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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie Yaâgoub, celui qui remet les pendules à l’heure

Par Rabah Saâdoun
Une petite table pliante, une  chaise, une valise dans laquelle se trouve tout son  arsenal, et beaucoup de savoir-faire. La passion de Yaâgoub : ressusciter une montre que l’on croyait morte.
Yaâgoub était, pour la majorité des habitants de notre région, un personnage atypique  par son look, mais, surtout, par sa façon de voir les choses. Qu’il pleuve ou qu’il vente, on le retrouvait toujours au centre-ville de Tissemsilt, attendant un éventuel client.  Quiconque à l’époque avait besoin de réparation, d’entretien, de réglage ou d’un simple contrôle d’une  montre, d’un réveil, d’une horloge, pensait  sans nulle hésitation à Yaâgoub, convaincu qu’il ne pouvait être mieux servi que par lui.

C’était un homme  longiligne, discret et peu peu bavard. Toutefois, s’il prenait la parole, rares sont ceux qui comprenaient ce qu’il exprimait car il avait une vision très philosophique de la vie et de ses aléas. Son discours était truffé de sous-entendus et de métaphores. Propre et toujours bien mis, je me rappelle très bien de ses tatouages qu’il portait sur la main et que  l’on nous faisait croire, à l’époque, que c’était la marque  des marginaux ou d’anciens détenus. Loin de là ! Notre horloger était connu pour sa probité et son intégrité.
  Au  début des années soixante, il avait exercé en tant que chauffeur dans une administration publique avant de revenir rapidement à son domaine de prédilection, l’horlogerie. Une administration qui avait perdu, à l’époque, un élément très intéressant sur tous les plans. Lui qui a marqué ses anciens collègues par ses différentes anecdotes reprises jusqu’à présent.  Combien il les avait fait rire !
Je revois encore son petit outillage posé sur la table, j’allais dire sa mini-clinique de montres : des petits tournevis antimagnétiques, une loupe, une poire soufflette, une pince crabe pour saisir le verre, des brucelles pour attraper les aiguilles, un pointeau, du lubrifiant, du liquide de nettoyage… Et, bien sûr, sa chachiya (calotte) qui ne le quittait jamais au même titre que sa pipe, même quand il était en pleine «intervention chirurgicale». 
Entre lui et les montres, il semblait qu’un pacte ait été conclu, donnant à l’homme toute domination sur le temps. On pouvait croire que des serments avaient été échangés. Il n’aspirait qu’à une chose : accomplir avec perfection sa noble tâche.   Il lui arrivait de passer toute une journée sans gagner le moindre sou, mais ça ne l’empêchait pas de garder le sourire. Jamais il n’a demandé de l’aide à qui que ce soit. Avec beaucoup de philosophie, il répétait souvent : «Yaâgoub ne s’incline devant  personne, sauf devant Dieu.» 
De son vivant, il n’avait jamais eu d’embrouilles  avec personne. Ses voisins lui reconnaissaient  beaucoup de qualités, en particulier son empathie et sa  générosité.
Son seul péché mignon,  la boisson alcoolisée. Il était enchaîné à son vice, il buvait à n'en plus finir, sans plaisir, avec, pour seul but, de s'embrumer l'esprit et évaporer sa monnaie. Il avait beau tenté  de  se sevrer, mais c’était peine perdue.
Chaque soir, il rentrait chez lui très éméché. C’était surtout dans cet état qu’il fallait côtoyer le regretté Yaâgoub pour profiter pleinement de sa sagesse et, surtout, de son éloquence. Il gardait intacte sa  verve. Néanmoins, il avait des difficultés à s’orienter dans l’espace et trébuchait souvent. Un soir, alors qu’il rentrait  ivre, il trébucha et sa calotte lui tomba de la tête. Un de ses voisins qui l’aida à se redresser lui dit : «fais attention si Yaâgoub !» Le regretté lui répondit : «n’aie crainte cher voisin, chachiya tihe w Yaâgoub ma ytihache (la calotte tombe, mais pas Yaâgoub)». Une phrase culte qui est restée gravée à jamais dans la mémoire collective de tous les habitants. Et, à chaque fois que la situation s’y prête ou qu’on l’évoque, on se la remémore.
   Il est resté digne  jusqu’à la fin de ses jours, malgré toutes les souffrances qu’il avait subies. Et il me rappellera à jamais l’histoire du billet de banque qui était froissé, piétiné, sali et décoloré, mais qui gardait toujours sa valeur et que tout le monde voulait en dépit de tout. Il disait  : «Plusieurs fois dans votre vie vous serez froissé, rejeté, souillé par les gens, par la vie ou par des événements. Vous pourrez avoir l'impression que vous ne valez plus rien, mais, en réalité, votre valeur n'aura pas changé d’un iota aux yeux des gens qui vous aiment» !

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