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Rubrique Lettre de province

19 juin 1965 : le putsch qui accoucha d’un «système» perpétuel

Boumediène a-t-il été l’inspirateur primordial de la mise en place du fameux mécanisme contrôlant la totalité des rouages de l’État à la suite du fameux putsch qui le porta à la tête du pouvoir ? Lui, le stratège militaire, maîtrisait-il également les outils doctrinaux pour élaborer une machine à gouverner sans qu’il soit contraint de solliciter l’avis du peuple ? Et le fameux esprit du système qui allait irriguer l’ensemble de la mosaïque constitutive de l’appareil d’État en fut-il le grand architecte ? Peu importent les avis à toutes ces interrogations puisque l’on constate que la trajectoire de ce colonel-là était étroitement associée à l’édification initiale de l’État algérien. Une œuvre solide même si elle est demeurée discutable dans sa manière d’être en phase avec le peuple. Encore que certaines réformes contribuèrent à l’ouverture de certaines fenêtres diffusant les doléances de la société sauf que la censure du pouvoir s’en est toujours mêlée et que l’on en resta aux platoniques lamentations.
Cela dit, que faut-il retenir de contestable dans la trajectoire de cette personnalité hors normes alors qu’elle s’était toujours inscrite dans la fameuse discipline martiale des casernes interdisant toute mise à l’écart de ce qui est susceptible d’être complémentaire. À ce sujet justement, Chadli, qui fut d’ailleurs son premier successeur, s’en était expliqué en quelques mots. Pour lui, les sources de légitimité du fameux « Conseil de la révolution » devaient bien plus aux « arcanes du sérail qu’à la volonté des urnes populaires ».
Voici donc un éclairage significatif qui prouve que la garde prétorienne du fameux « conseil » tient en piètre estime la démocratie des votes. C’est pourquoi, de toutes les convulsions de l’élite politique, aucune n’était parvenue à convertir cette nouvelle classe du pouvoir de la nécessité morale qu’est la consultation populaire. Solidement installé à la tête du pays grâce au coup d’État, il n’a jamais estimé valorisant de céder au peuple les clefs du changement aussi longtemps que la présence de son système démontre son efficacité. Sans hésitation donc, l’on peut attester que de toutes les dates ayant marqué l’histoire contemporaine de l’Algérie, c’est effectivement celle du putsch de 1965 qui impacta dans une durée phénoménale la configuration de cette République à peine sortie des limbes de la colonisation. D’ailleurs, une bonne partie des militants du mouvement national ne se trompèrent pas du diagnostic à chaud. À cette époque-là, alors que ces derniers étaient en délicatesse dans leur rapport avec Ben Bella, ils ne s’offusquèrent que du bout des lèvres de la décision de Boumediène. Marginalisés mais quand même lucides, ils n’avaient pas vu, pour autant, dans cette destitution les prémices d’une contrerévolution mais plutôt la poursuite du même coup d’État entamé à l’été 1962 contre le GPRA et le CNRA. En clair, ils laissèrent entendre que l’armée des frontières se devait de finir la « besogne » engagée trois années plus tôt. En fait, l’armée des frontières a toujours considéré Ben Bella comme un transitaire dans sa fonction de président. Autrement dit, Boumediène ne fit pas autre chose que l’Égyptien Nasser lorsqu’il destitua le général Néguib.
C’est de la sorte que les procédés du système allaient patiemment se mettre en place dès les années 1970-1980 avec pour point d’orgue, en termes de verrouillage, l’organisation de la succession du fondateur au lendemain de son décès en décembre 1978. Une orchestration pour les besoins du spectacle destinée au peuple mais surtout la démonstration sans faille que le pouvoir n’était pas à prendre pour quiconque même si l’on a la stature d’un historique qui a traversé des décennies de militantisme.
Décembre 1978 devint alors la naissance officielle de ce qu’est le « système ». En clair, celui-ci passait du verbe qui le désigne à l’homme qui allait l’incarner ! Depuis cette inauguration, il devint évident pour les historiens tout autant que pour les besoins spécifiques des mémorialistes d’examiner à la loupe l’émergence de chaque pouvoir en le soumettant d’abord à la grille des héritages qui les modelèrent et cela afin de situer les parcours et les camps auxquels ils ont appartenu. Et pour cause, les chocs des légitimités qui s’étaient croisés tout au long de la guerre eurent pour pomme de discorde la règle d’or du Congrès de la Soummam. Celle qui édicta en 1956 « le primat du civil sur le militaire ». Or, par son caractère impérieux, cette exigence occasionna durant des décennies un curieux schisme et surtout l’assassinat de Abane. Depuis, d’un côté comme de l’autre, la classification devint un préalable selon qu’il s’agisse de « fils de la Toussaint » ou que l’opposant était partisan du mythe exclusif de l’armée. Fatalement, la raideur de toutes ces postures ne fit qu’obscurcir les arguments alimentant la polémique. Sauf qu’en dépit des dénégations de mauvaise foi, il était pourtant clair que la rhétorique diffusée circonstanciellement ne s’était jamais privée de tailler des croupières au détriment de ce qui était qualifié de discours mégalomane en désignant le Congrès du 20 août 1956. C’était, précisément, le recours à la légalité exclusive dont le régime de Boumediène eut besoin initialement qui fut, par la suite, à l’origine de tant de dérapages. Justement, lorsque, parfois, les réquisitoires péchaient par l’inexactitude, on leur substituait des rappels à l’ordre !
À partir de ces braves annotations concernant l’immense malentendu jamais réglé sous le régime du parti unique, l’on comprend pour quelles raisons les dirigeants, promus sous le « règne » du pluralisme, éprouvèrent eux aussi des difficultés à s’adapter aux règles de la transparence. C’est qu’en dépit des vœux pieux, les réformateurs ont oublié, au cours de l’hypothétique nettoyage, la gangrène de la corruption souterraine. Celle gérée par des hommes d’influence, autrement des hommes d’État.
Comme l’on peut aisément le deviner, si de nos jours Boumediène est parfois évoqué, c’est surtout pour la bonne foi qu’il incarnait et la probité qu’il avait cultivée pour sa propre personne. Quant au reste, l’on peut regretter qu’il n’ait pu accomplir le grand rêve algérien. En léguant à la progéniture qui lui succéda une terrible machine à gouverner à l’ombre d’une véritable dictature, il ne savait pas qu’il venait d’accorder aux prédateurs les plus proches de lui des viatiques qui finirent par envoyer l’Algérie au « cabanon de l’indignité ». Comme quoi, ne faut-il pas se méfier de tout ce qui fait « système » quand il s’agit d’un pays !
B. H.

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