A l’annonce du retour de l’enfant prodigue de la balle ronde, dans le monde des médias de l’Hexagone, c’est l’ébullition ! Bonnes nouvelles pour les uns, malvenue pour d’autres, d’autant que les plus avisés et fins observateurs étaient arrivés à la conviction ferme qu’aucun retour en arrière n’était envisageable. L’EDF (équipe de France) est une affaire trop sérieuse. Oui, da ! Et voilà que l’impensable se produit à la surprise générale : le Messie est arrivé ! KB9 est de retour à la maison, après moult échanges orageux. Les armes se taisent, KB9, qui n’a pas la langue dans sa poche, n’hésitait pas à tirer à boulets rouges sur le racisme ambiant, systémique dans le monde du sport. La presse espagnole prend fait et cause pour son protégé Karim, décidant, du coup, à ne plus l’ostraciser comme par le passé. Un amour tardif mais bon à prendre. Il ne se trouve pas un seul titre de la presse française qui ne s’est mis de la partie dans ce tohu-bohu général.
L’Humanité dimanche, par exemple, se fend d’une « Une » des grands événements. Benzema, balle au pied, sur toute la page. Il doit surtout être concentré et adroit sur tous les coups pour qu’enfin on oublie ses « errements, ses griefs ». Il doit marquer beaucoup de buts. Autrement, la sentence sera terrible. Il serait surprenant qu’après sa mise à l’écart durant cinq ans durant, son retour soit le fruit d’un accent de générosité subit.
Le Franco-Algérien, au prestigieux palmarès, se retrouve au centre d’enjeux qui le dépassent. Pour lui, le ballon est aux antipodes de la politique politicienne ! Les deux protagonistes en conflit sont sommés de s’expliquer, et ce qui fut fait « pour la France ». Jamais il n’a été question de réparer une injustice – la justice qui l’attend en octobre prochain. Les populations émigrées et tous les amoureux du football, y compris chez nous, se tournent alors instinctivement vers les auteurs de l’heureux dénouement. Eric Moshé Zemmour et la Marine Le Pen crient au scandale, ce qui montre que l’idole des jeunes est bien au centre d’une confrontation idéologique et politique, à l’heure où les ambitions de l’extrême droite, des islamophobes sont bruyamment affichées. Il s’agit de rassembler les Français, quelle que soit leur origine ethnique, contre le projet fascisant à l’approche des échéances électorales de l’année prochaine. C’est plus que ne peut imaginer le natif de la deuxième ville française, Lyon.
Plus grave, il peut se prévaloir d’un soutien de taille en la personne du Président français. S’il s’en sort, comme attendu de lui, il sera porté au pinacle. S’il rate le championnat d’Europe ou fera une prestation mitigée, à coup sûr on lui fera ressortir ses origines comme souvent en France dans ce genre de situation. Sa réussite peut-elle impacter positivement les relations entre la France et l’Algérie où les fans de l’enfant prodige se comptent par milliers ? Ces mêmes fans qui vivent comme une injustice les misères subies par leur idole. Ce dernier, malgré lui, réussira-t-il à provoquer le déclic attendu entre deux pays qui s’attirent et se rejettent dans le même temps ?
L’ancien ministre de l’Économie, Arnaud Montebourg, de mère algérienne, s’est essayé, en vain, à établir des ponts entre les deux pays. Que faut-il comprendre dans la démarche de Gerald Darmanin – « Moussa » est aussi mon autre prénom, tient-il à préciser.
Le ministre de l’Intérieur n’a pas zappé, lors de sa visite, en novembre 2020, Maqam Chahid où il déposa une gerbe de fleurs. Il fera de même sur la tombe de son grand-père maternel, Moussa Ouakid, à Ouled-el-Ghali, à Mostaganem. Qui des hommes de bonne volonté et des lobbies triompheront dans une compétition aux desseins violemment opposés ? Mais il faut croire qu’au niveau humain, les atouts pour des relations bien comprises entre ces deux entités-phares du Bassin méditerranéen existent bel et bien.
B. T.
