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Rubrique Lettre de province

«Morne plaine» pour une «campagne politique»

Évoqué familièrement pour sa crédulité, l’électeur en question a souvent été gratifié du surnom de «gogo». En ces temps-là, l’on avait souvent fait confiance à sa naïveté patriotique lorsqu’on le mobilisait les jours de vote et qu’on le poussait à mettre un bulletin dans une urne alors qu’il était incapable de faire un choix par lui-même. Il est vrai que ce fut une bien longue époque au cours de laquelle le votant basique s’en remettait aux supposés «conseilleurs» avant de déposer un imprimé à chaque convocation. Et même s’il lui arrivait de s’abstenir, la vigilante main de l’administration ne le ratera pas en introduisant sa voix dans les statistiques des votants. C’était ainsi que se déroulèrent impassiblement les votes à l’algérienne : autant de scrutins où l’abstention a été réduite à sa simple expression. Seulement, de nos jours, l’on nous dit que cette pratique est non seulement «passée de mode», mais a désormais été gommée des mœurs politiques, puisque la nouvelle doctrine préconiserait la transparence intégrale des urnes sans pour autant admettre que l’on fasse «campagne contre campagne». Une censure qui, pourtant, ne semble guère suffire pour amplifier l’adhésion auprès même des opinions neutres.
En effet, loin d’être persuasive, la rhétorique officielle que diffusent les médias actuellement finit souvent par suggérer le contraire. Singulièrement, elle est, plus d’une fois, assimilée à de la trompeuse diversion ; notamment lorsque les chefs de parti où des membres de la nomenklatura sont obligés de s’adresser à des auditoires d’électeurs. En fait, le caractère dubitatif partagé par les opinions a-t-il jamais été démenti exceptionnellement par un seul scrutin ? Bien au contraire, la désillusion du lendemain d’un vote atteste régulièrement des manipulations qui se sont succédé. Ceci voulait dire que, de nos jours, le temps où les Algériens ont commencé à avoir le droit des choix entre plusieurs candidats à chacune des fonctions électives, rares furent les occasions où les résultats officiels ne leur parurent pas contestables. Sans doute aucun, la démocratie, légalisée pompeusement au lendemain d’octobre 1988, a toujours été une application pipée dans sa démarche et, pour cause, l’esprit du système prévalait en permanence dans ce pays. Cet héritage, consolidé depuis 1965, ne pouvait accoucher que de quelques semi-libertés politiques et d’un pluralisme régulé en permanence par le régime en place et dont chaque vote doit impérativement être la traduction d’un objectif précis sur le terrain. D’ailleurs, loin de n’être qu’une stratégie planifiée en fonction des contextes de la gouvernance du moment, elle demeure indéniablement une culture politique aux racines anciennes mais ayant changé simplement de mode d’emploi.
Cette caractéristique était d’autant plus vérifiable lors des deux derniers suffrages quand la parole officielle recyclait les mêmes mots d’ordre que sont : «transparence» et «élections libres et pluralistes». Deux engagements formels qui sont d’imparables aveux de ce qui s’est commis antérieurement ! Cela s’appelle le piège des évidences que l’on a voulu transformer en promesse pour l’immédiat, car, ce «qui va de soi» a-t-il besoin d’être mis en exergue grâce à des pirouettes de l’aveu. Or, ces législatives anticipées emmagasinent les mêmes procédés pour rassurer l’électorat en lui disant que le pouvoir lui-même est en rupture avec les pratiques des années précédentes. C’est ainsi que l’abstention même massive ne serait plus considérée comme un chiffon rouge visant les dirigeants mais plutôt l’expression d’une lassitude populaire dont l’origine serait exclusivement alimentée par les médiateurs que sont à la fois les parlementaires et les maires. Sans doute que ce genre d’acte accusateur n’est pas faux mais en partie uniquement. Or, si la désagrégation des libertés politiques fut en partie imputable à la faune des élus, comment cette dernière a-t-elle pu être corruptible à ce point sans le coup de main du pouvoir d’État, voire la bénédiction publique de celui-ci.
Il est quand même clair que c’est sous le long régime de Bouteflika que le champ politique, le parlementarisme et jusqu’aux élections locales ont connu le plus implacable des laminages. Deux décennies au cours desquelles ni le pouvoir législatif ni celui de l’exécutif ne purent remplir leur mission au point de «flirter» avec l’illégalité qui prépare à l’embastillement. Dès 2004, d’ailleurs, l’APN n’est-elle pas devenue la triste chambre des approbations où pas une seule voix ne devait manquer lors des mises en scène. Qu’est-ce à dire si ce n’est que ce sont les gravissimes dépassements de l’ensemble des institutions qui installèrent l’électorat dans la désobéissance civique.
Sa défection chronique fut avant tout la conséquence d’une sorte de ressentiment. Celui d’avoir été dépouillé des principales libertés conquises à partir de 1988 et que le palais et ses courtisans remodelèrent sur le principe de la «moubayaâ» afin de brider toutes les possibilités de censure dévolue au parlementarisme supposé être le dépositaire du pouvoir législatif.
Autre temps autres mœurs ? À présent, les avis se partagent au nom du changement intervenu mais dont l’opacité de son impact alimente encore trop de doutes. À la veille d’un scrutin relativement important, des dilemmes sont posés. D’une part, celui de renoncer une fois de plus à un droit constitutionnel afin d’exprimer son divorce ou, au contraire, prendre le risque d’y participer et alors conforter les certitudes du régime alors que ceci n’est pas exactement le but qui était visé par l’électeur.
Tant que ce genre de questions sont donc posées un peu partout et dans ces termes, il y a lieu de croire que la vigilance des citoyens-électeurs a pris le dessus sur sa docilité légendaire du passé.
En clair, l’on suppute déjà que la crainte aurait «changé de camp». De même que l’électeur, à son tour, a muté de profil en passant du «vaincu magnifique» au partenaire exigeant.
Cela dit, à quoi ressemble déjà cette campagne après deux semaines de discours ? Mais à «une morne plaine» comme le «Waterloo» des défaites !(1)
B. H.

(1) Cette élégie de Victor Hugo évoque la défaite de Napoléon face aux Anglais en 1815, laquelle mettra un terme à son empire après la fameuse bataille à Waterloo, en Belgique.

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