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Rubrique Les choses de la vie

Essahaf, la dernière résistance à l’Empire

Il y a beaucoup de choses que nous devons réviser à l’issue de cette nouvelle guerre coloniale, la première du XXIe siècle. Il y a d’abord cette nouvelle réalité qui s’impose à nous brutalement : la logique de la force l’emporte sur toutes les autres considérations, comme si le long combat pour la liberté, comme si les idées d’émancipation des peuples, de progrès social et de paix semées tout au long des siècles n’ont servi à rien ! Aujourd’hui, nous sommes contraints de choisir entre deux solutions car, malheureusement, il n’en existe pas de troisième. Ou baisser les bras et courber l’échine devant nos nouveaux maîtres, comme le font pratiquement tous les gouvernements de la planète, ou lutter à la manière des Irakiens qui défendent dignement leur pays contre l’occupation étrangère. Le sens de leur lutte n’est pas bien perceptible aujourd’hui car il y a encore l’amalgame entre la défense d’un régime et celle, toute naturelle, de sa terre natale contre les armées étrangères.
Le combat pour la liberté n’est pas celui que l’on veut nous vendre, non, ce n’est pas celui-là ! Il ne peut se faire avec cette politique guerrière qui laisse derrière elle tant de morts et de destructions et, surtout, des traces indélébiles dans les mémoires. Le combat pour la liberté des peuples est un combat juste et noble. Il obéit à des considérations totalement différentes des intérêts stratégiques d’Israël et du chapardage des ressources naturelles du peuple irakien. Ce combat sert le droit, la justice, le bonheur pour tous, la fraternité et la solidarité. Non, le combat pour la liberté n’est pas cette terrible boucherie contre les journalistes témoins du drame et ciblés justement parce qu’ils continuent à offrir au monde une image différente de celle diffusée par des «envoyés spéciaux» très spéciaux confinés à l’intérieur des tanks de la coalition et dont les envois sont supervisés par la censure militaire. C’est lamentable pour un pays qui se dit champion de la démocratie et dont le premier amendement est un hymne à la liberté de la presse ! Après avoir détruit les relais du canal TV irakien, les Américains se sont attaqué cette fois-ci à des chaînes arabophones qui donnaient au monde une autre image de la guerre, l’image de la réalité filmée telle quelle, sans montages hollywoodiens, ni intervention des ciseaux du Pentagone.
Mais ils ne pourront jamais arrêter les images qui témoignent de leurs crimes, ni celles qui montrent au monde entier, qu’au-delà de la chute d’un régime, prévisible après tout, il y a peut-être une révolution populaire qui se prépare là-bas, l’une de ces révolutions populaires armées qui font peur aux tyrans. Et dans le cas qui nous intéresse, Bush ressemble aujourd’hui à un véritable tyran, l’un de ces dictateurs qui fait ce que bon lui semble et qui va jusqu’au bout de sa logique, sans tenir compte des critiques de ses amis ou de ses ennemis ; et lorsque cette logique mène jusqu’au génocide, cela nous rappelle les plus mauvais souvenirs vécus par l’humanité au siècle dernier…
Et si Bush n’était qu’un dictateur arrivé par l’un de ces «hasards» démocratiques à la tête de la première puissance mondiale ? Et si tout ce système, dominé aujourd’hui par ceux que l’on appelle les faucons, n’était qu’un régime totalitaire qui a la façade d’une démocratie mais qui fonctionne selon les bons vieux principes des pouvoirs dictatoriaux ? Suivez bien toutes les interventions des responsables américains : cela ne vous rappelle rien ? Cherchez bien, si… Cette langue de bois que nous connaissons si bien, elle est là, au cœur des interventions des militaires, dans les discours de Bush, dans les propos des membres du Congrès et même dans les écrits des journalistes. Avez-vous remarqué que les points de presse n’apportent rien de précis, toujours les mêmes proclamations, les mêmes slogans. Tout le système montre aujourd’hui ses faiblesses du point de vue de la démocratie, de la libre pensée, de l’enthousiasme qui naît de la certitude de servir réellement le bien. Ils sont fades, tristes et sans vitalité, nous rappelant les vieux dirigeants du Kremlin… Partout, le vent de la liberté a soufflé, apportant des changements vitaux pour les sociétés ; mais aux Etats-Unis, le dollar continue d’être le seul dieu.
