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Rubrique Lettre de province

Les assassins d’enfants et la fausse «peine de mort»

Répulsion et consternation. Deux jours avant le «grand Aïd» du sacrifice, la population de la bourgade de Bir-el-Djir, située à la périphérie d’Oran, apprenait qu’une fillette à peine âgée de 8 ans a été kidnappée puis violée avant d’être assassinée. Aussitôt la stupeur, qui a frappé toute la région, allait être, à son tour, alimentée par toutes sortes de rumeurs au fur et à mesure que les récits qui circulaient exhumaient les «conditions» dans lesquelles eurent lieu les récents infanticides commis un peu partout dans le pays. Or, ce fut cette sinistre comptabilité des crimes cités de mémoire qui devint rapidement le détonateur de la colère collective à laquelle nulle autorité publique ne devait échapper. La peur d’être laissé pour compte par une puissance publique «préoccupée ailleurs» allait justifier tous les appels à la mobilisation,  lesquels mirent en relief l’indifférence de l’Etat face à la recrudescence des crimes d’enfants. Autrement dit, l’insondable malheur à forte charge émotionnelle et contre lequel nul n’a encore proposé la moindre riposte si ce n’est l’embastillement à… vie pour ceux qui, monstrueusement, abrégèrent celles de ces innocentes âmes. C’est ainsi d’ailleurs que l’on avait culpabilisé chaque fois sans discernement et dans l’affolement aussi bien la famille que les  institutions sécuritaires et même l’école tout en  se gardant, par méfiance politique évidemment, de pointer l’index vers une juridiction pénale «remarquable par son ambiguïté» quant à l’existence ou pas de la peine capitale. Et c’est d’ailleurs de cela qu’il s’agit à présent dès lors qu’il est apparu que le devoir de réciprocité devrait s’imposer à l’encontre des assassins d’enfants. Même si les exégètes dans ce domaine affirment que la peine de mort n’est jamais dissuasive quel pouvoir posséderait encore la justice pour apaiser les inconsolables mères des victimes et que doit-elle préconiser aux pères et frères de ces dernières pour leur éviter le recours à la culture de la «vendetta» ? A ce propos, ne faut-il pas se méfier des comparaisons qui dénoncent la «vengeance» personnelle comme un dangereux archaïsme s’inscrivant en faux contre le «vivre-ensemble» codifié par les lois de l’Etat ; et dans le même temps, être compréhensif avec une démarche qui semble léser les victimes en abolissant la graduation de ses châtiments de telle sorte que les jugements deviennent «asymétriques». Bien évidemment, il ne s’agira pas de revenir à la brutalité de la loi du talion dont on retrouve d’ailleurs certaines similitudes dans les traditions islamiques. Cependant, pourquoi ne serait-il pas possible de requalifier un moratoire, dont les délais demeurent indéterminés, en y introduisant une dose de dérogation concernant l’abominable crime d’enfants afin de priver leurs auteurs de la possibilité de la perpétuité ? C'est-à-dire qu’ils ne seraient «éligibles» ni à l’esprit du moratoire ni accessibles à la grâce présidentielle. Les juristes qui ont la compétence et la faculté de débattre de «l’exceptionnalité» de certains cas fourniraient alors la meilleure riposte à ce genre de malheur en rassurant en priorité les parents des victimes avant de s’inquiéter outre mesure du sort des criminels.
Alors qu’en l’espace de quelques années pas moins d’une demi-douzaine d’abominables infanticides furent commis, n’a-t-il pas fallu attendre 2017 pour mettre en place un Organe national de la protection de l’enfance ? Or, ce qui ressort des maigres activités de cette structure c’est l’insistance qui est de mise sur une vague pédagogie destinée à l’enfance alors que les périls sont d’un tout autre ordre. De surcroît, les diagnostics concernant les comportements agressifs et la criminalité ciblant les personnes fragiles comme les enfants et les femmes ont depuis longtemps été établis. Il y a un quart de siècle de cela, certains travaux d’universitaires ont très tôt mis en exergue une certaine singularité locale. Cette spécificité algérienne qui, semble-t-il, différencie notre société serait, selon des chercheurs, le produit des mutations que la violence islamiste lui avait inoculé. De fait, la violence contaminera en priorité les jeunes générations dont les horizons urbains ressemblent, pour la plupart, à des ghettos. D’ailleurs, le cadre social au sein duquel eut lieu l’assassinat de la petite Salsabil n’est pas loin de ressembler à celui où les gosses Haroun et Brahim furent martyrisés à mort en 2013 par des voisins dans une cité constantinoise. Là où les sordides enfermements  imposent une promiscuité devenue fatalement le terreau de tous les fantasmes. Ce retranchement individualiste qui fait du voisin de palier un inconnu suspect favorise l’apparition d’une délinquance du voisinage avant de postuler au banditisme organisé et le chantage en direction des enfants perdus. Car c’est ici dans ces polygones urbains où les terrains vagues sont plus nombreux que les espaces de loisirs protégés que s’accomplissent généralement les plus abominables crimes. Tous les rapports de police relèvent cet aspect et alertent sur l’insécurité qui prévaut. En vain jusqu’au moment où l’irrémédiable a suscité des colères et de nouvelles peurs au sujet des fragiles progénitures encore épargnées. En exigeant plus de sécurité dans leurs quartiers et notamment le peine de mort comme juste «retour d’ascenseur», le petit peuple des cités est loin d’être seulement inspiré par une quelconque répugnance de ce qui vient d’advenir. Bien plus, il cultive désormais une haine viscérale de l’injustice quand elle ne punit pas comme il se doit les monstres infanticides. La barbarie et la bestialité de ces assassinats qu’aucune morale n’aurait pu expliciter ou plaider, sinon à lui opposer le peloton d’exécution, ne sont surtout pas exigées par une foule d’assoiffés de violence comme le supposent de bonne foi certains juristes, lesquels nous apprennent qu’il n’est de bonne justice qu’après l’abrogation sans conditions de la peine de mort.
Certes, nous dira-t-on, pour consoler la mère de cette petite victime il y a tout de même la foi. Or, dans le recours au sacré, chaque individu est en droit de chercher comme il peut la voie vers sa paix intérieure, même si l’on sait que face à l’indicible douleur, cette «thérapie» pour transcender le deuil ne suffira jamais à rendre réellement justice ici-là sur terre. Exécuter donc un sadique tueur d’enfants ce n’est pas faire de la peine capitale une triviale vengeance. Bien au contraire, elle ne permet qu’à la peur de changer de camp. En somme, il n’a jamais été question de modifier la réalité juridique de la peine de mort mais de s’efforcer de la rendre efficiente dans les rarissimes cas d’espèce que sont les criminels de cet acabit. Autrement dit, parvenir à jeter le trouble dans les esprits des candidats au crime et en même temps conforter la confiance en la justice de la nation en «sacrifiant» ceux qui ont osé traverser le Rubicon.
B. H.

Post-scriptum : sans l’insistance et les arguments de son vieil ami Mustapha Abada qui, à partir de Miliana, lui avait tenu un discours magistral sur la peine de mort et les infanticides, le chroniqueur aurait-il osé transgresser le consensus concernant l’abrogation de la peine de mort ? Certainement pas. En un mot comme en mille, il le remercie pour cette conversion !

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