J’ai commencé, hier, à parler du portrait, sans concession, que fait le journaliste et cinéaste Anis Djaâd, d’une société aux prises avec les bouleversements qu’induit une précarité soudaine. Celle qui prend brutalement à la gorge.
Anis a une manière bien à lui de s’identifier, de signer ses réalisations. Il est un observateur attentif aux problèmes qui sèment le désordre dans les vies au pluriel. Et c’est autour de ces derniers qu’il construit son histoire et aborde les personnages qui vont la faire vivre. Pour coller à la réalité et renvoyer une image exhaustive de ces codes détestables qui vous ruinent une vie en deux temps trois mouvements, le réalisateur s’est choisi pour cadre un village perdu de l’Algérie profonde. Là où l’on juge et condamne une supposée déviance de façon implacable. La vie d’après raconte les mises à mort qu’inspire la rumeur malveillante née de frustrations et d’attentes inassouvies.
Le film, en cours de montage, fait un portrait émouvant de tous les fracas qu’induit le regard lorsqu’il s’en prend à autrui. Pour amener l’œuvre à son terme, le scénario fait parler le dénuement et le qu’en-dira-t-on qui pousse à l’exil lorsque la mère et l’enfant abandonnent la maison qui abritait dignement leur misère et quittent le village pour fuir harcèlement, réprobation et rejet. Un lieu-dit où l’on détourne volontiers son regard accusateur de la vente clandestine d’alcool par le seul poissonnier implanté là, dans ce coin perdu où l’on brandit les codes qui font l’honneur mais où l’on ne s’interdit pas les évasions. Une organisation sociale hypocrite à laquelle se greffe ce qui fait battre le cœur d’un village ou d’une ville, comme la prostitution, l’alcool, les bars clandestins, le monde de la nuit qui se terre jusqu’à la tombée du jour.
Ailleurs, loin des ragots qui leur ont volé jusqu’à leur honneur, Hadjer et son fils s’essaient à une vie plus amicale. Djamil fixe l’horizon la tête pleine de rêves. Vers quel autre exil court l’adolescent lorsqu’il rompt avec sa nouvelle vie ? Contre quels démons se battre quand on s’essaie en vain à l’amour ou que l’on boit pour noyer son impuissance à vivre mieux ?
M. B.