Comment appeler autrement ceux qui veulent dompter les peuples par la force, ceux qui organisent le génocide, ceux qui menacent déjà d’autres pays du même sort, ceux qui poussent les valeurs patriotiques aux limites d’un nationalisme qui rappelle le nazisme, ceux qui utilisent la presse et la télévision pour la propagande, ceux qui instrumentalisent toutes les formes d’expression, ceux qui font la chasse aux sorcières dans le monde des artistes et des intellectuels (n’est-ce pas Madona ?), ceux qui répriment avec des balles en caoutchouc des manifestations de jeunes anti-guerre, ceux qui assassinent des journalistes ne répondant pas aux «normes» ? Comment les appelle-t-on ? Je vous laisse le soin de répondre à cette question…
Réveillez-vous avant qu’il ne soit trop tard ! L’honneur de l’humanité est aujourd’hui défendu par des femmes et des hommes coincés dans une cité qui s’appelle Baghdad. En protégeant par tous les moyens leur ville contre les hordes sauvages, ils interpellent la conscience humaine. Ils ne vivront peut-être pas longtemps mais ils savent que le message sera reçu. Aujourd’hui ou demain, peu importe.
Ils savent que les gens finiront par se réveiller pour sortir en masse et rapidement du cinéma où on leur projette le même film depuis des décennies. Sortir vite, vers la lumière du grand jour, pour voir encore une fois, peut-être la dernière ce brave Essahaf, ministre de l’Information irakien, défier courageusement les avions et les missiles avec une arme toute simple : la parole née de l’engagement pour la liberté des siens. Cet homme vaut mieux que tous les rois, roitelets, princes et présidents arabes!
Essahaf restera le symbole de notre révolte étouffée par la force. Il est l’image forte de ce début de siècle, une figure emblématique surgie des profondeurs du Tiers-Monde pour signifier aux empereurs des âges nouveaux que l’humanité ne reculera pas devant la terreur. Cet homme, nous ne le verrons peut-être plus sur les écrans de télévision totalement contrôlés par les envahisseurs. Mais comme un terrible cauchemar, il continuera de hanter les nuits des nouveaux satrapes.
M. F.

P. S. 1 : cette chronique a été publiée dans l’édition du 10 avril 2003 du Soir d’Algérie, juste après le début de la guerre d’Irak. La revoici en hommage à M. Essahaf, l’ancien ministre irakien de l’Information, qui vient de nous quitter. Quant à la résistance irakienne, elle fut rapidement assimilée au terrorisme, les manipulateurs de la CIA s’acharnant à semer le pays de voitures piégées pour cacher la débâcle des troupes américaines.
P. S. 2 : en attendant que l’Algérie puisse retrouver sa parole, comme souhaité par M. De Villepin, nous assistons, impuissants, aux querelles entre wahhabites et Frères musulmans d’Algérie qui sont aux ordres de Riyad et de Doha/Ankara. Nous devons combattre les deux mouvements car ils représentent un danger pour l’indépendance du pays et sa stabilité et cesser de vouloir contenter les uns et les autres comme le fait le ministre des Affaires religieuses.
P. S. 3 : certains prenaient à la légère la «main étrangère». Le prince héritier d’Arabie Saoudite vient de déclarer officiellement que l’islamisme radical a été introduit et encouragé dans nos pays pour répondre aux injonctions des impérialistes ! Plus «main étrangère» que ça, tu meurs !

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