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Monnaie de réserve des BRICS+, une question en débat

On sait que l'Algérie a souhaité adhérer au groupe des BRICS, moteur d'impulsion du mouvement de basculement du monde vers de futurs et salutaires équilibres géostratégiques nécessairement multipolaires. On n'ignore pas non plus les bénéfices nets qu'elle en tirerait. Notamment le fait d'entrer alors dans une dynamique de gouvernance l'obligeant à être au diapason du niveau de développement moyen des pays membres. Et également le fait de bénéficier, au moment opportun, d'une monnaie de réserve du groupe des BRICS élargi à l'Algérie et à d'autres puissances du Sud. Nécessité fera alors loi.
Le Soir d'Algérie ouvre ici un modeste débat sur la création de cette monnaie de réserve des BRICS qui pourrait interagir avec le rôle plus important dévolu aux monnaies nationales pour bénéficier d'une plus grande part du volume total des transactions en devises dans l’économie mondiale. Cette question d'émission d’une monnaie de réserve BRICS+ a revêtu un intérêt particulier ces derniers mois depuis que le président Poutine a déclaré que la création d’une telle monnaie était en cours de discussion. Ses propos ont été suivis d’un certain nombre de déclarations émanant de la Douma sur l’opportunité de créer une nouvelle monnaie de réserve – plus récemment encore de la présidente de l’Assemblée de la Fédération, Valentina Matvienko.
Alors que le débat sur la possibilité de créer une telle monnaie de réserve ne fait que débuter en Russie, et plus largement dans l’économie des pays du BRICS, les implications à grande échelle d’une telle décision pourraient favoriser une logique de changement progressif du système financier mondial. À la base, la proposition de créer une nouvelle monnaie de réserve fondée sur un panier de devises des actuels pays BRICS, a été formulée par le Valdai Club en 2018. Et le Valdaï Club, c'est du sérieux. Donc prendre en considération ce qui émane de ce laboratoire d’idées installé à Moscou et qui est un forum international, créé en 2004, à l'initiative du président Poutine pour débattre de la Russie et de son rôle dans le monde. L'idée est de créer un panier de devises de type DTS composé des monnaies nationales des BRICS ainsi que potentiellement de certaines des autres monnaies des économies de l'espace BRICS+. Le choix des devises nationales des BRICS était dû au fait qu’il s’agissait des monnaies les plus liquides des marchés émergents. Le nom de la nouvelle monnaie de réserve – R5 ou R5+ – était déterminé par les premières lettres des devises BRICS qui commencent toutes par la lettre R (réal, rouble, roupie, renminbi, rand).
Les débats récents en Russie sur les perspectives de création d’une nouvelle monnaie de réserve ont été davantage centrés sur les risques, les fragilités ou l’impossibilité pure et simple du projet R5 ou R5+. Moins d’attention a cependant été accordée à l’estimation des avantages (y compris en termes de chiffres concrets) pour les économies BRICS et les marchés émergents. Peu d’attention a également été accordée aux modalités pratiques de lancement de la monnaie de réserve des BRICS. Question considérée comme prématurée.
Ce qui est admis à ce stade de la réflexion stratégique, c’est que la monnaie de réserve BRICS ou BRICS + ne sera pas créée pour remplacer les monnaies de réserve nationales du groupe en tant que tel ou élargi. Elle a plutôt vocation à compléter ces monnaies nationales et servirait à améliorer les possibilités pour davantage de monnaies émergentes d’atteindre le statut de réserve, dont demain le dinar algérien s'il était appelé à être convertible. Par conséquent, l’atteinte de parts de marché élevées entre les économies BRICS est une condition souhaitable mais pas tout à fait indispensable pour lancer la nouvelle monnaie de réserve, selon les experts de Valdaï. En fait, la nouvelle monnaie de réserve n’a pas à desservir toutes les transactions commerciales entre les économies BRICS à court terme, nous dit-on. Dans un premier temps, la nouvelle monnaie de réserve BRICS pourrait jouer le rôle d’unité de compte pour faciliter les transactions en monnaies nationales. À moyen ou plus long terme.
Réfléchir en ces temps-ci au paradigme d'une monnaie de réserve R5 ou R5+ est d'autant plus pertinent lorsqu'on l'apprécie à la lumière de l’actualité de la dédollarisation et de l’utilisation des monnaies nationales dans les transactions financières, dont les monnaies nationales russe et chinoise. Dans la composition du panier de devises R5, la part du renminbi chinois, par exemple, pourrait être initialement fixée à un niveau relativement élevé afin de profiter du statut de réserve déjà avancé de la devise chinoise. Toutefois, cette part peut être réduite progressivement avec l’inclusion de nouvelles monnaies nationales des marchés émergents. En dehors de la sphère économique BRICS, certains des candidats potentiels qui, avec le temps, pourraient être inclus dans le panier de devises R5+ peuvent inclure le dollar singapourien ou le dirham des Émirats arabes unis, entre autres.
Valdaï souligne qu'il est important de noter que les possibilités d’utilisation de la nouvelle monnaie de réserve dans l’économie mondiale sont importantes vu l’énorme potentiel de dédollarisation. La nouvelle monnaie de réserve des BRICS peut agir donc de concert avec le rôle plus important joué par les monnaies nationales des BRICS pour assumer une plus grande part du fromage global des transactions en devises dans l’économie mondiale, comme déjà souligné plus haut. Ce rôle accru du service des transactions de commerce extérieur pourrait être étendu petit à petit aux flux d’investissement à travers le monde en développement. Conformément au concept R5 original développé par le Valdai Club poutinien, l’un des moyens possibles pour stimuler l’utilisation des monnaies nationales et de la monnaie de réserve des BRICS pourrait être, le cas échéant, la création d’une plate-forme pour les banques de développement régionales dont les économies BRICS seraient membres.
En fin de compte, le lancement d’une nouvelle monnaie de réserve, en cas de succès, aurait un effet transformationnel sur le système financier international, comme déjà mis en évidence supra. Les banques centrales de l’économie mondiale connaissent en effet une pénurie notable de devises de réserve dans la gestion de leurs avoirs de réserve. À cet égard, l’émergence de devises de réserve supplémentaires parmi les économies émergentes servirait à élargir les possibilités de diversification des avoirs de réserve, et à réduire les vulnérabilités associées à la dépendance à une gamme étroite de devises, dont en premier lieu l'hégémonique US dollar. Le projet R5 peut ainsi devenir l’une des contributions les plus importantes des marchés émergents à la construction d’un système financier international plus équilibré, plus juste et plus sûr.
N. K.

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