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Rubrique Reportage

BOUIRA Voyage au cœur d’une safranière

Reportage réalisé par Yazid Yahiaoui
Vous avez une petite parcelle de terre, ou juste un petit jardin ? Qu’importe que cette terre soit riche ou pauvre, noire ou blanche ; une plante peut s’adapter à tous les sols et deviendra au bout de trois à quatre ans, une véritable mine d’or. C’est le safran. Vous pouvez créer une safranière sur la fenêtre de votre maison, elle deviendra en quelques années, une source de revenus inestimable. Disons-le vite : un kilo de safran coûte quelque chose comme 2 millions de dinars. En France, la même quantité vaut jusqu’à 30 000 €. Excusez du
peu ! C’est que ce n’est pas sans raison que les safraniers l’appellent « or rouge ».
L’histoire qui va suivre est celle d'un jeune homme, universitaire de son état, Kouceïla Rahal, qui a été initié par son père à la culture du safran et qui est devenu, en l’espace de 5 ans, l’un des principaux producteurs de safran à l'échelle nationale. C’est aussi l’un des membres de l’association pour la promotion de la culture du safran répartie à travers les 26 wilayas, dont le siège national est à Bouira.
En ce 15 novembre 2020, sur invitation de Kouceïla, nous nous sommes rendus à la safranière des Rahal pour assister à la récolte du safran. La plantation se trouve au village Ighrem, dans la commune d'Ahnif, à 30 kilomètres à l’est de Bouira.
Chemin faisant, nous nous attendions à des hectares de culture, qui ressembleraient, à s’y méprendre, à un champ de blé. Erreur. Sur place, nous avons découvert un tout petit espace de quelque 500 m², disposé en lignes de 25 mètres de long sur 20 mètres de large. Les plantes sont séparées de 10 centimètres l’une de l’autre, alignées en parallèle, espacées à leur tour de 20 centimètres chacune.
Sur place, deux jeunes ouvriers, ôtaient les fleurs et les plaçaient délicatement dans des corbeilles en roseaux ; en prenant le soin de les compter. Pour le visiteur non averti, la parcelle nous paraît petite. Mais gros elle rapportera. Sa valeur est inestimable ! Les Rahal ont choisi le système du goutte-à-goutte pour imbiber le sol.

Kouceïla répond à nos questionnements, et nous indique que les deux ouvriers que nous venons d’observer sont là au petit matin, au moment où les fleurs éclosent, pour les cueillir une à une. Dès l’aube, et avant même qu’elles s’ouvrent, ils entament la cueillette. Et si possible avant même leur éclosion pour que les stigmates soient bien entretenus à l’intérieur des lobes. C'est dire, que plus la surface est grande, plus la main-d'œuvre devient importante et il faudrait la mobiliser, bien avant la floraison, qui s’étale sur 3 semaines maximum, du début à la fin novembre.
Aussitôt les fleurs enlevées, elles sont acheminées vers la maison, ou vers un garage où elles doivent être étalées sur une grande table et émondées très délicatement à la main, pour ne pas abîmer les pistils qu'on entrepose sur des feuilles blanches, pour être bien aérés. Le soir, les feuilles sont placées sur un fourneau allumé à feu doux, pendant toute la nuit pour permettre aux pistils un séchage complet, avant de les mettre au petit matin, dans un pot en verre, hermétique en prenant le soin de le débarrasser de l’humidité. Le pot sera maintenu dans une température ambiante pendant au moins deux mois pour que l’arôme du safran soit maturé. Ce n'est qu'après deux mois, que le safran sera prêt pour la vente.

Comment un rêve devint réalité
Mais, pour réussir toute cette entreprise, il a fallu bien des apprentissages, des stages pratiques sur place au niveau d'une safranière. Et beaucoup de va-et-vient. Bien entendu, cela s'est fait par la mise en contact avec un réseau de producteurs de safran à l’échelle nationale et internationale.
Kouceïla qui a perdu son père Rachid le 19 septembre dernier après deux mois de combat contre la maladie, nous racontera comment ce père si cher et avec lequel il entretenait une relation d’ami plus que de paternité, s’est lancé dans cette production.
Ce fut par pur hasard, au printemps 2016. Rachid qui est un agriculteur très cultivé et instruit, trouva un jour dans un champ, une plante très odorante, qui exhalait de loin, une odeur enivrante. En rentrant chez lui à la maison, il commencera à faire des recherches sur Google et il finit par tomber sur cette plante ; le carthame. En poursuivant ses recherches, il apprendra que celle-ci est voisine du safran mais, la plante la plus adulée des herboristes et surtout des marchands d’épices est le safran. Et en approfondissant ses recherches sur le safran, il finira par découvrir ce réseau de safraniers qui existait déjà en Algérie avec le leader incontesté, Rouibi Abdellah de Khenchela à qui il rendra aussitôt visite. Celui-ci était déjà lancé dans cette culture en ramenant les premiers bulbes de France et petit à petit, il finira par cultiver plus d’un hectare de safran. Quant à Rachid, vu sa curiosité et son amour pour cette plante, il finira par acheter auprès de Abdellah Rouibi qui l'a, certes, encouragé à se lancer dans cette culture, un kilo de bulbes de safran pour une valeur de 10 000 dinars.


