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Rubrique Société

GOÛTER D’ANTAN Le rituel du café de l’après-midi existe-t-il encore ?

Dans le passé, ce moment était sacré. Le goûter de l’après-midi était un rituel auquel nos mères et grands-mères ne dérogeaient jamais. Dans tous les foyers, les femmes s’affairaient à préparer un gâteau, des beignets, des «mssemen» ou de la «kesra» , afin d’accompagner ce café de fin d’après-midi.

Qu’on attende des invités ou que l’on soit simplement en famille, ce moment revêtait un charme particulier. Ce n’était pas juste un goûter avalé à la va-vite, mais un moment d’échanges et de convivialité. Que reste-t-il de ce rituel si cher au cœur des Algériens ? Avec la vie moderne, le travail des femmes et les nombreuses obligations du quotidien, prend-on toujours le temps de savourer cette pause qui marque la fin de l’après-midi? «kahwet el 3asr», comme on l’appelait alors, a-t-elle résisté au débarquement de la capsule à café et aux salons de thé « trendy» ? Témoignages.

Un rituel sacré
Zahra, 59 ans, habite la Casbah d’Alger. Pour elle «kahwet el 3asr» est un moment incontournable de la journée. Une parenthèse qui fait partie intégrante du mode de vie des algérois. Cet instant est sacré. «J’ai toujours vu ma mère, mes tantes et mes grands-mères accorder une importance à ce rituel. La matinée, les femmes sont occupées à faire le ménage et à préparer le repas. Dans la foulée, elles concoctent une petite douceur pour le goûter. J’ai perpétué tous leurs gestes. J’habite une “douera” à la Casbah avec d’autres familles. A l’heure du goûter, les hommes sont encore au travail. Alors, avec mes voisines, on pose la “meida” et on partage ce qu’on a de meilleur : “baghrir”, “sfendj”, “mteqba”... C’est un moment volé aux turpitudes de la journée. Nos petits-enfants se réveillent de la sieste. Ils nous entourent. On prend un moment pour échanger et papoter avant d’aller préparer le dîner. C’est un véritable art de vivre.»

Génération capsule 
et machine à café
Le rituel du goûter de 16h est-il le même pour tout le monde ? Lilia, 41 ans, travaille dans une entreprise de télécommunications. «J’ai toujours vu ma grand-mère donner de l’importance à ce moment de l’après-midi. J’étais petite mais je m’en souviens très bien. Avec mes parents et mes sœurs, nous passions nos vacances à Miliana où elle vivait. Le goûter de 16h sonnait comme une cérémonie. Ma grand-mère et mes tantes s’apprêtaient comme si elles allaient sortir. Elles s’installaient au salon après avoir dressé la table. Café, thé, gâteaux, fruits... Il n’était pas question d’évacuer ce moment en avalant un café rapidement. Non, c’était une heure de dégustation, d’échange et de rires. J’en garde de belles images. Avec la vie moderne, il est quasi impossible de reproduire ce rituel. Personnellement, ‘’mon quatre heures’’ se résume à une boisson chaude ou fraîche avalée sur le pouce à la machine à café de l’entreprise avec une ou deux collègues. Par contre, les week- ends, lorsque je ne suis pas de sortie, je prends le temps de me poser au salon, entourée de mon mari, mes enfants et parfois d’amis, pour un goûter convivial. Je n’ai, hélas, pas le temps de préparer des gâteaux à l’ancienne comme le faisait ma grand-mère. Je les achète, et ce goûter convivial prend des allures joyeuses.»

Goûter d’antan 
Les goûters d’antan laissent parfois d’inaltérables souvenirs. Saïd, 67 ans, s’en souvient. «Les goûters de mon enfance résonnent encore en moi comme une belle mélodie. Encore dans les limbes de la sieste, j’entendais le bruit des ustensiles dans la cuisine. Des odeurs de fleurs d’oranger et d’arôme de café chatouillaient mes narines. Je m’étirais comme un chat et allais retrouver ma famille autour de la meïda. Ma mère et ma grand-mère avaient profité de la sieste des enfants pour préparer de délicieux makrouts ou des “sfendj”. 
Le café de 16h était un moment privilégié de la journée. J’en suis très nostalgique. Aujourd’hui, je suis à la retraite. A l’heure du goûter, je suis seul à la maison. Ma femme travaille, deux de mes enfants sont à l’université et mon fils aîné est marié. Je me contente d’actionner la machine à café et retourne me mettre en face de la télévision. Les temps ont changé, et ce rituel si cher à nos cœurs n’existe pratiquement plus avec la génération fast-food».
Il est vrai que la vie moderne a imposé son diktat. La course contre la montre, le travail, les occupations des uns et des autres tendent à faire disparaître ce rituel ancestral. Zahra, 57 ans, tient au rituel du goûter de 16h. «Je ne prépare plus autant de gâteaux qu’avant. Je préfère me reposer, bouquiner ou regarder la télévision. De nos jours, on cède à la facilité en achetant de la kesra, des bradj ou des gâteaux secs pour le café. Toutefois, je perpétue le rituel de “kahwet el 3sr” comme le faisait ma mère de son vivant».
Faute de temps ou pris par la vie active, les algériens qui vivent dans les grandes villes n’ont plus le loisir de profiter de cette parenthèse entre le déjeuner et le dîner. Toutefois, ils se rattrapent les week- ends en accordant toute sa place à «kahwet el 3sr». L’occasion de s’entourer de sa famille pour échanger et partager un moment de convivialité.
Soraya Naili

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