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Rubrique Lettre de province

Parlement : la saison de tous les doutes

Faut-il faire cas de la critique qui circule au sujet des futures législatives ? En tous cas, l’on se répète ici et là que la prochaine campagne électorale aura du mal à décoller malgré les sollicitudes officielles de l’État qui s’est engagé à libérer les acomptes financiers exceptionnels au profit des primo-candidats parrainés par de fantasmatiques « sociétés civiles ». Même si les démentis ne vont pas manquer pour prouver le contraire, l’on ne peut, pour autant, dire que les récents messages du président de la République rayonnaient par leur enthousiasme. En ayant peu dit, ou presque, à l’occasion de Youm El-Ilm, se contentant en la circonstance de rappeler quelques évidences, le chef de l’État s’exprima a minima après avoir pris soin de cibler les auditoires attentifs au contexte politique. C’est pourquoi il s’exerça, en quelques phrases, à marquer une originale mesure dans ses jugements, insistant plutôt sur les incertitudes qui attendent l’opération électorale, mais aussi les anxiétés relatives aux échecs transformant les urnes pour bulletins en urnes funéraires pour l’avenir.
Loin des sublimations politiciennes qui prophétisent les succès, Tebboune a, décidément, agi différemment au point de donner l’impression de cultiver le doute toutes les fois où il était de son devoir de doper l’opinion. C’est-à-dire refuser de la bluffer ! 
Loin d’être un discoureur persuasif jusqu’aux contrevérités, comme l’avaient été ses prédécesseurs et même leurs courtisans, Tebboune donne à présent l’impression de s’essayer à la vérité, ou, pour mieux dire, à assumer la réalité quitte à ce qu’elle soit amère, comme les échecs qui, naturellement, l’attendent. Et pour cause, la rhétorique de notre personnel politique n’avait-elle pas fini régulièrement par suggérer le contraire ? Combien de fois elle se révéla n’avoir été que de la diversion trompeuse lorsqu’on s’adressait aux électeurs. C’est que, dans les systèmes de semi-liberté en politique et de multipartisme régulé en permanence par les pouvoirs, chaque vote est organisé de telle manière qu’il réponde à un objectif précis du régime. C’est-à-dire son impact dans la redistribution des cartes au Parlement ne conforte par un courant au détriment d’autres mais inocule à la classe politique dans son ensemble le poison de la docilité injecté par le « deus ex machina », qu’est le système secret et cela indépendamment de la notoriété électorale de quelques partis possédant de réelles bases sociales. Autrement dit, l’usage de certaines déstabilisations vérifiables ponctuellement à la veille de chaque campagne et, précisément, au moment où la machine du pouvoir décide de faire autorité dans le domaine des mots d’ordre encadrant la campagne du moment et cela en dépit des pédagogies de chaque doctrine partisane. Un procédé significatif par le passé qui, non seulement détourna le sens des votes mais de surcroît allait disqualifier ridiculement les thématiques des partis « sérieux ».
C’était de la sorte qu’à partir des législatives de 2012 l’on considéra publiquement que l’abstention massive n’allait plus être considérée comme le chiffon rouge répréhensible du boycott mais simplement l’interprétation d’une lassitude pénalisant en priorité les partis que le pouvoir devait « nécessairement » manipuler tout au long de la mandature. Cette stratégie régulant les rapports partis-pouvoir ne semble pas de nos jours tomber en désuétude. Pour preuve, même les gens du palais et ses dépendances para-électorales trouvent, de nos jours, toujours naturel que l’électorat puisse « s’exprimer » par le boycott. D’ailleurs, ce « virus » devenu le surnom des partis est passé dans l’usage d’un certain discours politique au point d’être interprété sans ironie par les officiels comme le signe probant de la réactivité de l’électorat. Celui habilité à sanctionner ponctuellement les simulacres pluralistes des vieilles théories tout en passant sous silence la désagrégation des véritables libertés dont le pic a été atteint en 2004 sous le régime de Bouteflika lorsque celui-ci fit usage d’un oukase anticonstitutionnel dont furent victimes Ghozali et Taleb Ibrahimi à qui l’on avait interdit tout exercice politique et même la création d’un parti ! C’était ce tournant fatal qui poussera la Chambre des députés à devenir le rendez-vous des taiseux et des votants murmurants.
Qu’est-ce à dire si ce n’est que c’était la volonté même du régime qui dissuada les votants basiques de se rendre aux bureaux électoraux au nom de l’on ne sait quel genre de laxisme entretenu par le système. En tout cas, c’était celui qui allait se traduire gravement par un renoncement au droit constitutionnel dont profita l’appareil d’État pour bourrer les urnes, voire même inventer des référendums favorables aux « triturations » des constitutions. Or, de nos jours, nous en sommes au même point bien que l’on puisse se prévaloir du fameux changement de régime. En effet, une présidentielle et un référendum amendant la Constitution ne se soldèrent-ils pas par de pitoyables scores ? De ceux qui exigèrent un minimum d’humilité quant aux légitimités qui se sont exprimées le « 12/12/2019 » et le 1er novembre ! Car, enfin, est-il à présent nécessaire de prétendre être dans les compétences des devins pour pronostiquer une troisième défection électorale ? En dehors des anciennes habitudes dont on n’ose pas qualifier de « traditions », le scrutin du 12 juin promet l’arrivée de nouveaux acteurs d’un autre profil. Celui des candidats qui n’auront d’autres backgrounds que ceux qui feront d’eux des opportunistes souhaitant faire la même carrière que leurs prédécesseurs sanctionnés après plusieurs mandats de rapine. C’est ce constat terrible qui, moralement, pousse une fois de plus à toutes les défections au point de mériter les plus désagréables interrogations concernant la notion égarée du civisme.
En effet, tant que la même inquiétude est partagée par des millions d’électeurs, il y a lieu de croire que la citoyenneté du refus a déjà pris le dessus sur la docilité légendaire quand elle n’était peuplée que des sujets de la République. Il est vrai que, même s’il est nouveau, le prudent pouvoir de Tebboune louvoie par contre face aux difficultés, privé qu’il est de la possibilité suffisante de recourir aux incantations publiques que l’ancien régime traduisait sous la forme d’injonctions.
Or, comment cette fois-ci sera-t-il en mesure de modifier à l’avantage d’une réelle légitimité des urnes la renaissance d’un Parlement alors que l’atmosphère est à l’incertitude ? Vaste scepticisme…
B. H.

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