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Rubrique Lettre de province

À quoi sert la chasse aux sorcières syndicales ?

Elle est tout de même curieuse l’injonction adressée aux syndicats autonomes par le ministère du Travail leur signifiant de prouver leur représentativité sous peine de se voir disqualifiés de leur exercice d’interlocuteurs attitrés. La démarche administrative n’est-elle pas en soi absurde dans la mesure où ce ne sont jamais les organisations qui doivent étalonner leur champ d’influence mais bel et bien la puissance publique qui, seule, a la latitude d’agréer celles qui seraient les mieux cotées en termes de taux de syndicalisation. Or, cette méthode universellement appliquée dans les bonnes démocraties a longtemps été ignorée lors de nos conflits de travail leur préférant les fausses médiations d’un syndicat caporalisé par les pouvoirs. C’est donc en réaction à cette dérive de l’exercice syndical qu’un courant, para-légal à l’origine, parvint, grâce à son activisme, à s’imposer de fait comme l’indépassable interlocuteur en mesure d’engager des pourparlers. Ce courant, composé de collectifs multiples, allait vite faire la démonstration de ses capacités de mobilisation au point de contraindre la plupart des secteurs de la Fonction publique à prendre langue avec eux afin de mettre fin aux grèves, dans le système éducatif entre autres.
En rappelant les conditions dans lesquelles avait, par conséquent, émergé ce néo-syndicalisme algérien, que d’ailleurs le pouvoir tient toujours en haute suspicion, l’on devine que la question même de cette pluralité est à ce jour perçue comme une menace permanente pour la stabilité du front social. Autrement dit, elle serait un obstacle politique au lieu d’être considéré comme le complément démocratique qui manquait au pluralisme partisan. D’ailleurs, plus d’une fois, le régime s’est attaqué à ce sujet en envoyant au charbon l’UGTA afin de faire pièce aux revendications portées par les courants autonomes. En vain, car la voilure du syndicalisme officiel se rétrécissait d’un an sur l’autre. Faute donc d’une UGTA conquérante, l’on vit apparaître en 2006 des procédures de représailles administratives à l’encontre des syndicats libres. Ce qui valut à l’Algérie des mises en garde de la part du CSI. En soulignant les flagrantes violations dans ce domaine, cette confédération internationale rappelait à l’Algérie qu’en la matière, elle était tenue de respecter la charte de l’OIT dont elle est signataire. Certes, l’on doit reconnaître que ces recours à l’obstruction et aux traitements discriminatoires sont désormais de l’histoire ancienne, néanmoins peu de choses ont depuis changé quant à l’inégalité dans la représentativité dont seule l’UGTA est destinataire de la majorité des mandats. Pourtant, combien de fois, les partis politiques et la presse ont relevé cette tare anticonstitutionnelle sans jamais percevoir la moindre intention d’y remédier à mettre sur le compte du pouvoir. Et pour cause, celui-ci y trouvait son compte avec un syndicalisme «pédagogique». C'est-à-dire un antidote à tout ce qui ressemble à la contestation.
Rien donc d’étonnant à ce que le problème ressurgisse à présent même s’il doit prendre de simples allures de «mises à jour» administratives tout à fait légales. Les récentes déferlantes des grèves et des sit-in sur les places publiques ont certainement mis à mal un tas de poncifs dont usaient jusque-là les caciques. La factice stabilité que l’on citait comme un gage d’adhésion populaire n’est-elle pas en train de perdre de sa superbe ? De même, l’opinion a découvert, ces derniers mois, un gouvernement aux abois avec des ministres livrés à eux-mêmes face aux contestations sociales que seul le sommet de l’Etat est en mesure de satisfaire ou du moins «décourager». C’est dire que ce que prétend «quantifier» en termes d’adhérents le ministère du Travail est parfaitement mesurable à partir du front social. Le Camra des médecins résidents tout autant que le Cnapeste des professeurs de lycée n’ont-ils pas montré l’étendue de leur mobilisation au moment où la Fédération de l’éducation nationale affiliée à l’UGTA a été incapable de battre le rappel des enseignants ?
Semblable au vide dont a horreur la nature, le syndicalisme réfute à son tour l’absence de combativité. C’est pour cette raison que le nouveau «corporatisme» bouillonnant a remis au goût du jour la contestation systématique. Ce parallèle entre l’immobilisme de l’UGTA et le mouvement actuel peut se résumer dans deux trajectoires qui se croisent et dont l’une marque la désyndicalisation galopante de l’UGTA et l’autre les adhésions en masse dans les réseaux autonomes. En dépit du dénigrement dont ces derniers font l’objet, l’on voit, en effet, mal comment des interdictions d’activités pourraient à terme endiguer leur influence ? A moins de pousser jusqu’au bout la logique de la disqualification en leur reprochant de n’être que des confettis de la contestation insuffisamment qualifiés pour accéder aux statuts d’interlocuteurs. C’est sûrement l’absence d’un minimum de fédéralisme que s’apprête à leur reprocher le ministère en question. Or, c’était justement le thème d’un conclave tenu en 2016 et qui devait examiner les possibilités d’agréger les réseaux, d’abord en fédérations par branches d’activité, pour ensuite couronner cette structuration en la dotant d’un statut de confédération. En effet, l’épreuve du terrain ayant quelque peu souligné les dégâts de cet «autonomisme» outrancier, fallait-il oui ou non penser en priorité à la question organique ? De réflexions en hésitations, il semble bien que la plupart de leurs dirigeants soient positivement disposés vis-à-vis de l’idée unitaire. Sans doute que l’esquisse d’une fondation allant dans le sens d’une nouvelle centrale pourrait devenir impérative dans les prochaines semaines. Alors que la pression bureaucratique est là, ce néo-syndicalisme a effectivement tout intérêt à tenir un congrès constitutif au cours duquel le recours à certaines armes de la contestation ne serait utilisé qu’après l’aval des instances confédérales. Ainsi, en coupant l’herbe sous le pied de la censure étatique, ils lui feront comprendre en même temps que si, jusque-là, il subsistait encore quelques doutes sur le caractère rentier de l’UGTA, il suffirait à l’administration de dresser le bilan de ses 15 dernières années pour découvrir qu’elle est loin d’être encore la médiatrice sociale qu’elle fut du temps de Benhamouda et même de ses prédécesseurs. En peu de mots, les solides convictions syndicales ont depuis longtemps déserté ce lieu-dit historique, là où ne végètent désormais que de crépusculaires carriéristes.
B. H.

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