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Défis de la géopolitique, exigences du soft power

Dans une interview au quotidien économique français l’Opinion, le président Abdelmadjid Tebboune évoquait en 2020 un aggiornamento ordonné et patient de la politique intérieure et de la diplomatie, basé sur un socle de paradigmes et de principes directeurs nouveaux. Sur le front extérieur, sujet de la présente chronique, le chef de l’État rappelait alors que la géopolitique, l’Histoire, les intérêts et la sécurité nationale déterminent la politique étrangère qui est elle-même le reflet de la politique intérieure. Ces propos du chef de l’État ont aujourd’hui une résonance particulière à la lumière de la guerre Russie/Europe-États-Unis par Ukraine interposée. Conflit multidimensionnel qui a eu, entre autres conséquences, le pouvoir de rebattre les cartes de la géopolitique de l’énergie, faisant notamment de l’Algérie une puissance gazière de poids stratégique.
Ce nouveau statut de l’Algérie, plus que jamais courtisée en raison de ses réserves d’hydrocarbures, de son potentiel de terres rares et de sa position géographique privilégiée, exige d’elle, et plus que jamais, de s’appuyer sur une diplomatie proactive, dynamique et savamment redéployée à travers le monde. Plus particulièrement encore, dans son pré-carré maghrébin, son prolongement stratégique subsaharien, sa profondeur africaine et dans ses espaces d’extension méditerranéen et arabe. Il y a deux ans, le président Abdelmadjid Tebboune, dont la diplomatie est partie intégrante de son domaine réservé, en avait, dans la même interview, décliné ses dossiers essentiels. Elle est donc appelée à se recentrer sur les fondamentaux qui l’ont toujours déterminée, mais aussi à se redéployer sur ses axes naturels : le voisinage, la profondeur stratégique subsaharienne, l’africanité, l’enracinement méditerranéen, l’espace stratégique arabe. De même que l’ouverture sur le monde à travers les liens multiformes avec l’Occident et le nouveau pôle mondial émergent où la Chine et la Russie, partenaires historiques et stratégiques de l’Algérie, en constituent la colonne vertébrale.
Question du jour : Sommes-nous ainsi à la veille d’un changement réel des façons de penser et des manières d’agir de notre diplomatie ? On pouvait déjà l’envisager en voyant l’actuel ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, sitôt nommé, annoncer l’usage de «nouvelles méthodes pour concrétiser cette vision politique stratégique, consistant en cette nouvelle dimension que le président de la République souhaite cristalliser dans le gouvernement, en donnant cette nouvelle appellation à notre ministère».
Cette «vision politique stratégique» et cette «nouvelle dimension» diplomatique, que le chef de l’État entend voir se concrétiser, ont cependant mis un peu de temps à trouver leur première expression publique depuis son élection à la tête du pays. Elles font pourtant partie de ses «54 engagements pour une nouvelle République», sous le chapitre «politique étrangère dynamique et proactive». Le futur Président s’était alors engagé en faveur de la «révision des objectifs et des missions classiques de la diplomatie algérienne» sur les plans bilatéral et multilatéral. Il s’était également prononcé pour une «diplomatie économique offensive au service du développement national et des entreprises et investisseurs publics et privés». De même qu’il a implicitement évoqué la notion de soft power en préconisant « une diplomatie culturelle et cultuelle au service du rayonnement national». Enfin, au sujet de notre émigration, il avait fait état de sa volonté d’agir «pour la protection et la promotion d’une communauté nationale à l’étranger et d’une diaspora pleinement impliquée dans le renouveau national».
Les mots-clés de l’engagement électoral du président de la République, et ceux de la première déclaration de son ministre des « Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger» sont autant de syntagmes et de vocables qui disent qu’il y aurait présentement l’idée de réfléchir, faire et dire autrement. Autrement dit, on penserait maintenant à des concepts comme lobbying, influential power, soft power et smart power, et à des unités de sens liées comme persuasion, séduction, attraction, communication ? À ce stade de l’expression sincère des intentions, la réponse ne serait pas affirmative, bien évidemment, mais on en prend quand même les bons augures.
Ces idées forces sont-elles immédiatement opératoires dans le cadre algérien actuel ? Non, si on doit se fonder sur l’état des lieux diplomatiques, la nature quasi monoexportatrice de notre économie et l’absence de rayonnement culturel à l’étranger cantonné aujourd’hui à l’existence d’un seul centre culturel dans le monde, basé à Paris. De même que le défaut absolu de présence médiatique et d’inexistence de cadres de mobilisation de la communauté algérienne à l’étranger, autrement que via les consulats.
