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Rubrique Les choses de la vie

Que viva la revolución

Face au rôle de l'armée et aux discours de son chef, il y a plusieurs types de réactions qui vont du refus total de voir les militaires s'impliquer dans les affaires politiques à une solidarité sans faille avec l'ANP. Dans notre dernier article, nous avons essayé de faire la part des choses : quelle que soit notre position politique, nous devons tout mettre en œuvre pour préserver l'unité de l'armée, elle-même garante de l'unité du peuple et du territoire. En d'autres termes, nous pouvons avoir des griefs contre la manière d'agir de l'armée, impatients que nous sommes de voir la révolution citoyenne aboutir, mais cela ne doit pas mener à fragiliser l'ANP. A chaque fois qu'une armée tombe, c'est son pays qui s'écroule ! Sans elle, il n'y a point d'issue possible à la crise actuelle. Et si cela paraît excessif pour certains, nous les renvoyons à l'histoire de ce pays si intimement liée à celle de ses élites militaires. Il n'y a aucune autre force organisée capable d'influer, à elle seule, sur le cours des événements. Le mouvement du 22 février aurait pu être l'autre force organisée ayant la capacité de s'imposer sur le terrain de la décision politique. Hélas, et nous le regrettions dès le départ, ce mouvement a été incapable de dégager une représentation crédible qui aurait pu faire avancer les choses. Aux noms divers proposés çà et là et dont certains furent rapidement rejetés sur les réseaux sociaux, nous proposions la désignation de représentants locaux à travers des assemblées générales dans les quartiers et les villages. Ces derniers procéderaient de la même manière pour désigner des comités populaires au niveau de la wilaya et, ainsi, nous aurons une direction collégiale composée de délégués nationaux réellement représentatifs. Cette force de dialogue et de proposition se joindra aux autres représentations politiques, syndicales et sociales pour animer un large débat autour de la période de transition afin de répondre au mieux aux aspirations des Algériens 
Car l'autre manière d'y répondre, en feignant d'ignorer l'essence même du mouvement, et qui consiste à garder ce pouvoir contesté de fond en comble, tout en allant tête baissée à un vote rejeté par la majorité du peuple ; cette manière est une fuite en avant manifeste. Elle tourne le dos aux mots d'ordre portés par les manifestants. Elle signifie que rien n'a changé et ne changera. Elle est également porteuse de dangers car elle radicalise les positions, retarde la bonne solution et prolonge la durée des marches, en donnant le temps aux « ennemis de l'intérieur et de l'extérieur » de diviser les Algériens et de distiller le venin de la haine et de la violence. 
A ce titre, le dernier discours du chef d'état-major n'a pas levé toutes les équivoques dans la mesure où la réaffirmation de la volonté de cautionner le choix du peuple est accompagnée paradoxalement par le soutien du pouvoir « constitutionnel » rejeté par la rue! Et pourtant, que n'a-t-on pas fait au nom de cette Constitution ?
Si les juges convoquent aujourd'hui tout ce beau monde et si des milliardaires et des hauts fonctionnaires risquent la prison ferme, ne faut-il pas aussi incriminer cette Constitution d'avoir permis ces crimes  ? N'est-ce pas ce maudit texte qui a mis fin à la décision historique et hautement démocratique de limiter les mandats présidentiels à deux ? N'est-ce pas ce dépassement qui a ouvert le règne d'un malade dont le pouvoir a été usurpé par ceux que le chef d'état-major a qualifiés de « bande » ? Et n'est-ce pas le non-respect d'un article de cette même Constitution empêchant un homme gravement malade d'exercer la fonction présidentielle, qui a permis cela ?
La loi fondamentale de la République a été tant de fois dévoyée et changée au gré des intérêts de la « bande » qu'il semble surréaliste aujourd'hui de lui accorder cette importance démesurée ! 
Bien sûr, il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour comprendre que l'ANP tient à ne pas prêter le flanc aux puissances occidentales qui pourraient taxer de « coup d'État » son intervention directe, mais cette armée — dont l'appellation porte le sceau de son caractère populaire —, n'est-elle pas liée au peuple par toute une histoire de luttes communes, de défis titanesques remportés grâce à cette unité et à la confiance mutuelle? Alors, quand le peuple refuse le statu quo, ne faut-il pas essayer de lui répondre en convoquant ces fameux articles 7 et 8, cités justement par le chef d'état-major et qui furent accueillis avec soulagement par les manifestants déçus par la simple application bureaucratique du 102? 
Tout indique que le peuple sera absent des bureaux de vote et qu'il préférera marcher dans les rues le 4 juillet plutôt que de participer à une énième mascarade électorale style Bouteflika ? Du reste, le premier grand rassemblement du règne Bensalah préparant les rouages de cette échéance a tourné court, faute de participants ! Bensalah himself, qui a lancé les invitations, était absent à sa propre zerda! Il y a trop d'éléments d'analyse qui nous poussent à croire que le pouvoir agit vite pour imposer son homme. On sera alors dans le cinquième mandat mais sans Bouteflika ! Et cela mène à une piste que nous avions évoquée sous le titre significatif : « C'est comme s'il est toujours derrière la porte ! » (12/04/2019). Autrement dit, tout ce scénario prouverait que Saïd Bouteflika est toujours au pouvoir avec Bensalah, Bedoui, Belaïz (au moment de la rédaction de cette chronique).
Mais des événements survenus hier sont venus discréditer cette thèse. S'il reste du domaine du possible que les Bouteflika ont miné leurs arrières au moment de leur retraite, s'assurant de la présence d'hommes sûrs et du temps les protégeant, l'arrestation des Kouninef et la convocation de Chakib Khelil pour les affaires Sonatrach 1 et 2 ne laissent plus aucun doute : le cercle se resserre autour des usurpateurs de la fonction présidentielle ! Et ce ne serait que justice car tant d'hommes intègres et compétents ont payé à la place de ces malfaiteurs ! Je pense en premier à Benchicou qui a purgé deux années de prison pour avoir dénoncé, preuves à l'appui, ces bandits de grand chemin (voir PS). Du reste, j'attends du mouvement du 22 février un acte de reconnaissance à cet homme qui a tout dit avant tout le monde et qui a largement payé pour son courage et sa détermination à faire triompher la vérité ! 
La justice au pas de charge, ça comporte certes des risques et le plus cité est celui de l'absence d'un cadre politique démocratique garantissant la liberté du juge et la sérénité des jugements. Dites ce que vous voulez mais qu'il est bon de savourer ces moments où l'on voit défiler sur nos écrans les noms de ceux que nous vilipendions dans nos textes, ici, depuis si longtemps et qui n'avaient souvent pour toute réponse que de nous traîner devant les tribunaux; cette sale oligarchie (je ne parle pas de M. Rebrab, lui-même victime du clan), objet de nos hantises, ces nouveaux riches, anciens pauvres que la boulimie de l'argent a fini par perdre... Que de moments d'abattement, de déprime, quand nous nous rendions compte que nous parlions dans le vide. Des écrits qui se perdaient dans la triste rengaine des jours et qui s'effaçaient le soir même sous l'humidité d'un quelconque produit de la mercuriale enveloppé avec notre journal. Merci, mon Dieu, de nous permettre de vivre ces moments! Merci de nous prouver que le bien mal acquis ne profite jamais tout le temps! Merci à tous les hommes droits et braves de ce pays, ceux qui ont refusé de cautionner les crimes économiques et qui l'ont payé cher, ceux qui ont été chassés comme des malpropres ou mis en prison pour avoir cru en la justice ! 
En attendant la grande victoire du peuple quant à l'émergence d'un pouvoir démocratique et populaire qui s'élèvera sur les ruines du vol et de la traîtrise, gardons nos rangs unis et sortons encore et encore dans la rue afin d'imposer nos solutions, pour que nos enfants puissent vivre libres et heureux dans la nouvelle Algérie. 
M. F.

