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Rubrique Lettre de province

Corruption : traque sur commande et badauds en fête

«Ils ne moururent pas tous, mais tous en furent atteints .» Semblables aux « animaux malades de la peste » décrits dans la fable, bon nombre de ministres et hauts fonctionnaires ainsi que les oligarques sont tétanisés à l’idée d’être traduits devant les tribunaux sur « injonction » du mouvement social qui les aurait livrés à la vindicte. Bref, si le pays vit depuis deux mois au rythme des dénonciations, eux également, craignent que plus rien ne pourra les soustraire à la suspicion judiciaire d’autant plus que « la nouvelle justice sans téléphone » semble obéir à l’incitation publique exprimée sans détour par l’armée au cours des semaines précédentes. Ayant évoqué, dans les mêmes termes que les manifestants, ce dossier emblématique qui sent le soufre, le généralissime Gaïd Salah n’a-t-il pas, justement, choisi de jouer sur le registre de l’adhésion au réquisitoire populaire afin d’imposer la problématique de la corruption comme cause principale de l’effondrement de l’Etat bien loin de l’argument imputant à l’obsolescence du système politique l’effritement progressif des centres de décision ? 
Le fait donc de jeter en pâture et dans cette conjoncture précise les supposés prédateurs prouverait que l’on veuille opérer à chaud en faisant du marketing avec le scénario des tribunaux. Coup de pub réussi qui a permis de focaliser les commentaires de l’opinion publique autour des personnalités que la justice a décidé d’interroger. De plus, la présence de badauds attendant patiemment l’arrivée des fourgons cellulaires n’atteste-t-elle pas de la haine recuite que ces petites gens vouent à ces spécialistes de la carambouille que l’Etat a entretenus en dehors de toute règle et défendus bec et ongles devant les prétoires ? Dorénavant, à la marge de la pédagogie des politologues faisant de l’explication de textes tous les vendredis, l’on ne peut plus ignorer ces voyeurs installés aux portes des tribunaux et buvant du petit lait à la vue des paniers à salade. C’est que dans ce pays où l’incandescence sociale est à son summum, la moindre punition assénée tient lieu de feu d’artifice d’une victoire. Même si la rue ne s’illusionne guère de la surmédiatisation de la traque, elle ne boude cependant pas le spectacle. Car, pour avoir longtemps attendu et parfois jusqu’au désespoir ce moment sublime qui peut-être décidera à l’avenir d’une justice transparente et d’une éthique de l’Etat différente, n’y a-t-il pas matière de se réjouir ? Quelques années plus tôt, ce sont les mêmes badauds qui se souviennent encore de la singulière impunité dont bénéficiaient certains ministres grâce à quelques exorcistes du pouvoir à l’origine de la parodie de justice. C’est que dans nos tribunaux, les anges passent souvent avec dans leurs ailes des promesses de récompenses. A leur tour, les ministres rompus à l’exercice de la dénégation ne s’empêchent guère de parjurer même lorsque leur probité morale est mise à mal. Dans ce genre de circonstance, ils retrouvent vite la posture dictée par l’obligation de réserve et de la révérence au magistère de la justice dont ils savent, par avance, qu’elle ne fonctionne que comme une blanchisserie. C’est dans ce terreau de l’endroit que les imbroglios politico-affairistes se sont multipliés et ont fini par rendre inopérant l’arbitrage des tribunaux. Un tournant catastrophique qui donna naissance à la justice du téléphone et, accessoirement, celle de la nuit lorsque les délibérations capotent faute de donneurs d’ordre. C’est sous le régime de Bouteflika, notamment, que le pourrissement de l’appareil d’Etat a atteint un tel degré qu’il devint trop risqué de maintenir à leurs postes le même personnel sans qu’à très court terme, l’Etat lui-même ne soit investi par des réseaux maffieux. Alors qu’il devenait dès 2014 impératif de faire table rase des solidarités anciennes, l’on décida, au contraire, d’associer à celle-ci des éléments extraconstitutionnels. Une dangereuse consolidation de la complicité qui parviendra à corroder ce qui restait de digue éthique avant de parvenir à livrer la présidence de la République à un inimaginable gangstérisme d’affaires. En effet, jamais auparavant la délinquance financière n’avait atteint de telles proportions. Même la notion juridique qui naguère considérait comme un délit gravissime « l’abus de biens sociaux » devint par la suite un euphémisme signifiant, une faute vénielle alors qu’il s’agit, en toute état de cause, de pillage à ciel ouvert. Une permissivité criminelle qui n’a pourtant pas vu un seul ministre s’insurger moralement avant de s’opposer par la loi à ce genre d’opérations douteuses commanditées pour satisfaire les intérêts des oligarques. 
Un louvoiement avec la vérité qui ressemble moins à une dérobade de la part de ces ministres qu’à une réelle démission morale et un renoncement administratif aux prérogatives qu’ils prétendent assumer. A ce sujet, n’a-t-on pas été stupéfait d’entendre au cours d’un procès le grand argentier de l’Etat reconnaître ses erreurs qu’il qualifia simplement d’« omission » alors qu’il était question de dizaines de milliards, pour, ensuite, faire repentance quand il fallait qu’il remette sa démission ? Curieuse République et étrange Etat de droit, n’est-ce pas ? En effet, quand il eût fallu que l’une fasse le ménage et que l’autre demeure dans la rectitude de la loi, il n’en fut rien. Car, dans l’Algérie de Bouteflika, les connivences humaines doivent survivre à tous les délits. Un état de fait qui ne mérite à présent que l’avilissant qualificatif de « Nation clochardisée ». Demander des comptes à ceux qui participèrent d’une manière ou d’une autre à son sac était évidemment une initiative exemplaire susceptible de réarmer moralement la société. Seulement, l’on ne peut se contenter de ces opérations coup-de-poing quand la renaissance de la République exige d’autres oripeaux. C’est ce à quoi aspirent les marcheurs du vendredi. Car faire la guerre à la corruption ne doit pas se résumer à embastiller des rapaces ou à pénaliser l’affairisme para-légal. Il faudra remonter aux sources qui fructifient les potentialités du pays à leur seul profit. En peu de mots, changer de République en accouchant d’un autre contrat social, envoyer la RADP dans les manuels d’histoire et repenser une Algérie nouvelle.
B. H.

 

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