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Rubrique Les choses de la vie

Réseaux sociaux et médias mainstream

C’est tous les jours, voire à chaque seconde, que le flux d’informations ininterrompues que nous recevons tente de nous manipuler, de nous éloigner des préoccupations essentielles, de nous détourner de la vérité et de nous empêcher de réfléchir pour agir et défendre nos intérêts de citoyens écrasés par le système. Cette nouvelle situation réduit peu à peu le rôle du journaliste, en tant qu’acteur principal de la scène médiatique, l’élément central de la mission d’informer ; celui qui dit ce qu’il voit, commente et oriente. Les grands systèmes d’échange de l’information ne laissent plus de place à l’initiative personnelle du rédacteur, ni à l’expression de sa sensibilité d’être humain et à son penchant naturel pour la justice et le progrès. Se cachant derrière «l’objectivité» et la «neutralité», la grande presse refuse le débat et s’enferme dans le où, quand, qui, etc. qui n'ont plus rien à voir avec les règles élémentaires du journalisme. Quant aux autres questions, plus dérangeantes, elles sont occultées à jamais !
Le journalisme est devenu un machin technique qui s’en fout et du fond et de la forme, un métier hybride qui permet d’aligner automatiquement des mots pour fabriquer des phrases dégueulées par des ordinateurs froids. A l’époque, il y avait au moins le cliquetis des télex et le ronronnement des rouleaux de papier comme musique de fond des salles de rédaction parcourues par le talent et la soif de tout connaître. Il y avait des visages, des bureaux occupés par des personnes fortes, authentiques ; il y avait des réunions, des blagues, des sorties au café du coin. Internet a détruit cette image de ruche bourdonnante qu'étaient les rédactions centrales. Que l'on soit reporter ou éditorialiste, on n'a plus besoin de descendre au journal. Tout se fait dans la solitude d'un bureau domestique et le silence d'un domicile lointain. Bientôt, même les PAO seront désertées ! Les journalistes se sont familiarisés avec le clavier et on ne recrute plus que les infographes pour monter les pages. Un jour, des logiciels se chargeront de remplir les colonnes et d'envoyer les PDF à l'imprimerie. Le journalisme de notre jeunesse est mort de sa belle mort.
Comme pour tout le reste, c’est l’ère de l’information bêtifiante ! Une forme, parmi tant d’autres, de cette culture standardisée, empaquetée dans un seul modèle, celui qui nous vient des States où l’on fabrique tout, des films aux jeux, en passant par la mode, la musique, les logiciels, etc. Cette manière de voir le monde, simplifiée à l’extrême, abrutissante, vise à modeler le «citoyen» de demain, un être dépourvu de la capacité de réagir, prêt à tout gober, fidèle consommateur dont on oriente les goûts et les tendances au gré des intérêts des grands groupes capitalistes.
En Europe, on ne peut s’empêcher de signaler que quelques îlots résistent encore à l’américanisation des médias, des espaces de plus en plus rares où l’on peut lire des textes d’auteur succulents qui nous réconcilient avec le journalisme d’antan. Ces journalistes-là, il faut les chercher dans les pages des hebdos, au fronton de ces reportages, enquêtes et chroniques qui refusent de céder à la mode du moment et de succomber au pédagogisme qui cache une réelle volonté de tout niveler par le bas ! Lorsque le talent rencontre l’esprit critique, on redécouvre le journalisme dans sa forme la plus noble. Et qu’est-ce le journalisme si ce n’est un combat permanent contre l’exploitation, l’injustice, l’oppression, la corruption et tous les vices du pouvoir, une incessante lutte contre les classes possédantes ? Ces îlots résistent à l’invasion du système dominant d’information – de manipulation ! — qui se présente comme le modèle du futur. Non à la presse d’opinion, disent-ils ! Non à l’idéologie, martèlent-ils, comme s’ils s’en privaient ! Comme si l’idéologie fasciste primaire n’était pas la marque déposée de leurs produits journalistiques. Comme si le racisme ordinaire, la haine de l’autre, l’esprit de Croisades, le deux poids, deux mesures et tant d’autres joyeusetés n’étaient pas quotidiennement la preuve de leur dérive sectatrice ?
