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Enlisé dans son offensive contre Tripoli Ce que Haftar devra faire pour l’emporter en Libye

Le succès de l'offensive du maréchal Khalifa Haftar en Libye — avec le soutien des Saoudiens, des Emiratis et des Égyptiens —dépendra plus de sa capacité à retourner des milices locales que de la puissance de feu de ses troupes, estiment des analystes. 
Les derniers évènements dans ce pays en proie au chaos politique depuis des années sont considérablement affectés par la crise du Golfe et plus particulièrement la guerre par procuration que se livrent notamment les Emirats arabes unis et le Qatar, affirme à l'AFP Karim Bitar, de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). 
Onze jours après le début de leur offensive, les troupes de l'homme fort de l'Est libyen, le maréchal Haftar, piétinent aux portes de Tripoli et le nombre de morts — 147 en dix jours de combats, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) — semble indiquer qu'elles rencontrent de la résistance. Aux premiers jours de l'offensive, des images de longues colonnes de véhicules armés flambant neufs ont été publiés par les services de presse du maréchal, dans une démonstration de la puissance de ses troupes. 
Le Wall Street Journal (WSJ) a rapporté vendredi que l'Arabie Saoudite, où Khalifa Haftar s'est rendu quelques jours avant son offensive, lui avait promis des dizaines de millions de dollars. «La haine de Haftar vis-à-vis des Frères musulmans, qui maintiennent une certaine influence à Tripoli et dans les cercles du gouvernement officiel, l'a rendu populaire en Arabie Saoudite et aux Emirats», rappelle de son côté le centre de réflexion Soufan Center dans une analyse publiée hier. «Riyad et Abou Dhabi considèrent les Frères musulmans comme une menace considérable pour leur pouvoir et tous deux soutiennent fermement des hommes forts comme (le président égyptien Abdel Fattah) al-Sissi et Haftar pour leur position hostile» envers la confrérie islamiste, ajoute-t-il. 
L'homme fort des Emirats arabes unis, le prince héritier d'Abou Dhabi Mohammed ben Zayed, s'est rendu en Égypte fin mars pour des entretiens avec le Président Sissi, peu avant l'offensive du maréchal Haftar qui a été reçu au Caire dimanche. L'offensive apparaît comme une autre conséquence de la dispute entre, d'un côté, le Qatar et la Turquie, qui soutiennent les islamistes de l'Ouest libyen, et de l'autre leurs rivaux arabes qui les honnissent. L'Armée nationale libyenne (ANL, autoproclamée par le maréchal Haftar) accuse régulièrement Doha et Ankara de fournir des armes à ses rivaux. Et dans le jeu compliqué de la politique libyenne, l'ANL risque de ne pouvoir à elle seule l'emporter de manière décisive dans l'ouest et asseoir son emprise dans cette région, la «Tripolitaine». 
Les milices et les groupes armés de l'Ouest libyen ne sont pas homogènes et n'appuient pas de la même façon le Gouvernement d'union nationale (GNA), qui siège à Tripoli. Selon le Soufan Center, la complexité du paysage politique libyen provient du fait qu'il est animé de «gangs, de criminels et de jihadistes qui changent de camp et procèdent à des alliances fugaces». A ce titre, «le maréchal Haftar ne peut réussir son offensive que s'il parvient à retourner les alliances et à gagner le soutien de certaines tribus de l'ouest car le territoire est dominé par des forces locales», souligne à l'AFP Mathieu Guidère, professeur à l'Université de Paris 8 et spécialiste du monde arabe. «Il doit s'inspirer du système mis en place par l'ancien leader libyen Mouammar Kadhafi en son temps pour contrôler le territoire dans la durée, sinon il n'a aucune chance de refaire l'unité territoriale du pays sous un même gouvernement», ajoute cet expert. 
Andreas Krieg du King's College de Londres va plus loin. «Je pense que Haftar a de grandes difficultés sur le terrain en Libye occidentale», indique-t-il à l'AFP. «Il est maintenant enlisé dans une guerre atroce entre sa bande de milices, l'ANL, et les milices qui tentent de défendre le GNA», dit-il. Selon cet analyste, «sa principale erreur de calcul a été qu'il a sous-estimé les puissantes brigades de Misrata (200 km à l'est de Tripoli) et leur volonté de se battre non pas nécessairement pour le GNA mais contre Haftar». 
Ces brigades estiment en outre qu'«elles n'ont pas fait les sacrifices de 2011 (leur ville avait été ciblée par des pro-Kadhafi) pour se soumettre à un autre chef militaire en la personne de Haftar», poursuit M. Krieg. «Le pari du maréchal Haftar est risqué, mais ce dernier a bénéficié de la bienveillance, ouverte ou tacite, de nombreux pays arabes et occidentaux», note de son côté Karim Bitar. Il lui sera toutefois «difficile de devenir le ‘’Sissi libyen’’ car ce pays manque d'une armée et d'institutions centrales aussi solidement ancrées que celles d'Égypte» et «son pouvoir restera donc branlant», dit-il.

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