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Rubrique Les choses de la vie

Le Hirak en manque de structuration

Dès le départ du mouvement du 22 février et alors que l'enthousiasme festif et le volontarisme l'emportaient sur la réflexion saine autour des meilleurs moyens de faire aboutir les revendications légitimes des masses sorties pour arracher leur liberté et imposer la démocratie authentique, nous nous sommes fait les porte-parole de la tendance minoritaire qui exigeait une organisation du Hirak. Nous écrivions qu'un mouvement révolutionnaire de cette ampleur ne pouvait se satisfaire uniquement de sorties hebdomadaires, aussi denses et nombreuses soient-elles. La révolution exige un peu plus que ces manifestations limitées dans le temps. Elle ne peut durer et porter ses fruits que si elle se donne la capacité de clarifier ses positions et de les imposer à travers une représentation crédible. A ce titre, nous avions suggéré que des élus communaux se regroupent au niveau des wilayas pour désigner un comité révolutionnaire national qui aurait eu toute latitude pour dialoguer avec le pouvoir.
Malheureusement, personne n'a voulu nous écouter. Des théoriciens qui n'ont de révolutionnaire que le nom ont tout de suite rejeté l'idée d'une représentation du Hirak qu'ils jugeaient dangereuse pour la poursuite de la protestation. Se perdant dans des explications foireuses, prétextant qu'une organisation verticale serait la mort du mouvement, ils ont imposé la plus mauvaise des solutions : ne rien faire et laisser le peuple sans encadrement, se contentant des seules sorties hebdomadaires, avec des mots d'ordre qui commençaient à diviser les manifestants, des récupérations politiciennes et une large place vide laissée à d'autres forces extra politiques pour imposer leur solution.
Ceux qui crient aujourd'hui à la mainmise de l'armée ont tout fait inconsciemment pour que cette dernière soit la seule force organisée qui imprime son rythme au mouvement populaire. En empêchant le Hirak de se doter de sa propre direction, ils l'ont empêché de porter sa voix au niveau national, d'un ton ferme et déterminé, pour que les revendications portées par la rue soient écoutées ! Personne n'aurait pu parler à sa place: ni l'armée, ni la Présidence ni le Panel de dialogue ! Sans représentation, le mouvement du 22 février est sans voix. Certains lui font dire exactement le contraire de ce qu'il veut. D'autres lui prêtent des idées contradictoires, confuses, dans le but de le décrédibiliser. Le peuple ne parle que quelques heures le vendredi puis laisse les autres parler à sa place. Et ce qu'il dit est sujet à toutes sortes d'interprétation !
Il est quand même paradoxal que le Hirak arrive à libérer l'armée, les partis, la société civile, certains médias complices de la bande (encore que la tendance est au retour du béni-oui-ouisme !) mais ne libère pas le peuple ! En fin de compte, il semble que la comédie qui se joue derrière le gros et lourd rideau de la manipulation habituelle, va servir des intérêts qui ne sont pas forcément ceux du peuple et notamment de ses classes laborieuses. Car, enfin, à quoi sert une révolution si elle doit remplacer les exploiteurs du peuple par d'autres nouveaux exploiteurs, si elle ne règle pas le problème fondamental de l'injustice sociale et des inégalités criardes qui facturent le corps de la société ?
On nous répondra que les révolutions du XXIe siècle ont remisé les vieilles idées égalitaires et le rêve d'une société débarrassée de l'exploitation n'est plus qu'un vieux souvenir d'une époque révolue ! Que l'on nous permette alors de ne pas les appeler «révolution» ! Nous avons toujours pensé que ces protestations populaires souvent réprimées dans le sang sont d'immenses manipulations orchestrées par les forces islamistes liées à des agendas étrangers, la Turquie et le Qatar n'étant que le maillon intermédiaire menant vers les véritables commanditaires impérialistes et leurs amis sionistes ! Nous avons vu comment ces nouvelles directions révolutionnaires succédant aux pouvoirs corrompus ont versé dans la démagogie et les règlements de compte au lieu de lancer des programmes urgents pour apporter un minimum de solutions aux nombreux problèmes posés. Nous nous attendions à ce que ces nouveaux gouvernements des «Frères» s'occupent de l'emploi, du logement, de la lutte contre les inégalités sociales, de l'éducation, de la remise sur rails des économies chancelantes, etc. Mais, au lieu de cela, ces génies de la manip se sont sérieusement occupés des libertés individuelles, s'acharnant sur les femmes et les milieux artistiques! Non, ce n'étaient pas des révolutions ! Mais un recul des peuples plongés dans un obscurantisme digne du Moyen-Âge !
Le mouvement populaire algérien, sorti pour dénoncer le cinquième mandat mais, réalisant sa puissance et l'étendue de ses aspirations, demanda beaucoup plus au fil des semaines; ce mouvement n'avait rien à voir avec les révolutions islamistes des années 2010 malgré les pressions et le forcing tardif des héritiers du FIS ! C'est pourquoi il a inquiété les tenants du maintien de la forme actuelle du pouvoir. Mais pas seulement !
On aura remarqué, dès le départ, que les partisans les plus actifs de la non structuration du mouvement populaire se recrutaient parmi les directions de certains partis qui voyaient d'un mauvais œil l'émergence de voix nouvelles échappant à leur mainmise. L'autre objectif est de se présenter comme les porte-parole du peuple et de se recycler ainsi après avoir été les faire-valoir de la démocratie à la Bouteflika !(*) Ces forces politiques partisanes ont tout fait pour que le Hirak ne se dote pas de ses propres porte-parole qui auraient été, aujourd'hui, les interlocuteurs privilégiés et crédibles de l'armée. Et cela aurait peut-être permis de trouver un consensus, voire d'arriver à un accord qui fasse sortir le pays de la situation actuelle. Car ce n'est pas forcément une mauvaise chose pour l'armée comme pourraient le penser certains. Sans direction, ni représentation, la masse des manifestants sera toujours attirée par les positions extrêmes, refusant massivement toute idée de dialogue. 
C'est peut-être trop tard pour penser à une structuration du mouvement du 22 février mais si de ce côté-là, aucune inflexion n'est à attendre, il faut espérer que l'état-major revienne sur son idée d'organiser des élections dans la situation actuelle, source de tant de dangers. Comment convaincre ces millions de personnes d'aller voter alors qu'elles continuent de clamer leur opposition au pouvoir en place et qu'elles exigent des changements profonds dans la manière de gouverner ce pays ? Pari difficile...
M. F.

(*) Faire-valoir : c'est un constat et non une critique puisqu'on peut dire la même chose de nos journaux anti Bouteflika : nous étions la vitrine d'une fausse liberté de la presse et nos écrits servaient aussi la propagande de l'ancien régime au niveau international.
PS : Les jours du nouveau patron du FLN sont comptés. Après Saâdani, Ould Abbès et Djemaï, le FLN doit se poser la question de savoir pourquoi il met à sa tête des personnalités controversées qui ont, un jour ou l'autre, des démêlés avec la justice ! Ne faut-il pas d'abord et avant tout assainir les rangs de ce parti de l'intérieur pour empêcher le renouvellement de ces situations malsaines et ridicules ? L'argument du dirigeant imposé d'en haut ne tient plus la route puisque Bouteflika et son frère ne désignent plus personne ! Allez, courage, mettez un type sain à la tête de votre parti ! Est-ce si difficile ?

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