plutôt à nous de …
… pleurer, pas à lui !
«C’est le fruit de mon travail» ! Cette réponse, je l’ai entendue à
plusieurs reprises dans la bouche des prévenus auditionnés par le juge,
au tribunal d’Alger ces derniers jours. Moi le travail, je sais un
chouia ce que ça veut dire. Je bosse depuis l’âge de 18 ans. Et je me
dirige allègrement vers ma soixantaine. Le boulot des autres, je sais
aussi une «kémia» ce que c’est. J’ai vu des reportages sur des
milliardaires comme feu Steve Jobs ou Bill Gates, pour ne citer que ce
secteur des technologies qui est censé avoir vu éclore rapidement des
fortunes. Les mecs et les nanas, même de manière fulgurante, ils ont
ramé, ils ont bossé leurs tripes, ils ont sué leurs neurones et se sont,
au moins pour l’un d’entre eux, tués à la tâche, pour ne citer que le
fondateur d’Apple. Je ne les ai jamais entendus dire aussi effrontément
et aussi crûment «ceci est le fruit de mon travail» ! Alors qu’ils
auraient pu, parce que, dans leur cas, c’était et c’est vrai. Par
contre, quand cette phrase fuse du tribunal d’Alger, je me pose de
sérieuses, de très sérieuses questions. Sur la nature du fruit.
Serait-ce un fruit magique ? Produit par un arbre ensorcelé ? Lui-même
planté dans une terre envoûtée ? Un sol baigné par un soleil non déclaré
à la Mutuelle Officielle des soleils répertoriés ? Dans un microclimat
volé au temps et aux yeux toujours aussi polissons d’Évelyne Dhéliat ?
Eh oui ! T’es bien obligé, frangin, de te poser des questions pareilles
lorsqu’il s’agit de l’énoncé imperturbable de sommes flirtant sans gêne
ni hach’ma avec les milliers de milliards. C’est le fruit de ton
travail, je veux bien, mais c’est où qu’on embauche, khouya, parce que
ce taf-là, chapeau ! J’en mangerais de ces fruits magiques jusqu’à vomir
un taleb par le nez, sans avoir besoin de frotter la lampe ! A la
vérité, je t’aurais bien dit, en termes puisés dans mon cru bordjien, ce
que j’en pense du «fruit de ton travail», mais … non ! Selmiya ! Selmiya
! Je préfère rester poli, et me contenter, sous un arbre qui ne produit
que des «oranges amères», de fumer du thé pour rester éveillé à ce
cauchemar qui continue.
H. L.