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Rubrique Lettre de province

Constitution : bicamérisme à vau-l’eau et diagnostic complaisant

La Constitution est, décidément, le serpent de mer de la plupart des présidents qui se sont succédé à la tête du pays. Depuis l’investiture de Ben Bella, ils consacrèrent leur énergie et leur intelligence à décrypter ses mécanismes,  voire envisager la possibilité de la réécrire à leur avantage personnel. C’est ainsi  qu’avec le savoir-faire des constitutionnalistes et les directives comminatoires adressées à une classe politique aux ordres, certains d’entre eux parvinrent à légiférer dans le domaine public à l’abri des empêchements constitutionnels. 
De ce point de vue donc, la Loi fondamentale est devenue un enjeu électoral à chaque présidence au point d’affecter, dans les programmes des candidats, des schémas de moutures relatives à son amendement. Ce qui est étonnamment significatif dans le recours aux saupoudrages des réaménagements est que l’on s’interdit d’une manière subtile d’aller vers une constituante refondatrice de l’État. Or, le blocage historique que vécurent les prédécesseurs de l’actuel Président s’expliquait, en quelque sorte, par le formatage d’une élite politique hostile à la disqualification de l’esprit du système et notamment de ses références ayant défini la nature de l’État et, par voie de conséquence, baptiser en 1963 la République à travers l’acronyme RADP.
Alors que les lamentables calculs du régime de Bouteflika étaient à l’origine de la déliquescence de l’État que vient d’hériter Tebboune, il était justement attendu de ce dernier qu’il fasse œuvre de précurseur en préconisant la refondation des institutions de la République afin de justifier la renaissance nationale. Or, il n’osera pas faire ce saut-là et se contentera du slogan de «nouvelle Algérie». 
Il est vrai que dans les circonstances politiques d’une importance capitale, une bonne partie de l’opinion s’attendait à ce que la plupart des institutions soient «scannées», comme il le faut, afin de jeter les bases d’une nouvelle classe politique irriguée par une déontologie des responsabilités et suffisamment entreprenante en matière de mobilisation, car ayant déjà donné l’exemple durant l’année du Hirak. Hélas, il ne semblait guère que le diagnostic de ce panel d’experts ait été à la hauteur des attentes de l’opinion. Sur certains dossiers, il en fut même littéralement hors sujet. 
Ceci dit, l’on peut s’interroger précisément au sujet de l’éclairage auquel ont été soumises les institutions législatives. Car, même pour l’électeur basique, dont la fidélité aux devoirs de citoyen avait connu autant de trahisons que le nombre de bulletins qu’il mit aux urnes, ni la fonction de maire ni le statut de député de la Nation n’ont de sens et ne méritent le moindre respect. Sauf que les experts apprécient différemment le fonctionnement du Parlement en se contentant d’estimer excessif le nombre de mandats de député pour proposer qu’ils soient réduits à deux. Quant à la chambre haute, ce Sénat surréaliste, il se trouve que nos constitutionnalistes tiennent en haute estime ce «train de sénateur» qui ressemble bien plus à un «Madjliss Echouyoukh» coopté qu’à des délégués des territoires doublement élus : une première fois par les urnes locales et la seconde par leurs pairs siégeant dans les APC-APW. Étonnamment, l’appréciation manquait de clarté dès l’instant où il est fait l’impasse sur les 48 sièges laissés à la discrétion du chef de l’État pour verrouiller les délibérations ! Autant de tares qui auraient dû interpeller ces juristes à propos de l’existence même de cette seconde chambre où le vote relève non seulement de la fiction, mais altère de surcroît les résolutions du Parlement dans son ensemble. D’ici à penser, par conséquent, que le bicéphalisme de l’institution légiférante, tel qu’il avait été élargi par la loi en 1996, n’est en définitive qu’une hérésie antidémocratique, voire une régression du parlementarisme, certains juristes l’avaient admis, mais à demi-mot. 
En effet, il y a une dizaine d’années de cela, un séminaire de spécialistes en droit avait justement traité de l’expérience bicamérale de notre parlementarisme. Or, ce fut précisément à partir de cette opportunité que sera qualifiée de «boiteuse» la construction politique de cette institution cardinale. Sous le couvert d’analyses comparatives, l’on fera alors remarquer que cette représentativité territoriale dont on a prétendu qu’elle était susceptible d’exprimer d’autres avis que l’APN est tout à fait théorique pour la simple raison que même les élections locales sont régulièrement tronquées. Ce qui veut dire que, dans sa praxis, le système n’a en réalité voulu retenir que son formalisme technique pour inventer une fausse complémentarité aux dépositaires d’un mandat national que sont les députés. Implicitement, il a souvent été question de réformer cette chambre, tant l’évidence de sa nuisance n’échappait plus aux juristes éclairés. Et pour cause, l’accouchement d’une seconde chambre en 1996 n’était pas destiné à conforter la séparation des pouvoirs, mais l’inverse. Celui d’aliéner un peu plus l’autonomie du législateur en lui imposant le primat du pouvoir exécutif. 
De cette stratégie contemporaine de la période brûlante de la lutte antiterroriste et du danger islamiste, capable en ce temps-là de rafler des sièges dans le Parlement, l’on fera plus tard le lit à des chouyoukh  disposés à voter pour le palais. Sauf que, dès la paix revenue, le nouveau locataire d’El-Mouradia en fit un usage différent et seulement profitable à sa fonction de Président «suprême». Arguant du fait qu’il n’en était que l’héritier, le régime précédent s’est par contre gardé de le réformer afin de le rendre compatible avec la vocation du parlementarisme. Sans recourir à la magie du Saint-Esprit, Bouteflika était pourtant en mesure de changer à la fois la règle électorale le concernant et rendre à l’électeur les 48 sièges captifs du bon désir du dictateur qu’il fut. C’est pourquoi, bien avant l’examen des failles d’une Constitution, il fallait nécessairement que les experts s’accordent sur la véritable volonté d’aboutir à une séparation réelle des pouvoirs en rendant effective l’autonomie du législateur ainsi que ses prérogatives de contrôleur de l’Exécutif. Autant de préalables sans lesquels toutes les virtuosités constitutionnelles apparaîtront tôt ou tard pour ce qu’elles sont. C’est-à-dire des oripeaux illusoires qui finiront par confondre les certitudes trop vite établies. 
En peu de mots, ne fallait-il pas se pencher d’abord au chevet d’un Parlement maltraité et en tirer les conclusions nécessaires au lieu de décréter la diète des mandats pour le personnel politique tout en fermant les yeux sur le caractère dérisoire d’une chambre de fantômes royalement récompensés ?
B. H.

 

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