Le vrai journalisme va être bientôt enterré dans le grand cimetière des désillusions, entre un parc d’attractions pour adultes débiles et un grand casino du sexe ! Le journalisme qui décrit la réalité sociale, interroge les hommes et les femmes sur leurs conditions, va plus loin pour inviter à la réflexion, est en train de mourir de sa belle mort. Le journalisme militant – oui, il faut avoir le courage de le revendiquer — est désormais perçu comme une relique du passé, alors qu’il permet souvent aux plus faibles, aux sans-grade de s’exprimer. Il permet au rêve de prendre forme, pas le rêve matérialiste des petits bourgeois, mais le rêve collectif de bâtir un monde meilleur pour la majorité. Utopique ? C’est la presse militante, ces plumes trempées dans le sang des héros anonymes sur les barricades de Paris, qui a permis au rêve de liberté, d’égalité et de fraternité de grandir et de se réaliser ; c’est la presse militante, dont le prestigieux El Moudjahid et La Voix de l’Algérie, qui aidait les Algériens à comprendre le sens de la révolution qui voulait les libérer du joug colonial. C’est cette même presse militante qui entretenait la flamme de leur mobilisation !
Force est de constater que nous sommes loin de ce combat et de ces idéaux aujourd’hui que normalisation rime avec asservissement. A l’ère de la mondialisation qui installe les grandes dictatures de l’argent – via les multinationales — en lieu et place des gouvernements nationaux, les groupes de presse ne peuvent pas revendiquer une liberté qui remettrait en cause tout le système ! C’est aussi simple que cela : embarquée dans le système, la presse n’échappe pas à la règle de la rentabilité. D’ailleurs, qu’est-ce les journaux gratuits si ce n’est la forme élaborée d’un marketing qui va à l’encontre des idéaux mêmes de la presse ?
Mais, paradoxalement, les nouvelles technologies sont en train de donner naissance à un nouveau type de journalisme, populaire, fondamentalement progressiste, celui qu’on rencontre dans les blogs, celui qui circule à la vitesse de la lumière dans les réseaux sociaux et toutes les formes modernes de communication. On n’a plus besoin d’une affiche rouge, souvent déchirée par les vigiles, pour alerter ses copains ou annoncer une AG ou une manifestation : la toile répond parfaitement aux besoins d’une jeunesse qui n’a pas perdu de sa clairvoyance, ni de sa combativité, contrairement à certaines plumes guettées par l’embourgeoisement et récupérées par le système !
Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas besoin d’un journal militant des années soixante-dix (je suis fier d’y avoir collaboré et défendu les concepts révolutionnaires que beaucoup renient aujourd’hui) pour porter haut leurs idées de justice et de progrès. Les technologies nouvelles leur offrent la possibilité de s’informer directement à la source, mais, surtout, d’exprimer leurs idées, sans barrières, ni censures.
Ils sont les lecteurs-journalistes des temps nouveaux et ça, ce n’est pas bon du tout pour le système et sa presse à papa ! Et le meilleur exemple est la couverture du mouvement des Gilets jaunes qui, au lieu de refléter la réalité de cette véritable révolution citoyenne, s'éloigne totalement du fond du sujet pour s'alimenter d'infos et de débats sur les «casseurs» et les «forces de l'ordre» ! Un beau prélude à une urgence extrême qui va reléguer les Gilets jaunes en seconde position, la première étant occupée par l'attentat ! Oui, il y en a toujours un qui arrive brutalement quand la classe ouvrière crie au loup ! Il y a quinze jours, voici ce que nous écrivions : «Et quand ce n'est pas une ‘’révolution’’ qu'il faut aider (...), c'est un attentat qui vient rappeler à tous qu'il y a d'autres urgences et que l'unité nationale doit prendre le dessus sur l'unité de classe.»
M. F.

P. S. : la renationalisation du complexe d'El-Hadjar, la construction d'un nouveau site sidérurgique à Jijel, la signature d'un contrat algéro-chinois pour la création d'un complexe intégré de traitement du phosphate, la remise sur pied des industries textile et du cuir, les grandes usines militaires et tout ce qui se fait dans les milliers de chantiers répartis à travers le pays, prouvent que l'industrie, la grande industrie algérienne, est de retour ! Les conseillers qui soutiennent que la grosse industrie n'est pas pour nous et que nous devons nous occuper d'agriculture et de tourisme, ne font qu'amplifier les voix de leurs maîtres ! Car, dans le découpage devant perpétuer l'ordre établi, l'industrie est une chasse gardée de l'Europe. Une activité interdite à l'Afrique ! Parce qu'elle est source de puissance. On ne devient pas puissant avec l'agriculture et le tourisme !

 

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