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Rubrique Société

Été et fiesta La pollution sonore au rendez-vous

D’année en année, les traditions liées au mariage se développent. Le seul point qui n’a pas changé est le bruit ! Bien au contraire, les sources de tonalité ne cessent de se diversifier et les décibels montent en flèche, provoquant une pollution sonore de plus en plus importante à la limite du supportable. Du Dj de la salle des fêtes, en passant par les klaxons des véhicules, les parades des deux-roues jusqu’aux pétards ! Les tympans ont de quoi exploser. Les Algériens s’y habituent à contre-cœur et se posent une question : quand cela va s’arrêter !
 

«Le soir cela me réveille en sursaut !», «mon bébé a été réveillé par les pétards», «la sieste de l’été qui est sacrée nous n’ y avons plus droit». Ce sont les propos de personnes qui, par la force des choses, sont contraintes «de se taire et de subir». «Nous sommes contents pour ces jeunes couples qui se marient, nous leur souhaitons tout le bonheur. Mais quand même, leurs familles et amis doivent respecter les gens. Les klaxons dans la rue à n’importe quelle heure de la journée, les embouteillages et les conduites dangereuses qui, parfois, engendrent des drames, sont intolérables. Et maintenant, la nouvelle mode, ce sont les cortèges de motos avec leur tuyau d'échappement conçu pour pétarader au maximum», déplore une maman. 
A se demander s’ils ont une famille pour leur expliquer qu’il y a des malades, des personnes âgées, des bébés, des personnes fatiguées.

Le bruit et la famille algérienne
«Dans les mariages algériens, faire du bruit, danser, lancer des youyous, s’agiter, gesticuler et klaxonner jusqu’à crever le tympan d’autrui, sont les seules manières de prouver aux mariés et à leurs familles que nous partageons leur bonheur. Somme toute, plus on en fait, plus l’on prouve qu’on est heureux pour eux. C’est une coutume. Cela démontre qu’on n’est pas jaloux mais plutôt content», constate Mohamed, sûr de lui. Et apparemment, ce n’est pas loin de la vérité.
Djamila Boutaleb, enseignante-chercheur, a publié dans les cahiers du Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) une tribune intitulée : «Nuisances sonores dans les familles et écoles algériennes : quelle culture du bruit ?» Elle explique que le rôle de la famille puis celui de l’école déterminent en quelque sorte le vécu sociétal, voire anthropologique et culturel de tout un chacun, de tout enfant, de tout apprenant. Ainsi, l’enfant est modulé dès l’enfance au bruit et à sa gestion. Et c’est important de lui inculquer le sens de la pollution sonore. 
«En tant que pollution sonore, le bruit est défini selon les données épidémiologiques internationales, comme une énergie acoustique audible provenant de sources multiples, comme les transports, les bruits domestiques, de voisinage et d’autres. En Algérie, les premières recherches sur l’effet du bruit ont été réalisées dans le cadre de la médecine du travail, portant sur la surdité professionnelle admise par tous les pays et l’OMS comme maladie professionnelle la plus fréquente. Une étude menée en 2006 à Oran, par le Dr Resk-Kallah et ses collègues au Centre hospitalier universitaire (CHU), s’intéressant à une entreprise spécialisée dans le textile, a confirmé cet état de fait , ‘’il est noté l’importance des atteintes auditives parmi les travailleurs qui risquent d’atteindre, avant leur départ à la retraite, le seuil fatidique du déficit auditif fixé à 35 dB, seuil à partir duquel on est reconnu comme malentendant’’», explique cette chercheuse dans son étude.

Prise en charge de la pollution sonore en Algérie
La prise en charge de la pollution sonore en Algérie est quasi-inexistante. C’est pour cela que lors des mariages, où les fêtards actionnent leurs klaxons sans discontinuer, rares, ou quasiment jamais, sont les personnes qui se plaignent auprès des autorités compétentes. A ce sujet, Djamila Boutaleb note : «Quant à la perspective environnementale, nous observons qu’en Algérie, la pollution de l’eau et de l’air paraissent prioritaires par rapport à la pollution sonore qui ne semble pas interpeller comme il se doit de nombreux chercheurs.»
Ceci même si, sur le plan législatif, un décret exécutif a été promulgué en 1993. Il s’agit du décret exécutif du 27 juillet 1993 réglementant l'émission des bruits. Ce décret est composé de 14 articles dans lesquels nous apprenons que les niveaux sonores maximums admis dans les zones d'habitation et dans les voies et lieux publics ou privés sont de 70 décibels (70 DB) en période diurne 
(6 heures à 22 heures ) et de 45 décibels (45 DB) en période nocturne (22 heures à 6 heures).
Que «les niveaux sonores maximums admis au voisinage immédiat des établissements hospitaliers ou d'enseignement et dans les aires de repos et de détente ainsi que dans leur enceinte sont de 45 décibels (DB) en période diurne (6 heures à 22 heures ) et de 40 décibels (DB) en période nocturne (22 h à 6 h)» et que «sont considérées comme une atteinte à la quiétude du voisinage, une gêne excessive, une nuisance à la santé et une compromission de la tranquillité de la population toutes les émissions sonores supérieures aux valeurs limites».
Que «toute personne physique ou morale exploitant des activités exigeant l'emploi de moteurs, d'outils, de machines, d'équipements ou d'appareils générateurs de bruits de niveaux supérieurs aux valeurs limites telles que définies par le présent décret est tenue de mettre en place des dispositifs d'insonorisation ou des aménagements appropriés de nature à éviter d'incommoder la population ou de nuire à sa santé».
Sont interdites les réparations et mises au point des véhicules à moteur et motocyclettes sur tous les lieux publics ou privés lorsqu'elles sont de nature à gêner ou à nuire à la santé du voisinage. Est interdit tout bruit d'animal susceptible de troubler la tranquillité du voisinage lorsqu'il est causé entre 22 h et 6h. 
Les propriétaires et possesseurs d'animaux sont responsables du bruit que ces animaux peuvent causer. Bref, une panoplie de textes réglementaires prévus pour ne citer que ceux-là, mais souvent ignorés par les citoyens , et ceux qui en prennent connaissance ne s’en servent pas pour sanctionner les pollueurs, et par là même, mettre un terme aux désagréments qu’ils induisent.
La proximité du voisinage révèle des traits similaires à ceux signalés ci-dessus dans le milieu familial et scolaire mais aussi ceux spécifiques lors de grands travaux de réaménagement avec des instruments bruyants, proches du seuil de danger à 100 dB dans l’échelle de bruit. 
Les jeux d’enfants dans les escaliers des appartements en immeuble et en cité HLM sont considérés par la plupart des habitants comme des bruits intolérants, sans oublier de noter le bruit produit par des klaxons, de façon générale la circulation routière, ferroviaire et des aéroports, la musique dans les magasins et lors de mariage. 
Les activités de loisirs dans les jardins publics ou quartiers occasionnent également des bruits non négligeables en termes de gêne sonore. Nous constatons qu’en Algérie, le décret 93-184, qui réglemente l’émission des bruits en tant que nuisances sonores, n’est presque pas observé, malgré une notable prise de conscience des bruits comme étant très nocifs pour la santé. 
S. R.

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