, quand il voit son camarade jouer avec le seau jaune, il va tenter de le lui prendre pour ‘’se sentir comme l'autre’’. Chez l'enfant plus grand, cela peut traduire le sentiment de vivre comme trop différent des autres et donc comme potentiellement rejetable. Sa croyance inconsciente est qu'en possédant le même objet que toi, je serai reconnu et aimé comme toi. Enfin, ‘’la bravade de l'interdit’’, dans ce cas, l'enfant veut éprouver la loi qu'il connaît. Il cherche à ressentir ce qui se passe quand il franchit une limite clairement interdite. Il peut ressentir alors une certaine jouissance sous forme d'un sentiment de toute-puissance. Cependant, il est rare qu'il perdure et se commute généralement bien vite en un profond sentiment de culpabilité. L'enfant se sent alors seul avec son secret et aura besoin de l'aide de quelqu'un pour tourner la page.»
«En enfer, tu brûleras... !» La bonne réponse ?!
Le sentiment de culpabilité n’est pas inné, mais se développe avec l’âge. C’est dans ce sens que David Goulois, psychologue clinicienpsychothérapeute, note : «Il est très important de culpabiliser l'enfant : c'est en le culpabilisant qu'il va intégrer les interdits sociaux. Mais pas trop non plus. Il y a un juste milieu : montrez de la tristesse au fait que votre enfant ait volé. Montrez des émotions. Rappelez que les voleurs finissent en prison. Pas la peine pour autant de le stigmatiser dans la famille.» Pour sa part, Dimitri Haikin relève qu’«il est indispensable en tant qu'adulte de rester très clair et ferme quand au fait qu'il s'agisse d'un acte strictement interdit ! Il faudra ensuite tenter de mesurer la nature des motivations de cet acte et enfin trouver un procédé de réparation qui puisse clôturer l'affaire convenablement pour les deux parties. La réparation est bien plus pédagogique pour l'enfant que la punition. Il n’est pas nécessaire d’utiliser des images terrorisantes comme : ‘’tu vas aller en prison’’ ou ‘’la police va venir à la maison’’.»
Vols à répétition : à prendre en charge
Comme expliqué, la plupart des enfants volent pour explorer, pour tester et en leur expliquant pourquoi c'est interdit, ils ne recommenceront pas. Cependant, lorsqu’un enfant continue à voler régulièrement, il faut s'en inquiéter. A ce sujet, Marion Haza met en garde : «Son comportement cache une souffrance et va souvent de pair avec des problèmes scolaires ou de l'insolence. Attention aussi aux problèmes de racket ! Cela peut être le signe que l'enfant est victime d'un chantage. » Et pour cela, il n’y a pas d’âge.
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