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Rubrique Société

UNE IMMOLATION ET DES INTERROGATIONS À AHMER-EL-AÏN (TIPASA) Tragique épilogue d’une contestation citoyenne

Le récent et dramatique suicide d’un sexagénaire par immolation à l’essence, au cœur de la ville de Ahmer-El-Aïn, une agglomération semi-rurale située à 20 kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Tipasa, a jeté l’émoi parmi la population locale.
Cette riche ville semi-rurale est une ancienne agglomération coloniale, située au carrefour de la plaine de la Mitidja-Centre.
Comment ce drame a-t-il pu avoir lieu ? Selon plusieurs témoignages, la victime serait un père de 3 enfants, qui participait, lors de la matinée de lundi, à un mouvement de protestation en compagnie de plusieurs citoyens de la ville pour dénoncer son exclusion d’une liste de 300 bénéficiaires de logements. Subitement, ce dernier perdit son calme et, par dépit, décida de s’asperger d’essence et de s’enflammer.
Malgré l’intervention immédiate de la Protection civile, du corps médical et des services de sécurité, qui évacuèrent le sexagénaire à l’hôpital de Ahmer-el-Aïn , puis à Douéra, il succomba le lendemain à ses brûlures.
Rappelons qu’une autre action d’immolation a eu lieu au début du mois de janvier 2012 dans cette ville où le jeune B. Mohammed, âgé alors de 30 ans et résidant dans cette ville, avait commis un acte de désespoir en s’aspergeant d’essence près du siège de la daïra de Ahmer-el-Aïn.
Selon les témoins oculaires, ce jeune désespéré passa de la parole à l’acte, en déversant sur lui le contenu du jerrican qu’il avait ramené et soigneusement caché dans un sachet.
Pourquoi de tels événements se produisent dans cette ville semi-rurale à prédominance agricole au cœur de la Mitidja-Centre ?
A ce propos, un ancien élu de cette ville révéla la genèse des problèmes vécus dans la région de Ahmer-el-Aïn. Ce dernier estime que «l'exode rural imposé lors des années noires de l’Algérie et les exactions commises à ce titre ont créé une ceinture de gourbis et d’habitats précaires autour de la ville ,avec son lot de chômeurs ,de désespérés et de violents».
Selon ce dernier, «sur les 76 haouchs recensés à travers la daïra de Ahmer-el-Aïn, cette ancienne localité coloniale à vocation agricole a vu plusieurs actions de proximité récemment engagées en faveur des populations victimes de l’exode rural». Et de poursuivre : «Ces actions consistaient notamment à améliorer les conditions de vie de ces populations victimes de l’exode rural, dont la majorité s’est greffée sur des terres agricoles en causant un véritable déséquilibre et entraînant une croissance urbaine faussant toute l’organisation urbanistique de la région.» Il indiquera également que «les autorités concernées se sont attelées à corriger cette déstructuration du tissu urbain et, partant, du cadre de vie du citoyen, réactivant les instruments d’urbanisme et à hiérarchiser et rationaliser les priorités de l’utilisation des espaces périphériques».
Il ajoutera à ce propos que «la commune de Ahmer-el-Aïn avait, dans un passé récent, bénéficié de 300 logements sociaux, d’un collège, mais aussi de la réalisation d’un important poste de transformation haute tension qui a permis à toute la wilaya de Tipasa de se libérer de la dépendance de la station de transformation de Boufarik , qui alimente la wilaya, et éliminer tous les aléas que comportent les ruptures inopinées d’électricité».
Cette source a, en outre, indiqué que «les années passées ont vu la résorption de l'habitat précaire se tailler la part du lion du fait que sur un programme global de 1700 logements sociaux locatifs prévus pour la daïra de Ahmer-el-Aïn, 250 logements répartis sur 19 bâtiments de hauteur R+5 furent destinés à la résorption de l’habitat précaire pour la commune de Bourkika».
Une autre source souligne que «ce programme social-locatif au profit de Ahmer-el-Aïn a été doté d'une enveloppe d'un montant de plus de 60 milliards de centimes ; ensuite est arrivé un programme de 200 logements sociaux-participatifs qui a été lancé au profit de cette commune avec 14 bâtiments érigés en R+4 ; il s’agissait alors de logements de type F3 dotés de 36 locaux d’une superficie globale de 1 140 mètres carrés construits dans ce cadre».
Une source au niveau de la Wilaya rappelle, à propos de l’habitat précaire, que «la ville de Ahmer-el-Aïn avait bénéficié de deux programmes de 170 logements et de 200 logements sur un quota global pour toute la daïra de 2500 logements».
M. Lahouel, l’ex-maire de Ahmer-el-Aïn, nous a confié à ce propos que «précédemment , un autre programme a été réalisé avec la construction de 500 logements» en indiquant que «cette ville avait bénéficié d’un programme locatif de 1 000 logements dont 236 ont déjà été distribués et 706 logements affectés quelques années plus tard dans le cadre des logements participatifs aidés (LPA)». Toujours sur la résorption de l’habitat précaire (RHP), notre source révèle qu’«un programme de réalisation avait permis la construction de 490 logements». Et d’ajouter que «des logements sociaux au nombre de 300 étaient en voie de construction dans l’attente de l’assainissement de la situation du terrain d’assiette, dont le problème était lié à l’annulation d’un projet financé par une institution financière internationale arabe depuis 1991, et dont le terrain d’assiette se trouverait partiellement occupé», en précisant que «parmi cet ensemble de logements sociaux, 66 familles furent recensées pour être recasées du fait de leur délocalisation d’un site qui aurait été un camp de regroupement colonial (Ex-SAS)».
A la lumière de toutes ces données, des citoyens continuent à s’insurger, en brandissant l’éternelle question «mais où sont partis ces milliers de logements ?»
Cependant le marasme subsiste, de l’aveu même de cet ex-maire qui indique que «la commune est composée de 43 fermes coloniales, devenues, par la suite, des douars et qui sont en fait de véritables agglomérations secondaires avec leurs écoles, leurs centres de soins et leurs structures de proximité». Il ajoutera que «plusieurs de ces fermes ne disposent pourtant pas d’écoles primaires ou bien celles existantes restent insuffisamment dotées de moyens matériels et humains» ; en précisant que «le problème des infrastructures routières de ces fermes réside dans l’état précaire des 40 kilomètres de pistes rurales, que les bus scolaires refusent d’emprunter, sachant que plusieurs de ces fermes sont distantes d’ un rayon de plus de 10 kilomètres du centre de Ahmer-el-Aïn, cela oblige les élèves des cycles moyen et secondaire à effectuer de longs trajets quotidiennement à pied».
Au mois de juillet 2014, le siège de la daïra de Ahmer-el-Aïn avait été mis à mal et empêché d’accès par des citoyens, apprenons-nous.
L’origine de ces revendications citoyennes était liée à la non-prise en charge des doléances et à la délocalisation des habitants des gourbis et ceux des habitats précaires vers les logements nouvellement érigés tel qu’il leur aurait été promis.
Notre source indique que ces manifestants sont issus des habitats précaires et des maisons en toub et en zinc en évoquant des conditions de vie insalubres, à l’origine de maladies et des allergies dues aux eaux usées avec l’amoncellement des détritus.
Houari Larbi

 

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