P. S. : extrait d'un article publié le 7 mars 2013 dans Le Soir d’Algérie, au sommet de la puissance de la « bande » :
« C'est à Mohamed Benchicou que je pense aujourd'hui, à sa souffrance physique et morale, à sa solitude dans une geôle sombre et humide, mais aussi à l'immense espoir qu'il a soulevé chez les cadres honnêtes, les citoyens debout et tous les Algériens dignes ! Car Mohamed a été finalement le seul à s'opposer d'une manière franche et directe à ce pouvoir gâteux qui s'en ira en nous laissant une certitude : Le Matin qu'il a tué, renaîtra…
Rappelez-vous ! Et si vous avez oublié, les archives de son journal, abattu à bout portant par les «Destruktors », n’ont pas la mémoire courte ! L’accusation contre BRC, c’est lui ! Les révélations sur Shorafa, Sawiris, c’est lui ! 
L’affaire Chakib Khelil, c’est lui ! L’ancien ministre n’avait pas d’ailleurs hésité à traîner Mohamed en justice alors que ce dernier se trouvait déjà en prison ! S’il y avait une vraie justice dans ce pays, ce n’est pas le journaliste qui aurait été incarcéré mais bel et bien le ministre ! C’est d’ailleurs le même responsable et le clan dont il se prévalait qui ont suspendu Le Matin, vendu aux enchères l’immeuble du journal et mis fin à une belle aventure… On comprend aujourd’hui pourquoi les juges ont été si prompts à le condamner à deux années de prison... »

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