C’était vers fin août 2016. Deux mois plus tard, alors que les bulbes avaient germé depuis plus d’un mois avec l'apparition de feuilles touffues et élancées, les premières fleurs ont éclos. « Ce fut un véritable moment de joie. De jubilation », se souvient Kouceïla. Le père cueillait chaque jour les fleurs qui s’ouvrent, mais au bout qu'une semaine, n'en pouvant plus tout seul, toute la famille s'était mise de la partie avec le concours de l'épouse et des enfants, garçons et filles. Et même à un certain moment, les cousins et les proches parents ont été mis à contribution. Le tout dans une ambiance festive, indescriptible, tant durant la cueillette sur le champ qu'à la maison durant l'émondage.
Tout cela se fait chaque année et pendant uniquement trois semaines. Gare à celui qui raterait ce moment de floraison ou qui ne se serait pas préparé convenablement pour la circonstance. Le labeur d'une année s'évaporera, complètement. Enfin... pas complètement puisque, en plus des pistils à récolter ; après la fin de la floraison, les champs du safran continueront à être arrosés pendant plus de deux mois supplémentaires pour permettre aux bulbes qui ont donné les fleurs et qui devraient mourir, de se multiplier en donnant d'autres petits bulbes dont le volume dépendra justement de la façon dont le sol est entretenu avec l’enlèvement des mauvaises herbes que le safran ne supporte plus, ensuite la quantité d'eau prodiguée. « Le soir, mon père les sèche sur le fourneau en les laissant pendant toute la nuit avant de les récupérer le lendemain matin, et les mettre dans un pot en verre et le fermer aussitôt.»
Pour la première année, ce fut une maigre récolte, à peine quelques dizaines de grammes de safran pur.
« Mais c’était déjà cela », se rappelle Kouceïla qui nous apprend, toujours à notre grande stupéfaction, qu’en terme de prix ; « des dizaines de grammes », voulait dire… « plusieurs millions de
centimes ».