Au vu de son histoire postindépendance, de la faible importance accordée à sa culture à l’étranger, de son organisation administrative archaïque, excessivement procédurière et lourdement bureaucratique, défauts auxquels n’échappe pas l’appareil diplomatique, l’Algérie n’est pas, et depuis longtemps, un grand pays de « soft power » et de lobbying organisé. Elle le fut cependant, d’une certaine façon, à l’ère de l’Etat souverain en construction et de l’édification nationale sous Boumediene. À cette époque, l’Algérie possédait une diplomatie performante et leader dans un tiers-monde non-aligné sur les deux blocs. Elle s’appuyait aussi, notamment en Europe, sur un puissant cadre de mobilisation que fut l’Amicale des Algériens en Europe (AAE), et sur une diplomatie parallèle intelligente au double sens latin et anglo-saxon du terme. Cet âge d’or est cependant révolu. L’après-Boumediene, constat froid, fut propice, pour moult raisons et à des degrés divers, à un désarmement de l’État en interne. Et surtout à l’affaiblissement progressif, voire à l’étiolement dans certains cas, en certaines circonstances et en certains lieux, de la présence de l’Algérie à l’étranger, dans tous les domaines.
En dépit de cet âge d’or relatif, l’Algérie n’a jamais su inventer un dispositif efficace de présence étendue à l’étranger. Dans le sens où l’on pourrait parler de soft power. À savoir, la conjugaison tous azimuts de la diplomatie traditionnelle, la diplomatie parallèle, l’économie, la culture, le tourisme, le sport, le culte et les médias. Sous le règne moins orthodoxe de Chadli, l’outil efficient que fut l’AAE a été démantelé, ce qui était en soi une erreur stratégique. Mais c’est durant ses trois mandats que l’Algérie a tout de même pris conscience de la valeur de la diplomatie religieuse comme instrument d’appui à la diplomatie dans ses volets classique et parallèle (rayonnement de l’islam confrérique à l’extérieur). En même temps que fut relativement renforcée la présence médiatique de l’Algérie dans le monde, à travers l’installation d’un réseau de treize bureaux à l’étranger de l’agence nationale APS.
À l’heure actuelle, nos ambassades ne disposent pas de missions économiques en bonne et due forme, même si la réflexion sur la nécessité de la présence de facilitateurs économiques et d’attachés commerciaux a été engagée par le prédécesseur de M. Ramtane Lamamra. Il n’y a pas non plus de structures de mobilisation des Algériens en Europe ou ailleurs, et notre influence religieuse se résume à l’envoi d’imams de faible niveau théologique et linguistique pour officier dans certaines mosquées en France, ou encore à financer la Grande Mosquée de Paris qui n’est pas un réel pôle de rayonnement spirituel, encore moins un haut lieu de la fatwa éclairée et suivie.
Quant à la présence médiatique, elle est réduite exclusivement à la seule France où n’existent, à l’heure actuelle, que de rares correspondants d’organes publics et privés, avec des moyens d’action étiques et généralement non accrédités officiellement. Cependant que l’APS n’y dispose plus de correspondants permanents. À titre comparatif, l’agence officielle marocaine MAP a un réseau maillant les cinq continents et organisé en douze pôles régionaux s’appuyant sur une quarantaine de bureaux et plus d’une centaine de correspondants. Ajoutons que le rival stratégique de l’Ouest bénéficie en Europe, notamment en France, d’outils de mobilisation et de transfert de devises qui sont des équivalents efficaces de l’ex-Amicale des Algériens en Europe, sans compter un lobbying digne de ce nom dans tous les pays jugés stratégiques par le Makhzen.
Comme dit l’axiome populaire, il n’est jamais trop tard pour bien faire. La volonté politique d’agir autrement et de mieux entreprendre, en somme de reconstruire et de construire sur le plan diplomatique, semble désormais exister. Elle avait déjà été exprimée, fort symboliquement, à travers la création de « l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement ». Elle a été réitérée avec le reprofilage annoncé et toujours attendu du dispositif diplomatique, comme le suggère la nouvelle appellation du MAE. On le perçoit aussi à travers la reconfiguration de la faible présence du pavillon national Air Algérie en Afrique.
Nécessité fait loi, dit-on. Alors tout doit être accompli pour favoriser les convergences salutaires des moyens et surtout des énergies et des intelligences patriotiques.
N. K.

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