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Rubrique Retraite

Systèmes de retraite dans le monde Faut-il unifier les régimes ?

Experte des systèmes de retraite dans le monde, l’économiste de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques, dite aussi organisation des pays riches), Monika Queisser considère que si la plupart des pays développés ont effectué des réformes, celles-ci sont de nature très variable.
Monika Queisser est chef de la division des politiques sociales à l’OCDE. Elle a participé à la publication du rapport de l’OCDE «Pensions at a Glance 2019» («Panorama des retraites 2019», non traduit), qui fait un point statistique et analytique sur les systèmes de retraite des 36 pays membres et ceux du G20. Pour elle, la plupart des pays de l’OCDE ont, en effet, mené des réformes au cours des dernières décennies, mais elles sont extrêmement diverses, portent sur des paramètres différents (âge de départ en retraite, montant des cotisations ou des pensions versées, parts respectives des caisses publiques et privées, etc.) en fonction des systèmes préexistants et des projections démographiques ou économiques nationales. L’un des objectifs de la plupart des réformes a été d’unifier des systèmes jusque-là disparates, offrant des modalités d’ouverture de droits et de versement de pensions différentes selon les statuts, les professions… Ce qui créait d’importantes difficultés pour les «polypensionnés», c’est-à-dire les travailleurs passant d’un système à l’autre au cours de leur carrière, mais aussi des inégalités difficiles à justifier, par exemple lorsqu’un travailleur exerçant le même métier dans les mêmes conditions touche des pensions différentes selon la caisse de retraite dont il dépend. Pour le bon fonctionnement, pour combattre ces inégalités, l’unification autour d’un système unique, soit par leur fusion, soit par leur harmonisation, est effectivement souhaitable. C’est ce qu’ont fait la plupart des pays.
La France est, avec l’Allemagne, la Corée et la Belgique, l’un des quatre pays où il existe des régimes complètement différents pour les fonctionnaires et pour les salariés du privé. En Allemagne, si ces derniers relèvent tous du même régime, il existe 89 régimes spécifiques pour les indépendants — un par profession. Or, 70% des indépendants (les artisans, les commerçants, les travailleurs de plates-formes) n’ont pas de retraite obligatoire, ou des pensions très faibles ; en revanche, les 30% restants relèvent de caisses parfois en large excédent (médecins, avocats, architectes…).

Qu’en est-il de l’âge effectif de départ à la retraite ?
Quand on lui demande si l’élévation de l’âge légal de la retraite est aussi un objectif commun de ces réformes, voici ce que Monica Queisser répond : «Oui, pour la plupart. Il y a vingt ans, quand on regardait le schéma de répartition de ces âges légaux autour de la barre des 65 ans, le plus grand nombre était en dessous ; aujourd’hui, la plupart sont au-dessus… La Suède vient de passer le premier seuil légal d’âge volontaire de départ de 61 ans à 62 ans, l’âge de départ obligatoire de 67 à 68 ans et va lier ces bornes à l’espérance de vie.» Mais elle reconnaît cependant que sur l’âge effectif de départ à la retraite, elle n’a pas toutes les données sur l’âge de liquidation des droits à la retraite de chaque travailleur. En revanche, nous connaissons l’âge effectif de sortie du marché du travail, quelle qu’en soit la cause : retraite, mais aussi maladie, handicap, inactivité, etc. C’est en France, avec le Luxembourg et la Slovaquie, que cet âge est le plus bas : 60,8 ans en moyenne. L’élévation de l’âge légal a indubitablement des effets sur l’âge effectif : le taux d’emploi des seniors a beaucoup augmenté en Allemagne après l’avancée de l’âge légal à 67 ans.
Mais, attention dit-elle, «la réforme n’explique pas tout». Dans le cas allemand, par exemple, c’est aussi parce que le taux de chômage est très faible et que les femmes âgées se sont présentées plus nombreuses sur le marché du travail, que l’âge effectif a augmenté.
En Finlande, l’élévation du seuil a été accompagnée d’importants investissements publics dans la formation des seniors et d’aides aux entreprises qui embauchent des seniors à temps partiel.
En revanche, dire qu’inciter les seniors à travailler plus longtemps empêche l’embauche des jeunes est faux : les postes qu’occupent les seniors et les jeunes sont rarement interchangeables. En France, le chômage des jeunes est élevé et le taux d’activité des seniors faible.

