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Rubrique Les choses de la vie

France, ta République fout le camp !*

L'épisode des déclarations irresponsables de Macron sera vite dépassé et il n'en restera que le pâle souvenir d'un enfantillage politique indigne de la France. Nous l'avons déjà dit : la campagne électorale pour la présidentielle a pris une tournure qui renie les valeurs de la République et les fondements de son identité. Gagner un vote à ce prix-là ne vaut pas le coup ! Il y a un moment où la descente vers les abysses de la pensée fasciste doit s'arrêter, au risque de compromettre l'avenir et de tailler dans le roc républicain de larges avenues aux vieux démons. Il y a un moment où il faut savoir s'arrêter, dire «non !» à l'escalade infernale poussée par les incendiaires, les néo-nazis qui ont remplacé le Juif par l'Arabe et l'Africain. 
Macron n'a pas été assez vigilant dans cette glissade vers les idées d'extrême droite. S'il croit gagner des voix en doublant Zemmour, il se trompe lourdement. Les gens qui votent pour les racistes sont des racistes et ils ne se laisseront tenter par aucune autre candidature que celle de Marine Le Pen qui sera, le moment venu, leur principale porte-parole. L'effet Zemmour ne durera pas jusqu'à la présidentielle et si le journaliste pousse jusque-là, il ne fait aucun doute qu'il cédera ses voix au Rassemblement national au moment opportun. C'est pourquoi la seule chance de Macron de ratisser large n'est pas de jouer sur le terrain vaseux de l'extrême droite; elle est dans l'affirmation des valeurs républicaines dans lesquelles se reconnaissent beaucoup de Français.
D'un autre point de vue et si la campagne attire Macron dans ce piège malsain, c'est peut-être parce qu’il n'a pas grand-chose à présenter comme bilan d'un quinquennat sans saveur marqué par la révolte des gilets jaunes et une gestion hasardeuse de la pandémie de Covid-19. Ce fut la catastrophe sur le plan social ! La France se retrouve aujourd'hui pratiquement sans secteur public : tout a été privatisé au profit de quelques familles ! Comme au temps de la noblesse et des serfs. Et ce n'est pas par hasard si le pays est dépassé dans beaucoup de domaines. L'argent produit par l'activité économique et les différents services va dans les poches de quelques familles triées sur le volet. Ces familles possédantes sont de plus en plus riches alors que le peuple est de plus en plus pauvre. Durant l'insurrection pacifique des gilets jaunes, les Français ont dit leur ras-le-bol. Ils se sont battus contre l'ordre injuste qui les a acculés aux derniers retranchements de la vie, certains éprouvant même des difficultés à se nourrir correctement.
Cette France d'en bas a besoin de mesures concrètes et ces mesures ont manqué durant le mandat Macron. Aujourd'hui, cette même France sait que la politique politicienne ne lui donnera pas ce qui lui manque. Le jeu démocratique est devenu un sport national qui compte les mêmes équipes, les mêmes entraîneurs, les mêmes calendriers. Il possède aussi ses bookmakers qui roulent à coups de sondages. Ce «championnat» adopte des choix tactiques identiques : la question des étrangers est devenue l'enjeu principal des élections. Au lieu de proposer aux Français des programmes pour relancer la machine économique, distribuer plus équitablement la richesse nationale, améliorer les conditions de vie dans les banlieues et les campagnes désertifiées, les candidats imposent l'immigration comme sujet principal de la bataille électorale. Hormis la gauche, toujours fidèle à ses idéaux, chaque candidat du large spectre allant du centre-droite à l'extrême-droite y va de sa recette pour débarrasser le pays des étrangers, «bouffeurs du pain français» ! Il s'installe un climat de haine et de rejet de l'autre qui n'est pas du tout bon pour la suite. 
