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Amar Ghoul au procès de Ali Haddad : «J’appliquais les directives de Bouteflika»

Dans la salle d’audience réservée au jugement de l’affaire Haddad, un nom a, une nouvelle fois, résonné très fort hier, celui de Abdelaziz Bouteflika, cité par Amar Ghoul qui affirme avoir été uniquement exécutant de son programme.
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Ghoul est le septième et dernier ministre à défiler à la barre en ce troisième jour de procès. Avant lui, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal se sont défendus en expliquant qu’ils s’étaient attelés à appliquer le programme présidentiel, ce qu’il a fait à son tour, allant un peu plus en détails. «Je n’ai fait qu’appliquer les directives du Président Abdelaziz Bouteflika, de son Premier ministre et du gouvernement. Je n’avais aucun pouvoir de décision et encore moins le pouvoir de refuser des instructions ou refuser l’application du programme présidentiel», assène-t-il, d’emblée.
Voici en substance ses réponses aux différentes questions du juge : «Le projet routier de Djen Djen a été octroyé après mon départ, je n’ai aucun lien avec le terrain de Annaba, je n’ai pas autorité pour refuser les directives de Bouteflika. En ce qui concerne l’autoroute Est-Ouest, le projet est resté suspendu durant un long moment, le groupe Haddad est un géant dans le domaine. Il en est de même pour le projet routier Lakhdaria-Bouira, j’ai suivi les instructions du président de la République qui voulait qu’on encourage les entreprises privées, ses instructions disaient que si le coût du projet était inférieur à dix milliards de DA, il fallait qu’ils passent par le Conseil du gouvernement, dans le cas où le montant était plus élevé, le projet devait passer devant le Conseil des ministres. Cosider avait demandé 11,1 milliards de DA puis 10,7 milliards de DA, ce qui avait été refusé. Le 14 mars 2012, Abdelaziz Bouteflika avait adressé une instruction pour hâter la réalisation des projets qui avaient pris du retard.»
Le juge lui répond à son tour : «Abdelaziz Bouteflika donnait des instructions générales ou s’immisçait-il dans les détails ? Saviez-vous que le projet ferroviaire de Tizi-Ouzou/Oued-Aïssi a été refusé par Amar Tou» ? Ghoul se défend : «Les instructions venaient du Premier ministre, je les ai appliquées.»
Peu de temps auparavant, le juge avait procédé à l’audition de Kadi Abdelkader, ex-ministre des Travaux publics. La séance est courte.
Le juge : «Des travaux routiers sur 75 km pour 50 millions de DA, pour le projet routier relié au port de Djen Djen, le DG de l’Agence nationale des routes a déclaré que vous aviez accordé des rallonges en euros ou en dollars.» Abdelkader Kadi nie puis déclare : «Il y avait des instructions du Premier ministère pour agir dans les projets qui avaient pris des retards.»
Avant lui, des témoins avaient défilé à la barre. Le premier n’est autre que l’ancien responsable de la jeunesse et des sports dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Oultache est soupçonné d’être lié au projet de construction du nouveau stade de football. Le procureur de la République a fait état de liens entre ce dernier et Ali Haddad. Il en veut pour preuve l’existence d’une conversation téléphonique dans laquelle il demandait à Haddad d’intervenir pour que ses deux enfants puissent être inscrits au Lycée international Alexandre-Dumas.
Le mis en cause répond : «J’ai fait cette demande car je savais qu’un des acteurs du FCE était membre d’Alexandre-Dumas». Le procureur poursuit : «Cette demande coïncide avec l’obtention du projet de Haddad.» Oultache s’écrie alors : «Je n’avais pas le pouvoir d’accorder des projets. Quant à Haddad, il ne m’a même pas répondu.»
Audition de Slimani Mohamed, ancien wali de Annaba. Le juge l’interroge au sujet d’un terrain octroyé à Haddad dans la zone de Berrahel avant même que le projet ne lui soit officiellement accordé par les autorités compétentes. «Le Conseil national de l’investissement n’intervient que lorsque les projets dépassent les 1 milliard de centimes… Le wali d’El-Bayadh a demandé à abriter Haddad dans la résidence d’État lors de son déplacement.»
Mansour Abdallah, ancien wali d’El-Bayadh, nie tous les faits qui lui sont reprochés et impute la responsabilité de l’octroi à Haddad d’un terrain de 3000 hectares à la Direction des services agricoles».
Deux questions suivent, l’une du juge qui l’interroge sur la nature de ses relations avec Haddad et l’autre du procureur qui lui demande s’il lui avait demandé d’être logé à Club-des-Pins. Le concerné nie la dernière demande mais ne parvient pas à justifier la signature d’une autorisation d’octroi d’un terrain de 50 000 hectares. «Il n’y avait ni téléphone, ni pressions, les instructions venaient de la présidence de la République», explique-t-il.
La veille, Amara Benyounès avait clamé lui aussi haut et fort son innocence, affirmant être totalement étranger à l’affaire Haddad. «J’ai été auditionné le 13 juin 2019 par un juge qui m’informait que j’étais poursuivi dans ce dossier, je lui ai demandé quelle était ma relation, il m’a dit la cimenterie de Relizane, après 15 minutes, il m’a fait savoir que j’étais sous mandat de dépôt. Il ajoute, il n’y a pas d’usine à Relizane, je n’étais pas ministre de l’Industrie mais du Développement industriel. Le volet minier était rattaché au ministère de l’Industrie, quelques mois après les faits reprochés dans ce dossier, j’ai été nommé ministre du Commerce, l’expertise a prouvé mon innocence, où est l’argent dilapidé, ou l’abus de fonction ?»
Amara Benyounès, ancien président du MPA, Mouvement populaire algérien, est soupçonné d’être lié à l’octroi d’un projet de construction d’une cimenterie à Relizane. Sa réalisation était liée à des travaux d’extraction de deux éléments importants, du calcaire et de l’argile disponibles dans des souterrains situés non loin de cette région.
Haddad parvient à obtenir un permis d’exploitation minière, qu’il paye à 12 millions de DA, mais ne s’en sert pas. Le projet lui est donc retiré, quelques années plus tard, et accordé à une société nationale, GICA, pour parer au besoin pressent en ciment qui se fait ressentir dans le pays. GICA table uniquement sur la construction de la fameuse cimenterie et établit un partenariat avec une entreprise chinoise pour procéder à l’exploitation minière.
Pour des raisons inconnues, le projet ne démarre, cependant, jamais. Haddad réapparaît alors et tente de reprendre l’affaire en main. Nous sommes alors en 2014. Il tente sa chance auprès de Youcef Yousfi (ministre de l’Énergie) qui refuse sa demande puis auprès de Amara Benyounès qui se trouve à la tête du ministère du Développement industriel. Un réaménagement des fonctions ôte le secteur des mines aux attributions de ce dernier. Son avocat affirme qu’il a refusé de redonner le projet à Haddad. Sollicitée par ce dernier, la présidence refuse aussi. La fin 2014 marque cependant un tournant dans l’affaire. Abdelmalek Sellal est nommé Premier ministre et Abdeslam Bouchouareb succède à Amara Benyounès. Ali Haddad réapparaît à nouveau, Bouchouareb lui accorde ce qu’il désire avec, cette fois, l’accord de la présidence de la République.
Les auditions de tous les prévenus ont officiellement pris fin en milieu d’après-midi.
A. C.

