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Rubrique Lettre de province

Diatribe présidentielle sous l’égide d’un conclave de walis

Rongé par l’incertitude quant à son propre destin politique et dans le même temps tourmenté par la tournure détestable qu’avaient prise les affaires de l’Etat, le Président vient de décider de riposter vigoureusement en empruntant  au vocabulaire de la stigmatisation les qualificatifs les plus violents. Dans cet exercice, imposé par le contexte, la plume du chef de l’Etat a multiplié les allusions à cette adversité, jamais nommée clairement, tout en abordant positivement le bilan de son long magistère. A ce propos, il s’est  plaint que l’on n’en fasse pas cas dans les commentaires, à défaut de citer sa magistrature en tant que référence au lieu de persister  dans la spéculation autour d’une improbable succession. En y mettant plus d’irritation que d’arguments dans sa diatribe, Bouteflika préfère jouer sur l’affect populaire en agitant le chiffon rouge de l’effondrement de l’Etat si, par malheur, l’on oubliait ce que l’Algérie lui doit personnellement et notamment dans les domaines de la stabilité et la paix. Et  c’est seulement après cette longue mise en garde que son message se tourne vers l’assemblée des walis venus pour plancher sur l’éternel projet de la décentralisation. 
A l’adresse des ces hauts fonctionnaires, le Président se dédouble en prédicateur au moment où la question du rendez-vous électoral d’avril est abordée. A nouveau, son texte reprend le même catalogue  des garanties. Sauf qu’à force d’insister sur la vertu de la transparence des urnes, la neutralité de l’administration et la loyauté des résultats, l’on finit toujours par réactiver les soupçons du passé. Tant il est vrai qu’en politique, le recours aux promesses est vite perçu comme de l’esbroufe. De celle qui avait précisément fait dire à un politicien madré que «les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent» ! Car l’opinion à laquelle est adressée en priorité ce « courrier » présidentiel est bien plus perspicace qu’on ne le croit. N’étant plus jamais dupe de la littérature politique, ne s’est-elle pas forgé la conviction que la prédation dénoncée tardivement a seulement changé de nom pour mieux essaimer. 
L’affairisme légalisé par la force des choses et l’informel qui se prépare à l’ouverture de banques dites islamiques sont autant de variantes du pillage. D’un quinquennat à un autre et d’un gouvernement, revu et corrigé, au suivant, la société a fini par constater avec désolation que l’on n’a jamais cessé de reconduire les mêmes schémas de gestion et, par  voie de conséquence, que l’on récidive dans les mêmes inconséquences.   C’est ce déficit dans la bonne gouvernance durant ce long magistère qu’il est nécessaire de mettre un parallèle avec le volet positif de la politique de l’habitat ainsi que de la modernisation des infrastructures et, pourquoi pas, de la fin de la «guerre civile». Autant dire que l’adversité fut loin d’être exemplaire de bout en bout et sur tous les sujets. L’on  pourrait même concéder que les analyses et les critiques circulant sur les réseaux véhiculaient parfois des assertions invérifiables qui contribuèrent à jeter le trouble dans les esprits. Mais cela est certainement la conséquence du terrible huis clos,  en vigueur depuis avril 2013, lequel a contribué à l’opacité du sommet de l’Etat. 
Cette situation n’allait-elle pas donner l’impression qu’il y avait en face de l’opinion un gouvernement de l’improvisation ? C’est ainsi que l’on se souvient d’un Premier ministre qui s’amusait à raconter des sornettes à des populations pourtant venues l’écouter sur des sujets sérieux sans oublier, évidemment, le bricolage du symposium destiné officiellement à cogiter sur la refondation de l’Etat, deux exemples qui illustrent la pitoyable communication officielle lorsqu’elle détourne des rendez-vous de travail pour faire l’apologie de qui l’on sait.
D’ailleurs, la dernière conférence des walis fut manifestement un show-alibi destiné à amplifier le message présidentiel. En effet, appelés à disserter sur un thème essentiel inscrit depuis des années parmi les préoccupations de l’Etat, ces hauts fonctionnaires furent, hélas, contraints de faire la claque. Or, si le rendez-vous gouvernement-walis s’était donné pour objectif d’établir annuellement des audits et surtout engager la réflexion sur un aspect de la gouvernance, cela ne fut pas le cas pour la rencontre de la semaine dernière. Etonnamment, la tutelle préféra reprendre un vieux casse-tête politique en l’habillant d’une formule inintelligible cachant, d’ailleurs, tout l’amateurisme qui se bricole dans les bureaux de ce ministère. Car, avec un slogan aussi compliqué que celui qui a été arboré au seuil de la salle de conférences, l’on se demande ce que veut dire cet intitulé à rallonge qui postule d’une «gouvernance décentralisée pour une collectivité locale résiliente, innovante et entreprenante» !!
Bref, le sujet concernait cette arlésienne dont on avait promis la consécration en 2016 mais qui demeure, à ce jour, à l’état de vœu pieux en raison des pesanteurs bureaucratiques. Mais alors que doit-on reprocher à l’Etat sinon sa propension à démultiplier les pôles wilayals tout à fait budgétivores et ignorer le déficit d’institutions élues (mairies) nécessaires au maillage des territoires. C'est-à-dire privilégier les leviers susceptibles de dynamiser le développement homogène. Autrement dit, la décentralisation est la seule disposition spatiale positive pour envisager à terme la régionalisation de l’Etat. En effet, le saut qualitatif vers le démembrement des pouvoirs de gestion   peut-il réussir malgré l’absence d’un centre de décision consensuellement reconnu et légitimé par la rationalité qu’il représente ? Probablement pas, car les  conditions idoines n’ont pas été encore réunies à ce jour. En clair, le remodelage régional ne peut être fiable que dans le cadre d’institutions nationales solides. Prioritairement donc, l’Algérie, au lieu de se focaliser sur la refondation de l’Etat, devrait d’abord se pencher, en premier lieu, sur la situation lamentable des communes et parfois même leur inexistence là où, pourtant, des populations résident. En attendant que la géographie humaine fasse la jonction avec des entités administratives, un ministère de l’Intérieur ne ferait-il pas mieux de se consacrer dans l’immédiat à la création de nouvelles collectivités locales que les citoyens de ces territoires orphelins sauront doter d’édiles le jour venu ? Ce n’est qu’après le geste auguste de l’électeur que l’on commencera alors à parler de résilience  locale là où, jusqu’à ce jour, il n’avait été question que de déficit de prérogatives.
B. H.

 

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