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Éthiopie Les membres de l'ethnie Sidama votent pour leur autonomie

Les Sidama, une ethnie du sud de l'Ethiopie, se pressaient aux urnes mercredi pour se prononcer par référendum sur la création de leur propre région au sein de l'Etat fédéral, un scrutin en forme de test pour la stabilité future du pays. 
Le pays connaît une forte recrudescence des violences intercommunautaires et des velléités autonomistes depuis l'arrivée au pouvoir en avril 2018 du Premier ministre réformateur Abiy Ahmed. Le référendum de mercredi pourrait accentuer cette tendance et le risque de fragmentation de ce pays en servant d'inspiration à certains des quelque 80 autres groupes ethniques éthiopiens. 
Quelque 2,3 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes. Le scrutin semblait mobiliser fortement la population de la capitale régionale Hawassa, à en juger par les longues files d'attente qui se sont formées dès l'ouverture des bureaux de vote à 6h. 
«Le processus de vote est inclusif, facile, transparent et excitant. J'ai voté pour une décision qui, je pense, contribuera au développement, à la paix et à mon bien-être», a déclaré à l'AFP Fantahun Hatiso, un électeur de 27 ans rencontré à Hawassa. 
Ce dernier confie être resté éveillé jusque tard dans la nuit : «L'excitation à l'approche de ce jour qui apportera la liberté et la paix à mon peuple m'a gardé éveillé». L'Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique avec plus de 100 millions d'habitants, est actuellement divisée en neuf régions semi-autonomes dessinées sur les bases d'un fédéralisme ethnique. Sa Constitution exige que le gouvernement organise un référendum pour tout groupe ethnique souhaitant former une nouvelle entité dans l'année qui suit sa demande. 
La route des Sidama pour quitter la région des Nations, Nationalités et Peuples du Sud (SNNP-Sud), à laquelle ils appartiennent actuellement, avait débouché sur des violences qui avaient fait plusieurs dizaines de morts en juillet et conduit Addis Abeba à placer la zone sous contrôle de la police fédérale et de l'armée. A l'exception des abords des bureaux de vote, les rues d'Hawassa étaient beaucoup plus calmes qu'à l'ordinaire, mercredi ayant été déclaré jour férié pour faciliter les opérations de vote. Mais des policiers et soldats lourdement armés patrouillaient dans les rues. «C'est un jour spécial pour moi aujourd'hui. Je serai reconnu pour mon identité et donc je suis content que ce jour soit arrivé», a confié Fitsum Anbese, 32 ans, un technicien de laboratoire. «Je veux que mon pays soit en paix. Je veux que nous nous respections tous et que nous évitions les divisions. Je veux que nous ayons et que nous vivions dans une Ethiopie pacifiée», a-t-il ajouté. Les Sidama caressent le projet de quitter leur région depuis de longues années. Mais ils ont été galvanisés par l'arrivée au pouvoir de M. Abiy, récemment auréolé du prix Nobel de la paix. 
«Les Sidama se sont battus pour que ce jour arrive pendant presque 100 ans. Beaucoup d'entre eux ont perdu la vie dans cette lutte et d'autres ont été emprisonnés. Aujourd'hui, je suis témoin d'une lutte qui a porté ses fruits», souligne Hagersew Haso, 30 ans, un employé des télécommunications. M. Abiy a salué mercredi en ce référendum «l'expression de la voie vers la démocratisation sur laquelle s'est lancée l'Ethiopie» et appelé les Sidama à «s'impliquer pacifiquement dans tout le processus». 
Selon les observateurs, la montée en puissance des revendications régionales et ethniques, en partie due à l'ouverture de l'espace politique initiée par M. Abiy, s'accommode mal de son approche centralisatrice du pouvoir. Le Premier ministre s'est évertué ces derniers mois à tenter de calmer les ardeurs autonomistes des autres ethnies, invitant les uns et les autres à la patience. 
Mais au moins dix autres groupes dans le sud du pays ont déjà lancé une procédure d'autonomie similaire à celle des Sidama. Les premiers résultats de ce référendum sont attendus jeudi. Un vote favorable des Sidama est jugé très probable par les analystes. Mais la création de cette 10e région n'ira probablement pas sans complications. 
Si le «oui» l'emporte, «le processus pour créer l'État régional sidama ne sera pas sans difficultés», prédit l'avocat et analyste politique Kiya Tsegaye. 
Le calendrier pour la formation de cette nouvelle région, l'allocation du budget fédéral, le partage des richesses au niveau régional sont des sources potentielles de litiges à ses yeux. 
Le statut d'Hawassa, actuelle capitale de la région SNNP, dont les Sidama veulent faire leur capitale, est aussi épineux. Un accord signé récemment prévoit que le gouvernement régional SNNP restera dans la ville pour les deux prochains mandats de cinq ans. Mais la question resurgira ensuite. 
La zone des Sidama est aussi très diverse ethniquement, remarque M. Tsegaye, qui se demande : «Quel sera le sort des ces minorités ethniques dans le futur Etat régional sidama, en particulier pour ceux qui ne parlent pas la langue sidama ?»

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