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Rubrique Lettre de province

Société civile vs société politique : une grossière mystification !

Après l’humiliante dissolution, l’on se demande déjà dans quel état d’esprit les partis aborderont-ils en juin prochain la compétition pour des législatives considérées a priori comme un rendez-vous majeur à partir duquel les cartes politiques vont être redistribuées différemment ? Carbonisés à petit feu durant 20 années et 4 législatures, combien seront-ils encore à ramer à la périphérie d’un pouvoir qui ne les sollicitera que pour sa bonne cause ? Car, quels que soient les acronymes leur servant d’identité, ils ne sont globalement perçus que comme de piètres faire-valoir. D’ailleurs, même le pouvoir d’hier les avait réduits à cela.
Qu’ils aient collaboré (au sens péjoratif de ce vocable) lors des rendez-vous d’allégeance ou, au contraire, qu’ils aient gardé un minimum de distance politique afin de se prévaloir de la scrupuleuse dignité, n’empêcha pas le palais de les classer parmi les réseaux qui lui sont acquis. En effet, durant tout ce passé-là, ne s’est-on pas régulièrement interrogé sur ce qui faisait la différence entre eux ? Mieux ou pis, ne s’est-on pas surtout contenté de quelques minuscules distinguos pour les classer injustement tant il est vrai que ces fausses mesures se réduisent à de dérisoires détails destinés à leur démonétisation.
Même l’arithmétique de la critique eut sa part. En effet, il y avait autant de réquisitoires que de partis politiques à un point tel que même l’opinion parvint à se faire des jugements déplorables dans son rapport avec le pouvoir, lequel était, certainement, le responsable primordial de la clochardisation des partis et, par voie de conséquence, du dévoiement de la démocratie.
C’est, par conséquent, vers la société politique que doivent converger à présent les interrogations, pour peu qu’il reste encore un mince espoir pour assister au déverrouillage du système ayant sévi un quart de siècle durant. Car, dans son ensemble, le maillage de l’espace partisan était tel qu’il contraignit toute la classe politique à la docilité sous peine de disparaître des débats politiques à petit feu. Or, la lente agonie des fragiles courants partisans sera-t-elle une sérieuse opportunité profitable à de nouveaux modes d’organisation d’un multipartisme ancré dans d’autres valeurs ? C’est que la crise nationale, dont la gravité ne cesse de s’amplifier, ne pourra connaître une fin aussi longtemps que l’on s’entêtera dans les pratiques laissées en héritage. En d’autres termes, comment et avec qui instaurer un contre-pouvoir démocratique si ce n’est en recourant à ce qui est communément désigné par « société civile ». Celle qui justement est opposée à la société politique et dont la récente définition la décrit comme « un ensemble complexe et dynamique d’institutions non gouvernementales qui encadrent, restreignent et rendent capables leurs activités ».(1)
Or, le fameux contre-pouvoir à la société politique peut-il être déniché dans l’agitation essentiellement politicienne de cette personnalité « missionnée » par le palais et prétendant structurer une « société civile » pour la mettre au service du chef de l’État ? Tout simplement du délire quand ce n’est pas une opération mensongère pour maquiller la nature de l’objectif à atteindre. Autrement dit, un coup de pub qui avait consisté en l’exploitation de cette « terra incognita » longtemps méprisée et dont le nom commun est la « citoyenneté ». La voici donc la bonne action de la vertueuse république qu’est la nôtre lorsqu’elle se penche au chevet d’une citoyenneté inachevée. Un exercice de scoutisme politique qui s’empara de règles de la déontologie pour tenir des propos à la hauteur de cette fausse vertu. Car, jamais ce vocable n’a paru chargé d’une telle duplicité par les politiciens. C’est ainsi que le recours au concept de la société civile servira de cheval de Troie au panel désigné en avril 2019, lequel prescrira, au nom d’une fantomatique « citoyenneté consultée » l’option d’une présidentielle !? À ce jour, le même malentendu, sciemment entretenu, rejoue la comédie de l’émergence d’une « société civile » postulant pour les urnes prochaines.
Alors que cette pauvre citoyenneté n’a jamais cessé d’être réduite à rien, l’on feint de pouvoir libérer sa parole alors qu’il eût fallu surtout lui épargner les interdits l’empêchant de s’organiser en toute autonomie. Or, l’on sait que, pour mieux exister, elle aurait mérité de se démarquer des réseaux institutionnels. Et pour cause, elle représente positivement un contre-pouvoir à la société politique et les partis qu’elle accouchait, tout en revendiquant le droit d’être compétitive dans la totalité des scrutins. En un sens, cela voudra dire que l’exercice de la citoyenneté n’est effectif que s’il parvient à devenir l’antidote aux discours et promesses de la classe politique. Mais comme en Algérie rien n’est transparent, les pouvoirs ne sont jamais disposés à reconnaître leur échec au fur et à mesure que l’opinion publique trouve matière et arguments à l’interpeller. D’ailleurs, la baptisation de l’imaginaire société civile du nom de « Nidaa El Watan » est à elle seule significative de cette velléité politique d’anticiper sur le devenir de ce « futur parti » dont le Hirak ne se reconnaîtra pas. C’est pourquoi l’on peut d’ores et déjà imaginer que celui-ci sera source de polémiques, de celles qui rappellent le ridicule accouchement du RND en 1997. Autrement dit, une combinaison du corporatisme et des milices sociales qui finiront par servir un nouveau populisme. À leur tour, les associations, démultipliées sur le même format, seront amenées à se présenter en qualité de porteuses de la parole citoyenne. Une énième imposture qui signera alors la défaite totale d’un Hirak manipulé à outrance. 
B. H.

(1) C’est la récente définition du professeur John Keane, laquelle a été retenue par les juristes depuis une vingtaine d’années.

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