Kouceïla qui se passionnera également pour cette culture accompagnera son père partout en quête de savoir, de connaissances et de nouvelles techniques. Il voyagea à travers plusieurs wilayas ; Tissemsilt, Saïda, Khenchela, Sétif, Djelfa, ... Partout où le safran pousse. Et celui-ci comme nous l’avons dit plus haut s'adapte à tous les sols. Et chose plus importante plus le sol est dépourvu de fumier ou tout autre engrais chimique, plus l’épice est d’un goût exquis.
Il suffit de l’arroser convenablement à partir de fin août, début septembre, au moment où les températures nocturnes descendent à moins de 17°C, c’est-à-dire, une température qui réveille le bulbe qui est en état de dormance entre avril et août, pour un début de germination et de frondaison. Une période qui nécessite un arrosage régulier et, lorsque les eaux pluviales viendraient à manquer ou insuffisantes, cela devrait être compensé par des apports externes en eau grâce au forage familial.
Après cinq à six semaines voire sept, soit aux environs fin octobre-début novembre, alors que les bulbes avaient déjà donné des feuilles bien touffues, la floraison commence avec l’apparition des premières fleurs.
Et là, c’est un véritable branle-bas de combat puisque, au fil des jours, le nombre de fleurs augmente pour atteindre au bout de 10 jours, le pic, avec des dizaines de milliers de fleurs à cueillir durant la même journée, sous peine de les perdre et de perdre le labeur d’une année…
Aujourd’hui, Kouceïla qui est devenu, du vivant de son père déjà, l’un des passionnés de cette culture, comprend jusqu’au menu détail, comme par exemple le nombre de feuilles à cueillir pour obtenir un gramme de safran. « Il faut entre 250 et 300 feuilles qui ont chacune entre 3 et 5 pistils, soit près de 900 pistils pour avoir 1 g de safran », dira-t-il non sans indiquer immédiatement que ce gramme coûte quand même 2 000 dinars. Et c’est là, l’un des secrets du prix excessif de cet épice. « En France, le safran se vend jusqu’à 30 000 € le kilo. En Algérie, jusqu’à 5 millions dinars au détail, et 2 millions dinars en gros », dira-t-il non sans rappeler que pour avoir un kilogramme de safran, il faudrait de la patience et surtout, avoir de la passion pour cette culture très très délicate, et nécessitant une main-d’œuvre spéciale. Des gens qui doivent avoir des gestes bien souples tant pour la cueillette que pour l’émondage.
Et c’est pour toutes ces raisons que le safran est surnommé « or rouge » puisque quelques dizaines de grammes de pistils récoltés et c’est déjà des millions de centimes de gagnés.
Cela étant, après la première récolte, et avec l’entretien continu du petit espace cultivé, il y a une autre récolte du mois d’avril-mai. Il s’agit des bulbes que l’on arrache après la mort complète des feuilles. Les bulbes sont récupérés et gardés dans des enclos à une température ambiante, en attendant leur plantation dans une autre parcelle comme, l’a déjà fait Kouceïla qui possède une autre parcelle de plus de 1 000 m² du côté de la localité Douba, à quelque 6 kilomètres plus à l’est, à partir de la première parcelle ; soit pour la vente pour d’autres personnes désireuses de se lancer dans cette culture et auxquelles, Kouceïla et l’association, assurent un accompagnement durant toutes les étapes pour garantir une réussite certaine aux nouveaux adhérents.
Car, ce qu’il faut savoir, c’est que contrairement aux premières années où les safraniers se débrouillaient tous seuls pour écouler leur marchandise, aujourd’hui, l’association pour la promotion de la production du safran qui vient de bénéficier d’un siège à la Chambre d’agriculture de Bouira, a créé un bureau spécial pour la commercialisation du safran ; chose qui facilitera le contact entre ses adhérents, les herboristes et autres marchands d’épices. « Ceci, en attendant d’étendre la commercialisation vers l’étranger en proposant le safran algérien qui est très côté, dans le marché mondial », dira encore Kouceïla.
Kouceïla qui est sur tous les fronts ces derniers jours, nous apprend que la récolte de cette année s’annonce très bonne avec les deux parcelles de la famille. Il nous apprend également que la récolte de l'année dernière était de 480 grammes et que les dernières quantités, soit 133 grammes ont été vendues en septembre dernier à un marchand d'épices venu spécialement de Ghardaïa.
Mais plus que cela, il nous apprend une autre nouvelle qui vient égayer le foyer des Rahal qui vit depuis septembre, le chagrin après la perte cruelle de leur père Rachid. Kouceïla est devenu début novembre, moins d’un mois plus tard, soit le 16 octobre dernier, le papa d’un joli poupon prénommé… Rachid.
Que du bonheur Inch’Allah !
Y. Y.

Le safran : propriétés, bienfaits de cette épice
Epice légendaire et rare, le safran est une plante médicinale utilisée depuis près de 5 000 ans dans les plus grandes médecines traditionnelles du monde ; Maroc, Espagne, Inde, Chine, … Dans les textes anciens ayurvédiques de l’Inde, le safran est comparé aux souffles des Dieux qui imposent leurs mains sur les corps des souffrants pour guérir les maladies incurables, les peurs et les dépressions.
Plus près de nous, la médecine moderne qui s’est penchée sur les vertus de cette plante et plus particulièrement son épice composée de stigmates, que l’on récupère, comme on l’a vu, par émondage et séchage, plusieurs propriétés thérapeutiques ont été prouvées.
Le safran est, en effet, tonique et combat l’asthénie, la fatigue et le surmenage. Il aide aussi à la récupération après le sport. Il est antidépresseur grâce au safranal contenu dans ses parties volatiles, et agit sur le système nerveux, traite les insomnies, car il est légèrement sédatif, tout en étant précieux en cas de dépression légère, de stress, d'anxiété et de fragilité émotionnelle. Le safran est également emménagogue ; il est indiqué dans le traitement des douleurs menstruelles. Digestif et hépatique, l’épice stimule le foie, atténuant notamment les effets de l'alcool. Hypocholestérolémiant, le safran permet de lutter contre l'excès de cholestérol et participe à la prévention des accidents cardiovasculaires…
En cuisine, pensez à moudre votre safran si vous l'avez acheté en filaments. Ajoutez le safran à mi-cuisson pour qu'il ait le temps de développer ses saveurs sans pour autant les atténuer avec une cuisson trop longue.
Le safran donnera une coloration très jaune à vos plats. Vous pourrez l'utiliser pour préparer une paella, une bouillabaisse ou le fameux risotto à la milanaise. Il se marie très bien avec les plats de poissons, les fruits de mer et avec le riz de façon générale. Il est souvent associé à d'autres épices dans la composition du ras el hanout qui est un ingrédient du couscous.
Source : https://www.doctissimo.fr/html/sante/phytotherapie/plante-medicinale/safran.htm

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