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Rubrique Reportage

Alger-Tizi Ouzou-Boumerdès : Balade historique et touristique Rendre à César…(12e partie et fin)

Par Mohamed Arezki Himeur
Il existe un lien solide comme un roc, c’est le cas de le dire, entre Alger et Tamentfoust. Une partie de la pierre utilisée dans la construction d’El-Mahroussa a été prélevée des ruines de l’ancienne ville romaine de Rusgunia et d’une carrière limitrophe.  

Bordj El-Bahri (ex-Cap Matifou, ex-Rusgunia) : Cet ancien petit village de pêcheurs est situé à la pointe extrême Est de la baie d’Alger, qui va de Cap Caxine jusqu’au Cap Matifou. Les points de vue des archéologues et historiens convergeaient sur ce point : que l’ancienne ville d’Alger a été construite avec de la pierre prélevée des ruines antiques de Rusgunia, l’actuel Bordj El-Bahri, et d’une carrière des environs. «Il importe donc de rétablir un fait certain, mais assez généralement connu : c’est que la plupart des matériaux antiques recueillis ici (Alger, ndlr) proviennent des ruines de Cap Matifou», rapportait, dans son premier numéro, la Revue Africaine.(48)
L’agrandissement de la petite cité romaine d’Icosium s’est fait sur le dos, si on peut dire ainsi, de Rusgunia qui en avait fourni les matériaux de construction. Particulièrement pendant l’occupation ottomane (1516-1830). 
Les Turcs s’étaient servi aussi des ruines de Tipaza et de Cherchell pour le développement de la cité des Beni Mezghenna et de ses murailles de défense, selon la même source. Un fait déjà décrit par l’explorateur Léon l’Africain (Hassan El-Wezzan) et le chroniqueur espagnol Luis del Mármol Carvajal. Certaines inscriptions sur des pierres trouvées à Alger et déposées au Musée des antiquités provenaient de l’ancien Cap Matifou. Le fort turc de cette cité avait été construit en 1661 avec des matériaux antiques trouvés sur les lieux. Parce que Bordj El-Bahri fut auparavant un comptoir commercial phénicien puis une colonie romaine vers lan 30 avant Jésus-Christ, avant de passer sous la domination ottomane en 1516 et la colonisation française à partir de 1830. C’est de cet endroit que l’empereur Charles Quint, mine défaite, rembarquait ce qui restait de ses troupes en 1541, après son cuisant échec d’occuper Alger.
Le journaliste et écrivain Mohamed Balhi a lancé un cri d’alarme sur le mauvais état dans lequel se trouvait l’ancien fort turc, transformé en musée. Il avait demandé une intervention rapide de la ministre de la Culture afin de redonner «vie à un bordj qui est lié étroitement à la ville d’Alger, el Mahroussa. Aujourd’hui il abrite un musée, mais très mal conçu, avec ses dix salles au rez-de-chaussée. On y trouve des pièces archéologiques et préhistoriques (période romaine, région de Tébessa) disposées n'importe comment. En principe, ce musée doit abriter uniquement des objets de la période ottomane (canons, armes, manuscrits) liés directement à l’histoire de ce fort, dont les murailles font 9 mètres de hauteur. Ce n’est pas beau à voir !...», déplorait-il. «Ce magnifique bordj, avec une vue impressionnante sur la baie d’Alger, peut devenir un lieu pour des expositions photos, conférences, projection de films, cafés littéraires. Un lieu qui créerait un peu d'animation notamment pour les populations de Tamentfoust, Bordj el-Bahri, Bateau Cassé, Dergana, Aïn Taya, la Marsa, Heuraoua, Réghaïa... Il suffit d'un peu de volonté, et que les fonctionnaires de la culture quittent un peu leurs bureaux pour voir le monde qui les entoure. Ce bordj est unique en Afrique du Nord, il ne mérite pas un tel sort», regrettait-il.(49) 
M. Balhi rappelait que ce bordj avait abrité, le 23 juillet 1830, c’est-à-dire 19 jours après la prise d’Alger par les troupes françaises, une réunion des chefs des tribus de l’Algérois «pour concevoir une riposte à l’invasion coloniale.» C’est de ce fort que les Turcs annonçaient, par des coups de canon, chaque changement de pacha à la tête la Régence d’Alger. Et les changements des deys étaient plutôt nombreux, répétitifs et se faisaient dans le sang et l’assassinat. «Il faut coloniser le Cap Matifou et réparer l’oubli injuste et dangereux dans lequel on a laissé cette localité intéressante par sa position, la bonté de son sol et les avantages de toute espèce qui s’y rencontrent », écrivait en août 1845 l’archéologue Adrien Berbrugger, fondateur de la première bibliothèque-musée d’Alger.(50) 
Adrien Berbrugger y avait passé trois mois, en 1837, à fouiller dans les ruines antiques de Rusgunia, Tamentfoust. Cinq ans après l’appel de Berbrugger, le village colonial de Cap Matifou voyait le jour (septembre 1853). Il fut élevé au rang de commune de plein exercice en septembre 1870. Les colons cultivateurs mahonnais installés dans cette contrée furent «les grands fournisseurs des halles de Paris pour les primeurs de toutes sortes».(51)
Hier comme aujourd’hui, Bordj El-Bahri est réputé pour ses belles plages, très fréquentées pendant la saison estivale : Alger-Plage, Ondines Sud, Frégate, Ondines Nord et Coco-Plage. Les sorties estivales se terminaient parfois chez Habibou, un des meilleurs restaurants spécialisés dans le poisson, édifié près des rochers du port de plaisance, ou chez Akchiche, connu pour ses succulents plats de poisson et sa paella. Un plat traditionnel de Valence, en Espagne, où fut inventée la Naranjina, l’ancêtre de l’Orangina algérienne lancée à Boufarik par un colon français en 1936, avec l’aide de l’inventeur espagnol.

