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La diplomatie algérienne redevient audible et crédible

«Nous nous félicitons de tous ces résultats, et nos positions sont très proches et communes concernant la déclaration d’Alger et la solution au Moyen-Orient», a déclaré l’immarcescible ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Pour sa part, le tout-puissant président chinois Xi Jinping a salué l’engagement de l’Algérie «à renforcer la solidarité entre les pays arabes et son rôle actif dans la protection des droits et intérêts légitimes des pays en développement». Ces propos de deux hauts représentants de nations leaders des BRICS et puissants acteurs du remodelage du leadership et des équilibres planétaires, évoquent, dans deux registres différents, les résultats positifs du dernier Sommet arabe à Alger. Un sommet exceptionnel de par la qualité de sa préparation et de son organisation, et surtout par ses conclusions finales frappées du sceau du consensus le plus large, pour ne pas dire de l’unanimité, concepts souvent étrangers à la scène diplomatique arabe malgré leur inscription dans les statuts de la Ligue arabe.
Jusqu’au Sommet d’Alger, le 31e du genre, les assemblées arabes au plus haut niveau étaient généralement les réunions ordinaires ou extraordinaires du plus grand ou, dans le meilleur des cas, du plus petit diviseur commun. La «Déclaration d’Alger», qui en est le résultat final, est par conséquent celle du plus petit ou du plus grand dénominateur commun, c’est selon, ou encore du plus petit multiple commun. Et c’est probablement à cela que le secrétaire général de la Ligue arabe Ahmed Aboul Ghéit faisait allusion en disant qu’«il n’y a eu aucune réserve sur ce qui a été décidé» à Alger.
On a donc évité soigneusement tout ce qui pouvait cliver et diviser. Bref, tout ce qui pouvait fâcher, et pourtant, les pommes de discorde ne manquaient pas tant les crises et les conflits interarabes sont nombreux ! Mais on n’a toutefois pas éludé les questions essentielles, à savoir les conflits et les crises endémiques ou récentes au Maghreb et au Machrek. On a même abordé des problématiques inhabituellement évoquées au sein de la Ligue arabe, comme la sécurité alimentaire, les conséquences lourdes du réchauffement climatique, l’intégration économique et plus particulièrement encore les solutions politiques inclusives et souveraines, ainsi que la dénonciation de toutes les ingérences étrangères dans les conflits entre Arabes. Principes formulés par l’équation de «solutions exclusivement arabes aux problèmes arabes».
Ce nouvel état d’esprit à l’avènement duquel la nouvelle diplomatie algérienne n’est point étrangère, loin s’en faut, transparaît nettement dans «la Déclaration d’Alger». Dans le texte final, pas de littérature, pas d’emphase unitaire, pas de vœux pieux, même si les bonnes intentions et l’affirmation de bonne volonté y sont. Le plus important était d’aboutir enfin à une volonté politique commune même a minima. Et c’est là que réside le franc succès du Sommet d’Alger, et consubstantiellement celui de la diplomatie souveraine, pragmatique, réaliste, patiente, mesurée, humble mais ambitieuse, promue graduellement par le chef de l’État M. Abdelmadjid Tebboune.
La réussite du Sommet arabe d’Alger est à apprécier davantage à l’aune de la remise sur orbite panarabe de la question palestinienne. Et tout aussi essentiellement sous l’angle de la réussite inouïe, car elle relevait préalablement de l’impossible, ou à tout le moins de la chose la plus complexe et la plus compliquée à réaliser : la réunion à Alger, quelque temps seulement avant le Sommet de la Ligue arabe dans la même ville, et particulièrement sur la base d’un accord unitaire minimal et vital, de quatorze factions palestiniennes divisées et souvent en désaccord permanent quand elles ne sont pas en conflit ouvert ou en guerre fratricide !
La consécration de sa «centralité», et alors même que le 31e sommet est le premier du genre après la signature des «Accords d’Abraham» par certains pays «normalisateurs» et signataires de la «Déclaration d’Alger», est le point essentiel qui traduit le mieux le succès du sommet et la nouvelle efficacité de la diplomatie du consensus et de la patience algérienne. Traduction d’autant plus significative que les représentants arabes, sous l’impulsion de la diplomatie algérienne et conformément à la volonté permanente de l'Algérie, ont appelé à relancer l'Initiative arabe de paix, adoptée à Beyrouth en 2002. Initiative qui préconise la solution des deux États, et plus précisément «l'établissement de l'État palestinien dans les frontières de 1967, avec pour capitale Jérusalem-Est», comme l'a souligné le chef de l’État algérien.
Comme on le voit, un État palestinien jouissant de la continuité territoriale et non un Etat sur un territoire ressemblant à une peau de léopard ! Le président Abdelmadjid Tebboune devait avoir alors à l’esprit le fameux discours iconoclaste de Jéricho (3 mars 1965) du président Habib Bourguiba dans lequel il avait, visionnaire et réaliste qu’il était, préconisé la solution de deux États, avec une partie de Jérusalem comme capitale de la Palestine indépendante et établie sur un territoire viable déterminé par le continuum géographique.
Autre point fondamental par lequel on peut apprécier également le succès du sommet et les mérites inhérents de la nouvelle diplomatie algérienne, l’affirmation par la «Déclaration d’Alger», de l’importance fondamentale de la contribution du monde arabe à «la définition des contours du nouvel ordre mondial post-Covid-19 et guerre en Ukraine, en tant que bloc harmonisé et uni». Et «comme un acteur qui peut, avec sa volonté, ses capacités et ses compétences, contribuer de manière efficace et positive dans ce domaine». En somme, tout en étant en même temps un bloc non-aligné, jouer son plein rôle dans la définition d’un nouveau monde multipolaire, géopolitiquement plus équilibré et économiquement plus équitable.
Là aussi, le président Abdelmadjid Tebboune, qui s’en est montré fervent adepte lors du 31e Sommet de la Ligue arabe à Alger, devait penser à un autre emblématique dirigeant du monde arabe, en l’occurrence Houari Boumediene qui avait activement mobilisé la diplomatie algérienne en faveur de la mise en place d’un nouvel ordre mondial. Bien avant la naissance des BRICS, l’irruption de la Chine et de la Russie comme points de basculement progressif vers un monde débarrassé de l’hégémonie de l’hyperpuissance impérialiste américaine. Et bien loin de la guerre actuelle en Ukraine qui est en train de dessiner les nouvelles frontières du leadership mondial.
On pourrait dire, à la lumière de la «Déclaration d’Alger» pour la réconciliation palestinienne, à l’initiative patiente et discrète du président Abdelmadjid Tebboune, et à l’aune de la «Déclaration d’Alger» produite par le dernier Sommet de la Ligue arabe, que la diplomatie algérienne est redevenue audible, crédible et efficace. Avec la nouvelle ambition d’être au service d’un pays pleinement souverain, qui compte et qui pèse, et avec lequel il faudra compter dans le concert des nations.
N. K.

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