La démocratie occidentale a déjà péché par manque de vigilance face aux idées fascistes et le résultat fut catastrophique pour toute l'humanité. C'est par l'urne et en développant des idées semblables au début de son parcours politique qu'un Hitler a pu dévaster le monde et faire périr, dans des fours, des millions d'êtres humains pour le seul motif qu'ils appartenaient à une autre race. La démocratie a-t-elle retenu la leçon ? Que vaut la démocratie sans la morale ? Toutes ces institutions de régulation et de contrôle qui chapeautent l'activité politique semblent impuissantes face à ce déferlement de haine raciale et d'idées puisées dans le registre fasciste ! Pour une petite faute dans un programme télévisé, le CSA sévit et pour des personnalités politiques qui programment le règne brun au sein de la cinquième puissance mondiale, aucune mesure n'est prévue !
Je crois que la démocratie occidentale n'est plus capable d'assurer une réelle alternance et on le voit partout en Europe. Les différences entre la gauche et la droite n'existent plus. Les politiques nationales sont dictées par Bruxelles et il n'est pratiquement plus possible d'influer sur le cours des évènements. Dépossédés de leurs prérogatives, les différents pouvoirs sont contraints de suivre des politiques ultralibérales au profit des oligarchies nationales et des multinationales. Par ailleurs, la démocratie occidentale semble avoir fermé le jeu... démocratique en excluant les mouvements populaires combattant pour la justice sociale et le progrès pour tous. À de rares exceptions, ce sont les partis traditionnels qui dirigent les gouvernements. Il y a une illusion de liberté, de libre choix mais ce sont toujours les mêmes qui gagnent. Ce sont les femmes et hommes du système. Jamais un candidat hors système n'a pu remporter un vote ! C'est hors de question ! Les candidats de l'argent sont toujours les favoris parce que l'argent a déjà acheté les radios, télévisions et journaux; il a perverti tout ce qui fait l'opinion. Il y a un matraquage en règle qui tente, dès le départ, de dévaloriser les candidats hors système. Les temps de parole sont millimétrés, les surveillants veillent au grain : tout baigne mais, par le jeu subtil de la manipulation, l'information va privilégier deux ou trois candidats dans le but d'avoir toujours, au final, un duo composé du bon et du méchant. (Rappelez-vous la grossière machination télévisée contre Fillon, abattu pour deux costumes et une montre !) Le bon sera toujours le gagnant ! Il sort du cœur du système de l'argent et si cela était moins marqué du temps de Chirac, on peut considérer le règne de Sarkozy comme le point de départ de la mainmise de l'oligarchie, tendance qui s'est renforcée avec Macron. C'est l'homme des milieux d'argent par excellence. Durant son mandat, il a su rendre la monnaie aux hommes d'affaires. En corollaire, il a fait beaucoup de mal aux travailleurs et aux classes défavorisées.
Pour ne pas se poser ces questions dérangeantes, il est plus commode de s'en prendre aux immigrés comme si la chasse aux Arabes et Africains va rendre leur dignité à ces milliers de gilets jaunes matraqués, éborgnés, avilis ? La France a pourtant besoin de rafraîchir sa mémoire : ce sont les grands-pères de ces gamins bronzés qui ont bâti la grande France des années 60/70. Végétant dans des foyers Sonacotra insalubres, et ne pouvant descendre au bled qu'une fois par an, ils ont largement contribué à l'essor de la France, cette France du progrès et du confort qui les ignorait totalement. La France a besoin de regarder en arrière pour se rappeler au bon souvenir de ces Arabes et Africains qui, durant deux guerres mondiales, ont combattu au nom de la France, pour la France...
Il est vraiment navrant que le pays de Sartre en soit arrivé à se nourrir aux idées extrémistes d'un bonimenteur d'extrême droite, ce Zemmour haineux et intolérant ! Tout un peuple berné par une élite philosophique aux antipodes de tout ce qui a fait la grandeur de la France, c'est l'image désolante d'un pays qui continue pourtant de chanter «Aux armes, citoyens !»
M. F.

(*) Sur  le modèle de la célèbre citation : «France, ton café fout le camp !» (Comtesse du Barry s'adressant au roi Louis XV — qui se faisait appeler France — pour l'avertir que son café venait de déborder).

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