- Maman ! Mamaaan ! On a faim ! Y a quoi à manger ce midi ?
- Mangez des start-up !
- ???
Quand ça a merdé ? Tu veux vraiment savoir quand ça a merdé ? Je crois que c’est le jour où l’on a commencé à s’en prendre à des… lettres. Oui ! Des lettres de l’alphabet ! Mais si, rappelle-toi ! « Yetnahaw gaâ les B ». Là, fallait déjà s’inquiéter un chouia. S’en prendre à un alphabet, ce n’est jamais bon. Et puis supposons, ya sidi, admettons que ce soit la bonne démarche, celle de dégommer une lettre de l’alphabet. Une fois que t’en as fini avec le B, tu fais quoi ? Tu vas au C, ou tu reviens d’abord régler son compte au A avant de passer au C ? Et ensuite ? Tu opères un carnage jusqu’au Z ? D’accord ! Lorsque le médecin légiste des alphabets aura confirmé la mort du Z et de toutes les autres lettres, il se passe quoi ? Tu passes à l’alphabet arabe ? Et puis, à l’alphabet amazigh ? Faut s’entendre déjà sur lequel ! Mais maâlich ! Soyons indulgents et considérons que toutes les lettres de tous les alphabets ont été liquidées. Il se passe quoi ? Tu continues de sortir pour manifester ? Mais tu vas barbouiller quoi, sur tes pancartes, puisque toutes les lettres auront été décimées. Et tu chanteras quoi bougre d’âne, sans paroles, puisque sans lettres et sans mots ? Non ! On a eu tort, on a eu tort, il faut enfin l’admettre. Nous avons eu tort de nous embarquer aussi légèrement dans cette guerre aux lettres. La preuve ? Tu veux une preuve ? Regarde bien autour de toi. De plus en plus de gens qui s’intéressent aux chiffres et qui se foutent une grosse kémia des lettres. Eh ouais ! C’est la nouvelle marotte, les chiffres. Ça change des lettres et de ces fixations sur le B, le Z ou le X. Tiens ! Prends la semaine dernière. Les mecs étaient capables de te compter à la décimale près combien de « soldats » sont sortis de la mosquée Es-Sunna, à Bab-el-Oued et ont rejoint la marche Place… Audin ! Moi, j’te le dis, les chiffres, ça marche mieux ! Les comptes sont vite faits. Et quand ils sont faits, ils sont faits ! Pas la peine ensuite d’aller au cimetière des lettres pour demander de l’aide ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.
