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Tunisie, 1er tour des présidentielles Ennahda hors course

Pour beaucoup d’observateurs, la Tunisie est un modèle de transition démocratique réussie dans le monde arabe. Il est vrai qu’avec la «révolution du Jasmin» de 2011, la «belle au bois dormant» du Maghreb s’est réveillée de sa longue politique faite de prudence et d’attitude d’observateur. Cela ne va pas sans poser problème aux régimes arabes qu’ils soient monarchiques ou autoritaires d’être ainsi dérangés dans leur quiétude par cet empêcheur de tourner en rond. 

La Tunisie, même où historiquement la classe politique rompue aux manœuvres de fond et bien assise sur des pratiques maîtrisées, se voit, avec ces élections présidentielles anticipées, surprise dans sa belle assurance des lendemains qui chantent. D’abord, le parti Ennahda, qui a joué la carte du prédicateur, Abdelfattah Mourou, est sorti par un vote populaire, donné pour libre à la grande déception des islamistes prompts à rejeter le verdict des urnes. Ils l’ont déclaré publiquement haut et fort. 
Le second fait est que c’est la première fois qu’un scrutin présidentiel n’est pas tranché dès le premier tour, comme il est, malheureusement, de tradition. Une première qui restera dans les annales et à inscrire à l’actif du changement démocratique dans ce pays de près de 12 millions d’habitants, qui aspirent ardemment à donner leur voix à des dirigeants capables de les sortir de l’ornière des pénibles conditions de vie. Les gouvernants sortants ont déçu, et pis, ils sont vus comme des opportunistes qui profitent de la chute de l’ancien régime. Deux figures, iconoclastes dirions-nous, leur ont ravi les premiers rôles dans ces présidentielles à telle enseigne que les échos dans les médias sont bruyants sans être au demeurant excessifs parlant pour les uns de «séisme» et pour les autres de «tsunami», «gifle aux dirigeants» ou alors de «sanction sans appel». 
En effet, les résultats préliminaires donnent deux élus provisoires qui doivent confirmer leur succès lors du deuxième tour prévu à la mi-octobre, c’est-à-dire dans un mois. 
L’histoire de la Tunisie retiendra qu’un prétendant au palais de Carthage, Nabil Karoui, 56 ans, de sa prison dans la banlieue de la capitale, patron de la chaîne de télévision «Nessma» et chef du parti récemment créé «Qalb Tounès», a été accrédité de 15,5% des voix exprimées. Ce pourcentage, paradoxalement, le place loin des autres concurrents rompus à la chose politique et habitués des arcanes du jeu politique tunisien. Sa mise en détention (mise à l’écart ?) pour blanchiment d’argent et d’évasion fiscale n’a donc pas eu les effets attendus et aurait plutôt cristallisé les opinions qui lui sont favorables. Son concurrent, 61 ans (né au cap bon, au nord-est de la Méditerranée dans le gouvernorat de Nabeul) avec 19,5%, lui aussi n’était pas attendu pour succéder au défunt Béji Caïd Essebsi. Sans parti, sans attache particulière avec une quelconque association, ce vieux retraité de l’enseignement supérieur privilégiait les interventions médiatiques dans une langue arabe châtiée malgré son débit de parole saccadé dit-on. Pas seulement, son profil austère et ses convictions traditionalistes n’ont pas empêché de le sortir gagnant, preuve s’il en est qu’il attire un électorat substantiel. 
Ainsi ses opposants l’accusent de faire le jeu d’Ennahda en reprenant ses thèses en matière d’égalité dans l’héritage (la loi a été récemment votée après une interminable controverse), pour plus de répression d’atteinte à la pudeur (sexualité). Ses adversaires n’ont plus qu’à constater les dégâts éventuels s’il accède au pouvoir suprême.
Par ailleurs, la question qui doit être tranchée dans l’immédiat concerne à coup sûr le maintien en prison de Nabil Karoui ou son élargissement afin de jouer le rôle qui revient de droit à un candidat au poste de président de la république. Les jours qui viennent pourraient nous réserver bien des surprises dans l’intermède de ces deux tours. Au demeurant, il faut s’attendre à ce que la révolution de 2011 nous surprenne par des situations tout à fait inédites, dans un habillage… très tunisien ! 
Brahim Taouchichet

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