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Rubrique Lettre de province

Le Cnes et le simulacre de la «société civile»

Ah ! la belle affaire que cette existence de la «société civile» dont les coordonnateurs des débats (les membres du Cnes) justifient leur présence par le désir d’explorer cette «terra incognita» longtemps délaissée et qui a simplement pour nom la citoyenneté. Ceux qui par le passé récent n’ignoraient guère sa proximité avec le régime ne doivent surtout pas s’étonner que la tâche vaille bien l’encensement officiel puisqu’il n’est de pseudo-consultation que celle qui doit aboutir à des satisfécits.
Ah ! la bonne action que l’on déploie au profit de cette vertueuse République quand elle se penche enfin au chevet d’une citoyenneté malmenée. Un exercice de scoutisme initialement de bon aloi, lequel finit par se transformer, hélas, en de douteux subterfuges destinés à censurer les libertés. C’est dire que rarement ces vocables-ci n’ont paru autant chargés de duplicités politicardes que ceux-là ! En effet, peu leur importe aussi bien les chapelles idéologiques que les groupuscules de l’affairisme. Tous s’y réfèrent à travers leur profession de foi mais en ne s’avouant que du bout des lèvres.
Elle est effectivement ainsi cette dérisoire citoyenneté asséchée par tant d’impostures. Moins enviable que le statut de l’indigénat du temps des colonies, elle est déclinée à peine par quelques puissants régentant à leur guise les vrais espaces des libertés tout en modulant, selon leurs intérêts, les droits fondamentaux dévolus, par ailleurs, à tout venant.
En somme, ce qui relève de la citoyenneté n’est, depuis un demi-siècle, que le mensonge basique ne projetant qu’une illusion permanente des références civiques alors que le sort de l’administré est à lui seul un motif perceptible de l’injustice. En clair, que recouvre le paradigme du « civil »  sans  les  droits  civiques ? C’est que, dans le régime républicain, où les relations du pouvoir politique et de la citoyenneté sont adossées au droit, il ne devait pas exister d’autres alternatives que celles du dialogue. Et pour cause, l’inscription de la citoyenneté comme viatique délègue à son propriétaire l’imprescriptible droit d’en faire usage, voire de l’imposer à son vis-à-vis.
C’est précisément sur ce «malentendu», sciemment entretenu par les gardiens des tables de la loi, que se joue, encore de nos jours, une comédie lassante. C’est-à-dire celle qui a fait en sorte que le champ réel de l’égalité citoyenne n’a jamais cessé d’être battu en brèche au point de feindre une supposée maîtrise de la parole quand il fallait surtout se débarrasser de l’arsenal des « interdits » qui empêchait le verbe de discourir en toute liberté. Or, l’on sait que, pour mieux s’exprimer, le droit de réunion mérite de se démarquer impérativement des réseaux institutionnels, tant il est vrai qu’il est antinomique de prétendre au statut de « contre-pouvoir » et, dans le même temps, solliciter l’agrément de celui qui tient le rôle de censeur. Car, si tout pouvoir était, par son rapport de force, liberticide, quelle que soit son émanation, alors l’exercice de la citoyenneté ne peut plus être effectif, à moins de parvenir à en contester son autorité.
Mais, comme en Algérie rien n’est jamais simple et que les louvoiements officiels sont régulièrement indexés aux calculs des pouvoirs, ce sont toujours ces derniers qui se formalisent à travers la multitude de ses exigences. C’est pourquoi le temps de la remise à jour des desiderata citoyens connaît autant de rejets argumentés par le principe fallacieux de la réglementation. C’est d’ailleurs à une vague procédure que l’on a fait récemment appel pour placarder des ex-cadres du Cnes tout en leur substituant un équipage parachuté par le palais. Une étonnante réorganisation comme si l’on se suffisait d’un turn-over du personnel pour qu’aussitôt l’institution gagne en sérénité et en compétence.
D’ailleurs, une dizaine d’années plus tôt (2011), il advint qu’une identique dissolution de la direction du Cnes eut lieu et dont le but était de tenir une « assise» requalifiée pompeusement de «nouveau moteur de changement ». Face à un vaste aréopage de personnalités aux vagues profils, cette « messe-là » rata pitoyablement son objectif. C’est que, dans le même contexte, l’on s’était efforcé d'établir de nouveaux rapports et, pour ce faire, l’on avait commencé par agir à la marge de la prétendue société politique.
De plus, au nom d’une refondation au rabais, cette invention de toutes pièces d’un mouvement associatif n’a jamais pu se déployer comme il le fallait, ni connaître une respectable audience en tant que « société civile ». D’où le tristounet séminaire du printemps 2011, vite réduit à une quasi-démission générale. Bien plus qu’une opération aux paramètres erronés, le concept de la société civile allait vite s’effacer de toutes parts. Justement, en ayant visé à terme à opposer des réseaux associatifs sélectionnés par les courants politiques traditionnels, l’avant-dernier président du Cnes sous le règne de Bouteflika projeta même d’établir de nouveaux rapports avec pour seule finalité l’affaiblissement d’abord, et ensuite, la disqualification du discours politique. D’où la fameuse combinaison du corporatisme des appareils dits politiques et de l'émergence des milices sociales, lesquelles auraient dû servir de mamelles à un nouveau populisme.
En les considérant comme porteuses de la « parole démocratique rénovée », monsieur Babès, alors secrétaire général du Cnes, comptait sérieusement être en mesure d'orchestrer une médiation sur toutes les demandes émanant du palais. C’était à cela qu’avait servi l’ancien séminaire du Cnes, celui de jeter les bases d’une nouvelle « société civile» - paraît-il !
Un sommet du paradoxe datant des années bouteflikiennes mais qui mérite à présent que l'on fasse amende honorable en reconnaissant les torts faits à la seule démocratie d’où qu'elle puisse émerger.
B. H.

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