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Rubrique Les choses de la vie

Ce soir, ne ratez pas les «Ayla»...

En 2005, le ministre des Affaires religieuses déclarait, à propos de l'observation du croissant lunaire, sujet de toutes les polémiques à l'approche des Ramadhan et Aïd : «La tradition du Prophète nous invite à guetter la naissance du croissant lunaire et nous le faisons physiquement par l'œil nu, mais aussi par des télescopes. Cela est autorisé juridiquement et aussi dans la religion. Mais nous conjuguons cela avec la donne scientifique. Quand cette dernière atteste qu'il est impossible de voir la naissance du croissant lunaire, on se réfère sur ça et on ne statue pas sur la naissance et le commencement du jeûne.» Cela constituait une petite révolution en soi tant la pratique de ces dernières décennies s'éloignait de l'esprit scientifique et même de la raison ! La régression de ce peuple devrait d'ailleurs se calculer en années lumières. A l'un de mes amis qui m'accompagnait au souk hebdomadaire du village et qui me faisait remarquer qu'on était revenu au Moyen-Âge, je répondais que les marchés de cette époque étaient également marqués par les jeux de cirque, la musique des troubadours et l'ambiance festive qui enflammait le cœur des cités médiévales ! Chez nous, maintenant, en plein XXIe siècle, c'est la mort culturelle qui règne partout ! C'est la tristesse lassante et durable qui nous étouffe du matin au soir. Et cela, au nom de la religion ! Ou plutôt, pour être juste et précis, d'une mauvaise interprétation de la pratique religieuse.
Nous nous enfonçons d'année en année et cela ne semble inquiéter personne. Comme si cela faisait partie d'un plan diabolique qui viserait à tétaniser la société pour mieux l'asservir. Ce pays qui inaugurait en 1969 l'une des toutes premières écoles supérieures d'informatique dans le monde (Cinq-Maisons, près d'El-Harrach) tourne désormais le dos à la science et à la raison. Il nage dans les eaux troubles de l'ignorance et de l'obscurantisme et régresse de jour en jour, victime d'une attaque en règle des salafistes et des Frères musulmans qui sont les deux faces d'une même monnaie. Pas seulement ! Les partis dits modernes ne se gênent plus de mélanger politique et religion, dans un discours populiste et démagogique relayé d'ailleurs par ces télés de la dérive intégriste qui déforment des générations entières. Nourries de slogans religieux vides mais porteurs, de passion footballistique au ras des pâquerettes, ces générations que des amis ont appelées les «Wantoutristes» sombrent dans un nationalisme fascisant englué de croyances religieuses douteuses.
Nous oublions que ce sont ces dérives qui ont conduit à la naissance d'un terrorisme aveugle, le premier à se manifester d'une manière aussi brutale dans toute la région Mena-Afrique du Nord.  Cela commence toujours par l'agression d'une femme isolée qui n'était pas au bon endroit, au bon moment, c'est-à-dire dans sa cuisine. Cela commence par un appel aux jeunes à lancer de l'acide à la face des Algériennes qui ne se conforment pas à un code vestimentaire non algérien, importé d'Arabie Saoudite ! Est-on conscient de la gravité de ces menaces et de leur impact sur la vie sociale ? La déradicalisation dont se gargarisent nos responsables n'existe que dans leurs discours. La société algérienne se radicalise et fortement ! Elle n'a jamais atteint ce stade de régression culturelle et sociale qui fait frémir quand on pense à l'avenir, au jour où tous ces «Wantoutristes» prendront la relève partout !
L'Algérie qui lançait, début 70, un vaste programme de modernisation touchant tous les secteurs, a supprimé le rituel de l'observation du croissant lunaire à l'œil nu, utilisant les moyens technologiques offerts par l'astronomie. Elle trouva en l'Arabie Saoudite du regretté Fayçal un partenaire fiable et solidaire puisque les deux pays adoptèrent un calendrier lunaire qui tenait compte des calculs astronomiques crédibles indiquant la date et l'heure de la présence du croissant lunaire sur chacun des deux territoires. Ainsi, les calendriers dont nous disposions à l'époque précisaient les dates du début du Ramadhan et de l'Aïd et nous n'avions plus besoin de supporter les séances lassantes des «Ayla»...
Cette quête de modernité, cette volonté farouche d'utiliser les moyens de la science n'ont malheureusement pas fait long feu. Le tournant libéral, s'accompagnant d'une religiosité qui le sert très bien, fut une véritable catastrophe pour le pays, aussi bien sur le plan économique et social que sur celui de la culture et des idées. Aujourd'hui, déconsidérer l'observation à l'œil nu, qui est difficilement vérifiable, rencontrerait des résistances qui ne viendraient pas seulement des intégristes mais de tout ce tissu social ayant régressé socialement et culturellement au fil des ans au point de contester la modernité et la science !
Evidemment, tout un environnement multi-facettes sert cet intégrisme que nous sommes censés combattre. Quand en 2018, l'Algérie officielle inaugure, en grande pompe, le siège d'un marabout dans les environs d'Alger, n'y a-t-il pas de quoi se décourager ? Certes, on nous répondra que les zaouïas sont l'expression d'un islam authentiquement algérien et qu'elles servent à combattre l'intégrisme. Franchement, je ne vois pas comment et d'ailleurs je le dis en connaissance de cause : au début des années troubles, j'avais répondu positivement à l'appel de la présidence pour mettre en exergue la création de l'Association Nationale des Zaouïas, en consacrant l'ouverture du quotidien que je dirigeais (Horizons) à cet événement. Cet appel était initié par feu Larbi Belkheir dont on dit qu'il était proche des zaouïas. L'influence de ces marabouts, implantés notamment à l'Ouest et au Sud, n'eut aucun résultat palpable et la suite, vous la connaissez ! On combat l'obscurantisme par la lumière de la culture et le génie de la science, par la modernité comme axe de développement social d'un peuple et non par des pratiques, certes authentiquement nationales, mais relevant du passé et marquées par l'esprit féodal. Je suis d'une région où l'influence de Ben Badis a balayé tous ces marabouts qui ont été également combattus par la révolution de Novembre, puis par Boumediène qui les considérait comme un frein à la révolution socialiste. Je dis cela comme des vérités miennes, mais sans porter atteinte aux croyances des gens, ni à la crédibilité de certaines zaouias qui luttèrent pour l'indépendance du pays bien qu'elles furent rares, la majorité ayant été manipulées par les services de la colonisation pour asseoir sa domination.
On ne peut pas jouer avec le feu indéfiniment. Le projet de société qu'on nous propose, et qui refuse la modernité dans beaucoup de ses chapitres, nous mènera immanquablement aux mêmes dérives. La dernière scène qui s'est déroulée, pour la première fois, dans une mosquée et qui répète les mêmes postures face à un portrait relooké à la mode des Touaregs, montre clairement que le chemin est des plus mauvais, de plus en plus dangereux. Si ces dirigeants au garde-à-vous dans un lieu de culte n'en sont pas conscients, il faut le leur rappeler... Ici et partout pour que l'Algérie reprenne la route du progrès et du développement dans l'indépendance et la dignité. Enfin, à ceux qui sont tentés d'aligner notre pays sur l'Arabie Saoudite pour la date de l'Aïd, disons que les choses ne sont pas aussi simples : le croissant peut très bien être observable là-bas et pas ici ! Seule la science peut trancher et surtout pas l'œil d'un quidam perdu dans les dunes...
M. F

 

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