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Rubrique Lettre de province

Panel à la peine et scepticisme du «Hirak»

S’achemine-t-on vers la présidentielle exigée par l’armée laquelle n’a eu de cesse de le rappeler tout au long des six mois d’insurrection ? L’on peut hélas craindre que la fameuse instance nationale de dialogue et de médiation, dans laquelle étaient placés les espoirs d’une Constituante, ne soit, à son tour, en train de se rapprocher des exigences de la caserne. Pour s’en convaincre, ou du moins, pour expliquer le désenchantement qui gagne peu à peu la résistance des foules, il suffit, justement, de mettre en lumière les éléments de langage du Panel. Au lieu de qualifier la présence ponctuelle des manifestants de « mouvement populaire », l’on s’est contenté, étonnamment, de les entendre parler de « crise politique » à propos de quelques millions de marcheurs. Ce recours aux euphémismes ne s’arrête pas à la dévaluation des foules car on a pu les comprendre substituer à la « transition politique » une « présidentielle de transition » !
On aurait aimé que ces juristes et ces constitutionnalistes nous édifient sur cette innovation juridique, dans le cas contraire, on attendait qu’ils avouent un lapsus qu’ils auraient dû vite corriger. Or, il n’en fut rien au point de jeter le doute à propos de l’autonomie de cette instance dont la démarche pèche d’ailleurs par le bavardage et par une méthode proche de l’esbroufe consistant à démultiplier les interlocuteurs.
Croyant aller à l’essentiel en optant pour l’oral, ils transformèrent la concertation en un échange de salamalecs. Un caractère festif qui jure avec le sérieux de la mission et a fini par l’installer dans une durée inutile. Ce qui voudra dire qu’il lui importait peu que la résistance de la rue s’essouffle et s’effrite un peu plus chaque vendredi comme l’avait voulu le pouvoir après l’échec du 5 juillet. Au regard de son interminable agenda, elle demeurera donc à pied d’œuvre jusqu’à l’automne afin de faire la jonction avec le calendrier d’une improbable présidentielle que le pouvoir veut tenir un premier novembre. Exit donc la plaidoirie pour une deuxième République et la revoilà simplement au chevet d’un système en quête d’un Président comme il en avait accouché par le passé. Sans faire trop de bruit, voici, par conséquent, une instance qui a définitivement évacué sa promesse initiale et qui ne veut se consacrer qu’à l’optique d’une présidentielle le plus vite possible.
En expliquant, sans sourciller, que la préoccupation immédiate était l’élection d’un chef de l’Etat, cela signifie en pointillé qu’il n’est pas de l’ordre des priorités de solder les fondations du système et que la nouvelle République attendra pour plus tard. C’est-à-dire quand d’autres insurrections mettront le feu à l’appareil d’Etat. Au nom d’un prétendu réalisme patriotique, l’on vient à nous expliquer que le statu quo vaut bien une trêve afin de sauver l’Algérie. Et c’est ce contrat-là qu’il faudra enrichir immédiatement en se préoccupant de la question institutionnelle qui doit susciter un échange d’idées pour aboutir, au moins, à la redéfinition de la fonction suprême. Autrement dit, dans son aspect pratique, la présidence mériterait un verrouillage plus rigoureux en termes de prérogatives, afin que le prochain élu soit épargné de toutes les tentations.
Loin d’être un corset pour canaliser la fonction, cette exigence doit, d’ores et déjà, être établie pour agir comme un vaccin contre de probables dérives, semblables à celles dont s’était rendu coupable Bouteflika. Même si, en haut lieu, l’on estime trop précoce l’approche officielle de la question, il n’est, cependant, pas interdit à cette instance de se racheter au cours de ses travaux en traitant du code de l’éligibilité et la définition du rôle que le candidat jouerait à la tête du pays, au cas où il serait élu.
Les précédents qu’a laissé Bouteflika ne sont-ils pas à l’origine d’un problème nouveau en rapport avec la conception même que l’on doit avoir de la magistrature suprême de l’Etat ? Mais il y a autres choses qui ne relèvent pas forcément du formalisme juridique ; celles qui ont trait aux personnalités ambitionnant d’y parvenir par la voie des urnes. Autrement dit, il est essentiel de savoir comment un candidat conçoit sa mission. Se veut-il chef de clan ou d’une coalition brimant, écrasant les autres clans et n’exerçant son pouvoir que dans une forme de souverainisme selon ses propres critères et interprétant lui-même ses droits d’une manière toujours plus extensive et de plus en plus arbitraire ? Ou bien sera-t-il le contraire de ce portrait en ne désirant qu’être un arbitre et en même temps un symbole de l’unité nationale disposé à être l’interprète d’une volonté populaire qu’il laissera s’exprimer sans tricherie et qu’il appellera même à intervenir ou à agir ? Certes, l’énoncé de tant de précautions peut aussi bien relever du code électoral que d’une loi organique définissant les contours de la fonction suprême. Sauf que dans l’urgence du contexte qui condamne l’électorat à désigner immédiatement un Président, la commission de Karim Younès peut y suppléer en donnant son avis en sa qualité de régulateur. Comme on le devine, la question est loin d’être secondaire car l’exercice de la démocratie ne doit plus souffrir des transgressions des dirigeants comme cela a été souvent le cas chez nous. L’exemple de la clochardisation du multipartisme illustre, en grande partie, pourquoi un mégalomane a pu gouverner le pays par la corruption ; et comment l’influence militaire dans les affaires publiques est demeurée intacte malgré l’existence virtuelle d’une classe politique. Le fait donc de rappeler que la problématique de l’armée est toujours une question qui n’a jamais été résolue à cause de la médiocrité d’un pluralisme sans ancrage dans la société aussi bien que les calculs des pouvoirs successifs qui doivent tous leurs promotions à son arbitrage. A ce propos, il suffit de consulter les déclarations d’un Bouteflika de la première version. Brocardant l’adversité que lui vouait le personnel politique, il déclarait, ironiquement, que « tous les partis politiques se cachent derrière l’ANP et pourtant disent : l’armée dans les casernes tout en souhaitant vivement qu’elle ne rentre pas de sitôt ». Il est vrai qu’à cette époque (novembre 1999), il n’était qu’un « trois quarts » de Président. Or, ce qui a changé dans l’armée depuis la révolution de février est qu’elle a mis la main dans le goudron de la destitution en la paraphant après le travail essentiel accompli par la rue. En devenant le promoteur primordial du changement, le « Hirak » aurait pu imposer sa vision à l’armée sauf qu’il n’a pas trouvé de relais politiques auprès de l’élite. Et c’est de la sorte que l’on assista à une inversion du rapport de force. Celui qui est illustré de nos jours à travers l’influence inégale au point que la société civile demeure accrochée aux desiderata de la caserne.
De ce retournement de situation, l’opinion se demande pourquoi Karim Younès préfère poursuivre les consultations alors que la marge de proposition de l’instance est réduite à néant. Bien évidemment, l’ex-président de l’APN avait objecté qu’il agissait dans l’intérêt de l’Algérie, ce que les marcheurs du vendredi traduisirent avec beaucoup de causticité qu’il confondait Algérie et système. Une triste répudiation dont personne ne sort gagnant.
B. H.
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