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Rubrique Lettre de province

Députation : un pari contre l’increvable abstention

Durant toute la campagne qui se conclura par le vote de ce samedi 12 juin, l’on n’a pas cessé de rappeler à l’électorat que ce scrutin est estampillé par une double exigence. Celle évidemment de contribuer à la promotion de nouveaux députés parmi l’immense panel de candidats et surtout valider à travers une rigoureuse transparence, une autre culture du parlementarisme. Ces souhaits-là sont surtout respectables de même que l’engagement pris par le pouvoir qui devrait l’obliger à se comporter autrement que ce qui a été commis du temps de son prédécesseur. C’est pourquoi, il nous a semblé utile et opportun de survoler les péripéties qui ont coûté des montagnes de suspicion dans l’esprit des Algériens.
En effet, qui parmi certaines générations s’est souvenu qu’un jour un gouvernement est tombé à la suite d’un vote de défiance acquis majoritairement par cette chambre ? Personne n’a probablement en mémoire un tel haut fait politique à mettre sur le compte de notre prétendue démocratie. Et c’est bien ceci qui constitue le signe distinctif de la pauvre législature. Celui de ne jamais s’opposer frontalement à l’exécutif voire jusqu’à lui faire la courte échelle afin de faire passer sans débats des lois pourtant réputées «douteuses» !
Confinés donc dans des liens de quasi-allégeance, les partis, hormis ceux de la minorité opposante, avaient eux-mêmes contribué à cet infâme monolithisme, rendant quasiment inutile une chambre supposée pourtant composée de courants pluralistes. C’est pour cette raison, qu’en dépit du formalisme de la pluralité, introduite depuis 1996 grâce à l’amendement de l’ancienne Constitution, l’inclination à se mettre au service du palais et de son gouvernement demeura intacte jusqu’à nos jours. Ainsi, tous les chahuts, auxquels se prêtaient de temps à autre nos députés, n’ont jamais déstabilisé un gouvernement ni même contraint un Premier ministre à revoir sa copie. D’une session à une autre, le spectacle est infailliblement rejoué sur le même mode. Autrement dit : ici et là, quelques interventions orales sont émises, semblables à un jeu de rôles quand les réparties dans l’hémicycle font écho, mais sans de fâcheuses conséquences pour la fin de la «pièce». Le happy end est toujours réglé en tant que conclusion des confrontations verbales afin d’épargner au représentant du gouvernement les recours au vote, fût-il exécuté ridiculement à main levée.
Qualifié ironiquement de «forum des légitimations», le Parlement algérien a surtout fait reculer la démocratie bien plus que ce qui se pratiquait au temps du «centralisme démocratique». Depuis, le discrédit jeté sur cette institution inféodée aux directives émanant d’en haut n’a pas eu d’équivalent, même dans le contexte ayant prévalu avant le tournant politique dont l’origine fut le 5 octobre 1988. Et pour cause, au cynisme sans partage du parti-nation, l’APN s’était tout naturellement adaptée aux conquêtes des fausses urnes, lesquelles étaient nécessaires au repeuplement cyclique de la majorité des officines adoubées par le palais. D’où la notion même de majorité gouvernementale que justifient les votes truqués tout en mettant à l’aise la plupart des possibilités de marchandage. Pour l’illustrer, il suffirait d’évoquer les péripéties du FLN ou du RND durant les quatre dernières législatives (2002, 2007, 2012 et 2017), pour comprendre à quoi rimaient ces successives «coalitions» ou bien ces incessantes «alliances». Selon les mœurs du moment, ces convergences de circonstance n’ont été que des contrats d’intérêts étroits destinés à affranchir le pouvoir de la moindre velléité des appareils de contrôle susceptibles d’être actionnés par l’institution législative. Certes, au-delà de cette constance toujours opératoire au profit des exécutifs, lorsqu’ils décident de manœuvrer à leur guise le Parlement dans ses deux chambres, comment pouvait-on, par ailleurs, ne pas tenir compte du paramètre de la représentation nationale elle-même ? Le fait que celle-là a, régulièrement, été une «agence de recrutement» des fidélités, cela ne rend-il pas vain les professions de foi de tous les réformistes ? Sachant que, dans leur majorité, les députés ne se sont jamais abusé de l’origine exacte de leur mandat, sinon qu’ils n’ignorent guère que l’électeur n’y avait été pour rien dans l’octroi du maroquin. Cela ne voudra-t-il pas dire qu’il en sera de même pour les législatives futures ? La fragilité originelle qui a aliéné leur indépendance de cycle en cycle a fini par devenir à son tour la tare du parlementarisme. De même que la fiction d’un parti majoritaire appelé à gouverner fut très tôt balayée comme l’atteste l’humiliation subie par un Benflis, remercié, mais dont les députés de son parti ont continué à voter la confiance à son successeur issu d’une formation sous-représentée dans l’hémicycle !
«À quoi sert le Parlement ?» n’est par conséquent pas une question connotée par la dérisoire tournure prise par les fausses joutes de l’Assemblée. Elle est plutôt ancienne et consubstantielle au réaménagement constitutionnel de 1996 que l’on pensait avoir taillé sur mesure pour le compte du général Zeroual. De cette année date l’élargissement supposé du « pouvoir » législatif par la dotation de la classique Assemblée d’un Sénat. Or, la promotion pluraliste de l’institution légiférante ne pouvait rester sans contrepoids interne afin de prévenir les crises et les censures et permettre à l’exécutif de demeurer le maître des décisions finales. L’expérience aidant, le couple du législatif sera dépouillé de l’arsenal de la censure. Une castration ressentie essentiellement par la traditionnelle Chambre des députés qui jugera cette dualité de déclassement préjudiciable à ses missions et à sa vocation.
Ainsi, par un retournement des règles et une inversion des rôles, cette Chambre s’empressera de retrouver le chemin du carriérisme, celui qui allait ouvrir les voies à toutes les lois favorables à la corruption.
Or, les quatre Constitutions-clés ayant accompagné les moments forts de la vie du pays n’ont, finalement, eu que peu d’effets sur les modalités traditionnelles du fonctionnement de l’État et de ses institutions. En somme, la filiation des pouvoirs qui traversèrent le demi-siècle de cet État est clairement établie. D’où la suspicion justifiée de l’opinion face aux promesses de changement des mœurs politiques par la seule magie du ravalement du cadre institutionnel. Sauf que même les déceptions du présent n’empêchent guère l’électeur enthousiaste d’aller ce samedi-là mettre son bulletin de vote dans l’urne.
B. H.

 

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