Objectifs financiers des réformes
A propos des objectifs financiers qui motivent ces réformes, l’experte de l’OCDE répond que c’est le cas dans la plupart des cas, mais selon des approches très différentes. Certaines sont liées à des projections démographiques anticipant l’augmentation des coûts du vieillissement, et pas à un déficit présent. Si l’on prend les trois paramètres possibles d’un ajustement financier (augmenter les cotisations, diminuer les pensions, élever l’âge légal), les choix sont divers.
Dans les pays du Sud comme l’Italie, la Grèce, l’Espagne et le Portugal, des réformes longuement discutées ont été rapidement mises en œuvre en raison d’une crise des finances publiques liée en partie à d’autres facteurs : on ne pouvait tout simplement plus payer les retraites, et ce sont donc les pensions qui ont été diminuées, en Grèce par exemple. En Allemagne, où l’économie du pays est basée sur l’export, il est impensable d’augmenter les cotisations au risque de perdre de la compétitivité : c’est l’âge légal qui a été le paramètre d’ajustement. Mais de ce fait, les cotisations ne suffisent pas à financer le système.
C’est donc la subvention publique (l’impôt) qui comble le déficit, à hauteur de 20% du coût total des retraites des Allemands !
En Autriche, le gouvernement a décidé que la part du PIB (Produit intérieur brut) consacré aux retraites resterait une priorité face au vieillissement de la population : on ne veut pas toucher aux pensions. On le voit, la notion de déficit est toute relative. Il s’agit avant tout d’un choix politique.

Les assurances privées aux aguets
Est-ce les réformes des retraites un peu partout dans le monde qui ont conduit à augmenter la part des assurances privées, aux dépens du système public ? Pour Monica Queisser, «là encore, la situation varie d’un pays à l’autre». Certains pays, comme les Pays-Bas, la Suisse, les Etats-Unis, ont toujours eu une grande part d’épargne privée. Certaines réformes ont introduit une incitation à l’épargne privée là où elle était faible ; d’autres en revanche ont visé à limiter les risques qu’elle implique, en particulier avec la baisse de rendement consécutive à la crise de 2008. Dans les pays de l’est de l’Europe, une expérience de privatisation a été tentée après la chute du communisme, à l’exemple du Chili de Pinochet. A côté d’une composante publique faible, ils ont donc rendu obligatoire l’épargne individuelle placée auprès d’assureurs privés. Mais, après la crise financière de 2008, s’est produit un brutal retour en arrière. Tout d’abord parce que, faute de cotisations, ce qui restait du système public exigeait de plus en plus de subventions ; ensuite, parce que les rendements de l’épargne privée s’étaient effondrés ; enfin, parce que les frais de gestion prélevés par le secteur privé étaient très élevés.
L’Estonie, la Pologne, la Hongrie et la République tchèque ont rendu l’épargne privée volontaire, et non plus obligatoire, afin de financer le système public. En bref, selon elle, «il n’existe pas de ‘‘bon’’ système de retraite, en ce sens qu’aucun d’eux ne peut résoudre les problèmes du marché du travail spécifiques à chaque pays. Ils n’en sont la plupart du temps que le reflet»!

Les réformes menées ont-elles appauvri ou enrichi les retraités ?
Voici la réponse de l’experte de l’OCDE à cette question : «Nous avons calculé, pour chaque pays, le montant des pensions des personnes qui, entrant aujourd’hui en emploi, travailleraient jusqu’au moment où elles auraient accès à la retraite sans décote. A cette aune, il faut noter que l’amélioration du taux d’emploi des seniors a un effet positif puisque, en cotisant plus longtemps, on améliore le niveau de pension. A condition que l’âge d’entrée sur le marché du travail, lui, ne recule pas, et que soit donc réglée la question du chômage des jeunes ! Si, en moyenne, les taux de remplacement ont diminué, les situations sont très variées. Par exemple, cela paraît contre-intuitif, mais le système public suisse est l’un des plus redistributifs : la cotisation est proportionnelle au revenu sans plafond alors que la pension, elle, est plafonnée à un niveau relativement modeste.
Autrement dit, les riches cotisent énormément pour recevoir une pension très inférieure à leur revenu — d’où leur recours à l’épargne privée. En Nouvelle-Zélande, le système public paie à tout le monde, à partir de 65 ans, la même pension forfaitaire équivalente à 40% du salaire moyen. Ceux dont le revenu était inférieur à cette somme sont donc gagnants, et inversement pour ceux qui gagnaient beaucoup plus.»
Fin de citation.
Synthèse par Djilali Hadjadj
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