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Rubrique Le Soirmagazine

Entretien Nadjat LAHDIRI, docteur en sciences de l’information et de la communication, chercheure permanente au CRASC d’Oran, au soirmagazine :

«Le cyberharcèlement est une forme de violence scolaire»

Nadjat Lahdiri est docteur en sciences de l’information et de la communication et chercheure permanente au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d’Oran. Ses recherches portent sur les médias classiques et numériques, la participation politique, histoire des médias, médias et société et l’éthique. Dans cet entretien, elle explique le cyberharcèlement et son impact sur les enfants. 

Soirmagazine : L’émergence des réseaux sociaux a fait changer le relationnel entre l’individu, notamment auprès des enfants, qu’en pensez-vous ?
Dr Nadjat Lahdiri
: Effectivement, si nous voulions renommer l’ère actuelle, nous dirions que nous vivons dans l’ère numérique. Le développement technologique a permis l’évolution des moyens de communication sous ses différents supports. Ces derniers ont tiré profit du numérique pour constituer de nouvelles lices d’information et de communication afin de cibler un très large public.  Il faut signaler que le passage de ces médias au numérique n’a exclu en aucun cas les versions papier pour la presse écrite ou les médias de masse classique qui ont résisté à cette évolution technologique. Par ailleurs, il faut dire que le numérique a fait changer certaines habitudes liées à l’individu également à la société. Aujourd’hui, l’accès presque inconditionné à la plate-forme numérique a encouragé, d’une part, l’émergence des moyens de communication entre individus (personnel : via les réseaux sociaux) et professionnel (ceux des institutions d’information et de la communication), d’autre part. De plus, si auparavant toute la famille se réunissait autour de la télévision dans des moments précis, c’est-à-dire  l’espace dans les foyers,   à titre d’exemple, était dominé par les médias classiques, aujourd’hui chacun des membres de la famille s’isole pour se connecter dans son monde virtuel. A partir de là, les habitudes de réception, de perception et d’envoi des contenus voient une transformation liée au numérique. Les pratiques journalistiques ont, pareillement, évolué suivant les caractéristiques du numérique. Comme vous le savez, l’Algérie est connectée à internet depuis 1993. Depuis, il y a eu multiplication de son utilisation au fil du temps. Ce qui a permis à l’individu d’adhérer à ce monde tout en s’adaptant à ses caractéristiques.
Les dernières statistiques de l’année en cours évoquent environ 15 millions sur dix-huit millions d’Algériens âgés de 15 ans et plus connectés aux réseaux sociaux. Ils passent des heures sur le Net. Comme vous le remarquez, les jeunes sont la catégorie la plus attirée par ces réseaux sociaux. Les enfants aussi semblent être touchés par le numérique, ce qui cause plusieurs problématiques liées au contrôle parental, la législation, la protection de ces enfants contre les abus et dépassements via le numérique. Sachant que l’enfance est une période fragile, car ils croient et adoptent tous ce qu’ils voient ou entendent. Quand ils passent des heures connectés, ils deviennent inconscients à propos des différents contenus qu’ils reçoivent il y a un risque d’être victimes de violence ou d’harcèlement numérique.

A partir de quand peut-on évoquer le cyberharcèlement ?
Comme je l’ai avancé ci-dessus, l’enfant passe des heures devant son écran numérique, certains contenus qu’il reçoit l’implique dans un monde qu’il ne connaît pas, mais qu’il apprécie beaucoup. Et comme nous le savons tous, l’enfant est très curieux,  pose beaucoup de questions et aime aussi découvrir son monde, exclusivement, le virtuel ; il passe un temps dans le virtuel pour découvrir des nouveautés, à partir de là un risque d’être victime du cyberharcèlement apparaît. Beaucoup de cas de suicide ont été enregistrés dans certaines villes d’Algérie dus à l’application «Le poisson bleu» il y a quelque temps. Si nous nous demandons qu’elle est la catégorie ciblée par le cyberharcèlement, nous constatons qu’il s’agit des enfants, vu leur  caractère  innocent et inconscient. D’autres phénomènes aussi ne manqueront pas de nuire aux enfants, soit au présent soit à l’avenir.

