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Rubrique Pousse avec eux

JE SUIS NOMBREUX !

Alors qu’il tentait de rejoindre la manif Anti-Içaba place de la République, à Paris, Boudjerra Soltani a été aspergé de bière par une foule en colère. Je trouve cela tout simplement indigne ! Intolérable ! Abject ! Non ! Désolé ! Quelles que soient nos différences, on ne doit pas faire subir un tel traitement dégradant à…

… La bière ! 

Je suis de la génération que l’on alignait en rangs sages sur le passage de Boumediene. J’ai connu ensuite les générations que l’on alignait aussi sur les passages de Chadli. A tous, écoliers tout heureux de sécher «légalement» quelques heures d’école, on demandait d’agiter quelques drapeaux, de chanter quelques louanges, puis de nous en aller lorsque étaient parties les lourdes limousines présidentielles. Que s’est-il passé ? A quel moment les occupants des limousines, sûrement gênés par les vitres excessivement teintées, ou alourdis par la conjugaison généreuse de Leben et de dattes servies aux escales, n’ont pas vu venir le problème ? Je vais oser une datation. Approximative, bien sûr. Subjective, bien évidemment, que serait cet espace sinon celui de la subjectivité assumée et même revendiquée, hein ? Et donc, je situe l’enrayement de la machine le jour de la première visite officielle et en grande pompe de Jacques Chirac en Dézédie. Ce jour-là, un truc s’est passé. Lorsque nous étions consignés sur les trottoirs de Boumediene, et ceux qui nous ont succédé sur ceux de Chadli, certes, il nous arrivait de chahuter de temps à autre, pour supporter l’attente du cortège sous un soleil de plomb ou sous la pluie et le froid. Mais nous restait cette « hiba » ! Cette sorte de rapport mi-admiratif, mi-craintif envers « El Houkouma ». Avec Chirac, ont fusé de la foule les premiers couacs secouant la «hiba», et c’est tant mieux ! Souvenez-vous de «Aâtina el visa !». Même chose avec Sarkozy. Les cris moqueurs et allusions à la mal-vie ont pavé sa promenade algéroise et constantinoise. Ensuite ? Ensuite, il fallait juste et en urgence faire changer les vitres des limousines, pour des carreaux sans teinte. Ils ne l’ont pas fait. N’ont rien vu venir. N’ont pas voulu voir venir, aussi. Résultat : aucun ministre de la République, aucun Président intérimaire, aucun «patch» du Palais ne peut descendre dans la rue fourrager dans la tête des enfants massés sur son passage. Y a plus d’enfants-potiches ! Ne reste qu’une citadelle dans laquelle les fourrageurs de têtes d’enfants n’osent même plus se peigner seuls face à leur miroir, dans leurs bunkers. Je ne suis pas extrémiste. Adepte forcené de la violence révolutionnaire. Mais je dois bien l’avouer, c’est grisant quand tu t’arrêtes au bord de ce moment orgasmique et que tu te surprends à crier «JE SUIS NOMBREUX» ! Tout en fumant du thé pour rester éveillé à ce cauchemar qui continue.
H. L.

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