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Rubrique Les choses de la vie

Boussessou, l'appel de la forêt

Je suis revenu à Boussessou. La montagne est belle en automne. Constituée d'espèces robustes, adaptées au sol et au climat, la forêt offre alors un spectacle féerique, surtout au crépuscule, lorsque le feu du soleil couchant embrase ses cheveux d'une belle couleur pourpre flamboyante. La longue histoire de Boussessou est intimement liée à la vie des habitants de la région. Elle a toujours protégé la ville installée sur ses piémonts nord. Ce fut d'abord une cité numide dont on trouve les traces au 3e siècle avant J.-C. Plus tard, elle fut colonisée par les Romains. Durant le début du premier millénaire, la ville se développa et fut surtout connue pour son intense activité intellectuelle. 
 Ce haut lieu de la culture et de la pensée philosophique rayonna à travers toute la Méditerranée et dans le monde entier grâce à deux hommes : Apulée de Madaure et Saint Augustin. Le premier, auteur d'une œuvre romanesque et philosophique dense, a influencé la littérature mondiale, la psychologie et la psychanalyse, le théâtre et même l'opéra ! De nombreux poètes, écrivains, peintres, sculpteurs, compositeurs et chorégraphes s'inspirèrent de son œuvre. Quant à Saint Augustin, fils de Sainte Monique de Souk-Ahras, inutile de rappeler son rôle dans l'affermissement de l'Eglise chrétienne dont il est incontestablement l'un des pères les plus célèbres.
Mais cette ville ignorée par les Algériens et dont une grande partie est encore enfouie sous terre, ne donna pas à l'humanité que ces deux génies. Peut-on oublier Maxime dont les apports réguliers à la grammaire latine sont cités jusqu'à aujourd'hui ou encore Martianus Mineus Felix Capella, écrivain, poète, théoricien de la musique, philosophe et astronome émérite? Son livre Les noces de Philologie et de Mercure fut une référence et un ouvrage populaire en Europe occidentale durant un millénaire. Ce fut l'encyclopédie la plus utilisée au Moyen-Âge. Mais ce fut aussi l'astronome qui révolutionna cette science en émettant des hypothèses qui ne seront vérifiées que plusieurs siècles plus tard. Cet Amazigh de Madaure a été le premier à affirmer que les planètes tournent autour du soleil et le premier aussi à définir l'orientation du soleil. Reconnaissante, la communauté des astronomes donna son nom à un cratère de la Lune et à l'étoile la plus brillante de la constellation du Cocher.
C'est cette ville berbère romanisée que protégeait la montagne de Boussessou, barrage naturel contre d'éventuelles agressions. Au sud et une fois descendu de la forêt pour s'engager dans cette piste perdue au milieu d'un paysage désolé où rien ne pousse, on tombe sur les restes d'un poste de garde avancé à partir duquel des cavaliers qui tenaient leurs attelages prêts pouvaient avertir, en quelques minutes, les habitants de tout danger venant de la région de Theveste ou des autres cités de la Tunisie toute proche.
Le djebel Boussessou aurait également joué un rôle important dans la résistance aux envahisseurs arabes puisque cette chaîne intermédiaire entre l'Atlas tellien plus au nord et l'Atlas saharien dont les monts bleuâtres sont visibles à partir d'ici, joint pratiquement les confins algéro-tunisiens aux Aurès. Après les épisodes vandale et byzantin, on raconte que la Kahina, reine berbère reconnue dans toute la région, ordonna aux habitants de Madaure de détruire récoltes et biens et de brûler la ville avant l'arrivée des Arabes. Cependant, ces faits n'ont pu être confirmés par une source historique crédible.
La montagne ne connut pas d'autres événements majeurs avant l'arrivée des soldats de la colonisation française qui exercèrent une terrible répression contre les tribus locales, comme ils l'ont fait à travers toute l'Algérie. Ce fut aussi le lieu privilégié choisi par les résistants pour installer leurs bases, profitant des bois denses et impénétrables des hauteurs. Les premières attaques contre les casernes coloniales installées à M'daourouch partirent de Boussessou.
Mais, au cours de la décennie 90, Boussessou fut souillée par la présence des hordes terroristes qui installèrent la terreur dans la région. Boussessou fut aussi le titre des légendes de bravoure tissées par les patriotes qui ne s'avouèrent jamais vaincus. J'ai déjà raconté l'histoire du brave Mohamed Merabet dit Touil qui grimpait jusqu'à la grotte-refuge des terroristes pour détruire les biens alimentaires, les ustensiles et le mobilier rudimentaire qui s'y trouvaient. Averti plusieurs fois par l'émir qui descendait jusqu'à sa ferme, il recommença et recommença... Un jour, nous découvrîmes sa tête égorgée suspendue à un piquet, au beau milieu du terrain accueillant le souk hebdomadaire.
Je quitte la forêt au moment où l'obscurité envahit les lieux, les yeux pleins de beauté à l'état pur et l'esprit revigoré par le souvenir de ces femmes et hommes qui furent à la fois des sommités de la connaissance et des géants de la résistance populaire.
M. F.

 

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