Ce phénomène existe-t-il dans le milieu scolaire en Algérie ?
Je me permets de donner une définition du mot cyberharcèlement pour nos chers lecteurs. Il s’agit d’un harcèlement dû au numérique sous ses différentes formes, surtout morale, il nuit aussi aux valeurs quand on touche à la morale d’un enfant, c’est l’acte du harcèlement. Pour être claire, il faut dire que le cyberharcèlement se voit à travers le comportement violent ou de méfiance ou autre si nous sommes connectés. Dans le milieu scolaire, il est un peu dur d’avancer que ce phénomène existe, mais si nous examinons le comportement visible dans cet espace, nous comprendrons qu’il reflète ce genre de fait et beaucoup d’autres.

Est-ce qu’on peut le considérer comme une forme de violence scolaire ?
Absolument, comme l’évolution technologique a fait engendrer de nouvelles pratiques et habitudes liées à la société et à l’individu, très visibles dans le comportement des enfants,  nous pouvons le considérer ainsi. Malheureusement, il s’agit d’un phénomène qui de plus en plus nuit aux institutions d’éducation aussi, aux valeurs de la société, car la violence prend de plus en plus une grande marge dans l’espace public. Il faut juste préciser que ce phénomène ne touche pas uniquement l’Algérie, mais  qui se répand dans d’autres pays.

Comment s’en prémunir et se protéger ?
A mon avis il faudrait repenser l’utilisation du numérique et veiller à trouver des solutions qui protègent les enfants ou autres catégories contre les abus pratiqués via le Net sous ses différentes formes : cybercriminalité, cyberharcèlement… surtout revoir la législation liée au numérique, également, organiser des campagnes de sensibilisation auprès de la société sur les dangers du numérique par le biais des médias et  milieu scolaire.  Je ne vous cache pas, j’ai été impressionnée lors de ma participation à une rencontre scientifique à Istanbul en mois d’octobre dernier, que l’accès aux réseaux sociaux dans les établissements d’instruction (écoles et facultés) était impossible ! Je crois qu’il est temps de s’inspirer de l’expérience turque dans ce sens. Ça se voit qu’il voulait uniquement bien garantir un avenir meilleur et faire de cet espace virtuel une lice importante du savoir.

Quel est le rôle des parents ?
Le rôle des parents est clair, s’est d’éduquer, faire apprendre et défendre son enfant. Dans ce contexte de l’évolution numérique, qui a impliqué leurs enfants dans un monde numérique, il est demandé aux parents d’accompagner leurs enfants et de les contrôler lors de leurs connexions via les réseaux sociaux. Tout en assurant leur  bonne  instruction  via le Net qui leur  apprend beaucoup de choses positives.

Y a-t-il dans ce cas de figure une responsabilité de l’administration scolaire ?
L’établissement scolaire garantit une formation et un apprentissage meilleurs durant les différentes étapes de formation. Pour le cas du cyber-harcèlement, l’école pourra jouer un grand rôle dans la sensibilisation de cette catégorie fragile. Permettez-moi de vous dire dans ce sens, et dans le cadre de ma participation au colloque national à Biskra sur la culture numérique et la société algérienne les 2 et 3 novembre derniers, que j’ai présenté une étude liée à l’éducation culturelle numérique en Algérie où j’ai montré que l’Algérie a enregistré une avancée très considérable en matière de l’évolution technologique, marquée par le nombre important des utilisateurs de  réseaux sociaux. Cependant, j’avais proposé d’introduire l’éducation numérique dans les établissements scolaires en Algérie, une solution qu’à mon avis va certainement aider à mieux cadrer nos enfants : écoliers et lycéens et mêmes nos étudiants et les orienter vers une bonne et meilleure utilisation de la plate-forme numérique, qui va leur  servir de lice nouvelle de l’éducation et d’apprentissage du savoir. A cet effet, je crois qu’il est temps de passer à cette étape très bénéfique ; j’ajouterais aussi qu’il s’agit d’une responsabilité partagée entre les parents, les institutions,  également, les décideurs afin de mettre fin aux phénomènes néfastes du numérique qui ne cessent de nuire à la société. En conclusion, je dirais qu’un enfant doit à ses parents une bonne éducation, il doit à son école une bonne instruction ; une fois grand, il doit à son pays une bonne citoyenneté. 

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