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Rubrique Les choses de la vie

Être «novembriste» en 2019

En l'absence d'un ancrage idéologique visible, les candidats à l'élection présidentielle nagent dans un océan trouble d'idées et d'opinions où émergent quelques îlots de pragmatisme au milieu de vagues promesses électoralistes et d'options économiques floues brassées dans la bouillie démagogique de ces dernières décennies. Au lieu de répondre aux questions fondamentales qui définissent le programme économique à même de résoudre le problème algérien qui traîne depuis la fin des années 1970, les dirigeants déchus ou à venir passent leur temps à ressasser les mêmes constats et à aligner les mêmes conclusions sans relief qui semblent venir directement des papotages du café de commerce ! On se demande parfois si ces candidats ont des staffs d'experts qui travaillent sérieusement sur des programmes crédibles ou s'ils se contentent de quelques notes griffonnées à la hâte dans l'avion de campagne.
D'un point de vue général, il est difficile de connaître l'orientation politique de chaque candidat et si le «je suis islamiste» de M. Bengrina renvoie plus à un appel démagogique qu'à l'énoncé d'un plan de gestion d'un pays, il faut aussi relever que c'est le seul qui s'est identifié à une famille politique. D'ailleurs, cette déclaration est en contradiction avec l'actuelle Constitution qui interdit d'utiliser la religion en politique. Mais lui, au moins, a clarifié sa position. Qu'en est-il des autres ?
Le RND est une entité politique née pour combattre l'intégrisme et mobiliser les citoyens autour de la résistance — armée ou civile — contre le terrorisme islamiste. Très vite, et après la disparition de son leader, feu Benhamouda, le RND est devenu la deuxième roue de la charrette bouteflikienne ! C'est son chef qui disait que l'idéologie était dépassée alors que ses efforts pour privatiser, réduire le nombre de travailleurs, emprisonner les cadres honnêtes du secteur public, disaient le contraire. De l'idéologie, il en pratiquait et des plus explicites. M. Ouyahia fut l'un des acteurs principaux de l'instauration du néolibéralisme en Algérie. Son parti n'a jamais levé le petit doigt pour s'opposer à cette politique de destruction du secteur public. Ce parti ne faisait qu'applaudir son maître incontesté qui, un jour, s'est même permis ce «vive l'oligarchie !» que nous n'avions pas raté à l'époque et auquel nous avions répondu par une chronique intitulée «A bas l'oligarchie !». Si nous rappelons ces faits, c'est pour dire que M. Azzedine Mihoubi doit nous préciser s'il est toujours preneur de ce programme néolibéral du RND et ce qu'il compte faire du secteur public ! Tant qu'il ne répondra pas à ces questions, tant qu'il ne dira pas aux travailleurs ce qu'il leur réserve, tant qu'il ne dira pas s'il a bien compris le message des retraités et de toute cette Algérie laminée par l'ancien patron du RND, le candidat Mihoubi ne fera qu'esquiver le vrai débat.
Chez les autres candidats aussi, il existe cette réserve, disons prudence excessive, de s'avancer sur un terrain mouvant. S'ils ne disent pas qu'il vont abandonner la politique ultralibérale du gouvernement précédent, ils donneront l'impression de vouloir continuer dans la même voie suicidaire déjà bien entamée par le gouvernement Bedoui qui a abandonné le recours à l'impression de billets de banque — voie indépendante et souveraine qui induit un endettement intérieur — pour progresser vers les solutions préconisées par les affameurs des peuples, le FMI et la Banque mondiale : l'endettement extérieur ! On voudrait entendre MM. Benflis,Tebboune et Belaïd donner leurs avis sur ces questions. Il ne s'agit pas de revenir aux clivages traditionnels gauche-droite mais de précisions importantes sur le devenir de l'économie. Car on ne doit jamais oublier que la voie du nouveau capitalisme, celui qui est en panne d'idées et de projets, est sur sa fin. Les guerres qu'il lance à tort et à travers, les destitutions programmées de gouvernements progressistes élus selon les sacro-saintes règles de la démocratie occidentale et la grave crise économique, sociale et morale qui traversent ses sociétés, n'en font pas un bel exemple ! Nos responsables devraient entendre les clameurs qui montent du côté des nouvelles puissances intermédiaires qui proposent des modèles de développement où l'Etat n'abandonne pas son rôle de protecteur de la société et de garant des droits fondamentaux des citoyens. Et pas seulement de leurs droits à se marier «entre hommes !» mais d'abord et avant tout le droit à la santé et à l'éducation gratuites, le droit à la protection sociale, aux libertés fondamentales, à légalité des chances, etc. Un pays comme la Chine qui dame le pion aux Etats-Unis pour lorgner vers la place de number One sur le plan économique, assoit sa force sur un puissant secteur public ! A étudier de près par tous ceux qui ramènent nos grands problèmes à ces sociétés nationales qu'ils veulent absorber ou les terrasser pour augmenter leurs chiffres d'affaires dans l'importation !