Rassauta : Serait-ce le nom mal transcrit d’un lieu-dit, Ras-El-Ouda, ou d’une tribu, Rassouta, qui aurait vécu dans la plaine nord-est de la Mitidjia ?  Les renseignements datant du 19e siècle, rapportés par des officiers et des auteurs français, indiquent que le haouch portant ce nom appartenait au beylik turc d’Alger qui en avait fait un haras. Il a été «récupéré» par les autorités coloniales françaises qui l’ont cédé par décret en juin 1835 au prince de Mir, d’origine polonaise, venu s’établir en Algérie pour fuir la révolution qui secouait son pays. Les Français ont installé, par ordonnance du 22 décembre 1846, une tribu, les Aribs, sur une portion du domaine. Ce qui avait donné lieu à la création du village de Rassauta en 1851, devenu commune cinq ans plus tard (1856), avec deux annexes, à savoir Aïn Beïda (ex-Suffren) et Aïn-Taya créées trois ans auparavant (30 septembre 1853).

Bordj El-Kifan (ex-Fort-de-l’Eau) : Une station balnéaire réputée, jadis, pour ses restaurants spécialisés dans le poisson et ses salons de glaces en été. Les dîners arrosés se prolongeaient jusqu’à une heure avancée de la nuit. Tout a basculé. Les restaurants en grande partie ont disparu et la large avenue principale de la cité est défigurée par la ligne du tramway qui la traverse d’un bout à l’autre. 
À l’origine, Bordj El-Kifan était un poste avancé à l’est d’Alger des troupes ottomanes chargées de surveiller la mer et une partie de la plaine de Mitidja. Il a été construit en 1581 sous le règne de Djafar pacha. Un village colonial de 50 feux, dénommé Fort-de-l’Eau, a été créé à proximité par décret du 11 janvier 1850, dans le même domaine agricole de Rassauta constitué déjà en commune. Les maraîchers mahonnais représentaient une importante communauté, selon des écrits et rapports de l’époque. Trente-deux ans plus tard (1882), Fort-de-l’Eau a été élevée au rang de commune de plein exercice. Depuis cette date, l’idée d’en faire une station balnéaire était dans l’air. Idée prise au vol et matérialisée, peu après, par un entrepreneur basé à Alger, G. Guerouard. Il avait lancé un programme de constructions de « villas bon marché », dont les prix variaient entre 2 200 et 7 800 francs, avec facilité de paiement. 
Le premier coup de pioche avait été donné en 1895. Moins de trois ans plus tard, il en livra 45, un casino et un hôtel. Il avait accompagné son projet d’un livret promotionnel dans lequel il fournissait des détails techniques sur les villas, avec plan à l’appui. L’entrepreneur était convaincu du choix de l’endroit et de la réussite de son projet. «Parmi tous les points du littoral algérien qui peuvent, à juste raison, attirer les baigneurs, Fort-de-l’Eau se présente d’une façon spéciale par sa situation topographique, avec toutes les conditions requises», écrivait-il.(52) «Sa plage, encadrée de rochers où foisonnent oursins et crevettes, est formée de sable fin et moelleux comme un tapis que la mer pousse incessamment vers la rive, tout imprégné d’odeur marine et charge de sel. En pente doucement inclinée, elle permet au baigneur de prendre fort loin, et en toute sécurité, ses ébats dans une eau propre et limpide. 
La brise de mer, qui souffle régulièrement de 8h du matin à six heures du soir, purifie l’atmosphère. Fort-de-l’Eau (…) réunit toutes les conditions naturelles propres à la création d’une station balnéaire», ajoutait l’entrepreneur. «Nous croyons avoir répondu aux besoins de tous en faisant des villas à bon marché, et en permettant aux ouvriers et aux petits employés d’avoir un chez-soi et de pouvoir jouir en famille des bienfaits d’un climat réparateur», avait-il conclu.(53)
Sur le chemin du retour au bercail à Alger, depuis l’une des petites villes de l’est de la capitale, des estivants faisaient une halte à Bordj El-Kifan pour savourer un plat de poisson frais ou déguster sur une terrasse une glace parfumée. Évidemment, les amateurs de bouzellouf, encore lui, diriez-vous, se retrouvaient chez Talem, paix à son âme. 
M. A.  H.

Sources :
(48) Revue Africaine, n°1, première année, Bastide Libraire-Éditeur, Alger, 1856.
(49) Mohamed Balhi, journaliste et écrivain, 6 mars 2020, sur sa page Facebook.
(50) De la nécessité de coloniser le Cap Matifou, rapport adressé au Gouvernement général, A. Berbrugger, 25 août 1845.
(51) À la France, sites et monuments historiques de l’Algérie, Alger, Constantine et Oran, Touring Club de France, Paris, 1902.
(52) et (53) Station balnéaire de Fort-de-l’Eau, station balnéaire maritime d’été, villas à bon marché, imprimerie de la Revue Algérienne, Alger, 1895.

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