Le syndrome du canard !

Cette année, les épreuves du Ramadhan se dérouleront
avant le mois…

… sacré du Bac El Karim !

Coin ! Coin ! Coin ! Voilà que ça me reprend ! A cette période de l’année, comme réglé par un horloger suisse, je me surprends à me comporter en canard. Voire en oie ! Non, je n’ai rien bu ! Du moins pas avant de commencer à rédiger cette chronique. Et l’esprit sain, pas embrumé pour une chope, les idées aussi claires qu’une bonne rasade de vodka, je vous le révèle tout de go : une fois l’an, je me transforme en canard, en oie, bref, en un palmipède de la famille des anatidés. Coin ! Coin ! Coin ! Impossible de réprimer ces «coin-coin». Ils jaillissent de mon gosier à l’encontre de mon plein gré consentant. Une sorte de réflexe atavique. J’ai bien conscience que les gens autour de moi me regardent bizarrement. Je sais parfaitement qu’un bipède humanoïde, sujet théoriquement parlant et qui balance des cris de palmipède en public, c’est plutôt déroutant. Mais encore une fois, je n’y peux rien ! C’est irrépressible. Coin ! Coin ! Coin ! Du coup, en ce moment maudit de l’année, je ne sors plus de chez moi. Ce qui n’empêche pas les voisins de grogner, de rouspéter, et pour certains de déposer carrément plainte contre moi au commissariat du quartier. Et là, comme dans un rituel, les flics qui me connaissent – forcément, entre canards et poulets – débarquent à la maison, tentent de me raisonner, en vain. Je dois dire qu’ils sont plutôt indulgents avec moi. Avec le temps, ils ont compris ! J’ai aussi fourni très tôt une explication qui leur a semblé plausible : tous les ans, à quelques semaines du mois sacré du Ramadhan, dès que je lis dans les journaux le fameux communiqué du ministère du Commerce qui annonce invariablement depuis 1962 que «les marchés seront normalement approvisionnés durant Ramadhan el Karim», je me sens muer en canard ou en oie que l’on s’apprête à gaver. Les agents de l’ordre l’ont d’ailleurs consigné noir sur blanc sur leur P-V : cet homme est atteint du syndrome du canard ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.