En abordant le volet économique, ne faudrait-il pas que l'on nous explique ce que certains candidats entendent par développer l'agriculture et le tourisme. Bien sûr qu'il faut s'occuper sérieusement de ces deux secteurs et les abandonner serait un crime. Mais s'ils entendent, à travers de telles déclarations, qu'il faut négliger le secteur industriel, ils sont dans le faux à cent pour cent. Certains, pour amoindrir le choc, proposent de développer les PMI et les PME, manière de dire «laissons tomber la grande industrie», la vraie industrie, celle qui crée la matière semi-finie pour la... PMI et qui a fait la richesse et la puissance des grandes nations !
Développer — ou continuer à le faire dans certains secteurs — la grande industrie pétrolière, sidérurgique, mécanique, chimique, du textile et du cuir, de l'électroménager, etc. n'est pas une folie de socialistes attardés. Elle ne fut pas, non plus, une lubie du duo Boumediène-Bélaïd Abdesselam dans les années 1970. C'est une nécessité imposée par l'immense richesse de notre sous-sol. Tous les minerais, et les plus rares, existent chez nous. Que faire ? Continuer à les exporter comme le faisait la colonisation, toute heureuse de drainer ces immenses richesses vers les industries métropolitaines ou les exploiter ici, pour faire travailler le plus grand nombre d'Algériens, tout en réduisant les importations? Celui qui hésite entre ces deux solutions n'est pas digne de diriger l'Algérie et celui qui répond mollement que le produit d'ici coûtera plus cher, fait des calculs d'épicier et veut imposer à notre pays la stagnation et le sous-développement. Et puisque le «novembrisme» est à la page, voilà l'occasion de rappeler que Boumediène et son équipe, au-delà de tout ce qu'on peut leur reprocher sur le plan des restrictions des libertés politiques, furent de véritables «novembristes» en ce sens qu'ils ont agi avec le même esprit révolutionnaire, conscients du fait avéré que la faiblesse des moyens et l'inexpérience peuvent être vaincues par la force inébranlable de l'action libératrice. Exactement en droite ligne du contenu de l'appel du 1er Novembre. Je cite : «... le but d’un mouvement révolutionnaire étant de créer toutes les conditions d’une action libératrice, nous estimons que, sous ses aspects internes, le peuple est uni derrière le mot d’ordre d’indépendance et d’action.»
A ces candidats qui se proclament du «novembrisme» de bien s'imprégner des valeurs et principes qui marquent ce concept. La bande oligarchique qui a mené l'Algérie à l'impasse se disait aussi «novembriste» ! Des courants obscurantistes, ennemis du modernisme, du progrès social et des libertés individuelles se présentent également sous les mêmes couleurs ! Et pourtant, le «novembrisme» n'a qu'une seule adresse : elle est incrustée en lettres d'or dans l'esprit révolutionnaire, dans l'intérêt collectif, dans le développement indépendant, dans la satisfaction des besoins essentiels des populations, dans leur émancipation, dans l'égalité des chances, dans la juste répartition des richesses, dans l'anti-impérialisme et le soutien aux peuples qui luttent contre les occupations étrangères et les plans destructeurs des puissances expansionnistes !
L'Algérie a besoin d'hommes en mesure de dessiner un nouveau projet mobilisateur, un puissant souffle novateur capable de soulever les passions et de hisser les jeunes vers les cimes du patriotisme et du don de soi, une voie qui fera retrouver à cette jeunesse l'enthousiasme de nos vingt ans, quand, désireux de payer notre dette vis-à-vis de la génération précédente — celle des moudjahidine —, nous sortions en masse dans les campagnes, pour offrir nos vacances aux paysans pauvres et sans terre, dans un élan fraternel et désintéressé, en vue de les rapprocher du progrès.
Oui, nous étions «novembristes» sans le savoir !
M. F.

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