Lourdes peines requises contre Ouyahia, Sellal, Ghoul et Haddad
Le procureur a requis, hier en fin d’après-midi, des peines très lourdes à l’encontre de Ali Haddad, Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal et Amar Ghoul. Il a demandé une peine de 18 ans de prison à l’encontre de l’ancien patron de l’ETRHB, 15 ans pour les deux anciens Premiers ministres, et 12 ans de prison à l’encontre de l’ex-ministre des Travaux publics.
Le procureur a déclaré que Ali Haddad avait mis à profit ses relations avec les deux anciens Premiers ministres jugés dans cette affaire unique dans l’histoire, qu’il avait aussi eu droit à des avantages portuaires grâce à des ministres. Il s’agit d’une atteinte flagrante au code maritime, dit-il, et une journée entière ne pourrait suffire à citer les détails de tous les marchés.
Il cite également les anciens walis dont celui d’El-Bayadh, qui a signé la décision d’octroi d’un terrain de 50 000 hectares, et l’ancien wali de Annaba qui a élargi un terrain en débordant sur une parcelle de terre agricole.
Il annonce également que le dossier de l’ancien wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, a été transmis au tribunal de Tipaza pour jugement.
Le représentant du ministère public a rappelé enfin que Haddad s’était chargé du financement de la campagne pour le cinquième mandat, ajoutant que le montant récolté, 75 milliards, avait été transféré sur les comptes de son groupe et que le remboursement n’a eu lieu qu’après ouverture d’enquête. Les preuves de l’inculpation des prévenus sont tangibles, dit-il.
A. C.

Les chiffres avancés par le Trésor public
Nous sommes dans un procès historique, a affirmé hier l’avocat du Trésor public, en raison de la qualité des inculpés, des hauts postes de responsabilité mais aussi des sommes incroyables dilapidées. Me Zakaria Dahlouk a fait savoir que Ali Haddad avait acquis :
57 biens répartis à travers 19 wilayas provoquant ainsi une perte de 1 000 milliards de DA au Trésor public ;
452 crédits bancaires, dont 80% auprès des banques publiques, ce qui a coûté 11 000 milliards de centimes au Trésor public ;
257 marchés publics entre 2000 et 2019, occasionnant des pertes s’élevant à 100 000 milliards de DA.
Selon Me Zakaria Dahlouk, Ali Haddad avait établi un partenariat avec des entreprises étrangères dans le but de pouvoir transférer de grandes sommes de devises grâce à la méthode de surfacturation.
A. C.

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