Je me suis surprise, il y a quelques jours, à comparer, pour leur trouver une ressemblance, les rencontres que l’on fait dans les salles d’attente de médecins et celles dans les taxis. Je reviens toujours avec une pleine délectation à ces occasions qui nous permettent de croiser l’autre dans ces lieux qui brassent autant de monde que de vies différentes.
Au-delà des certitudes selon lesquelles personne ne ressemble à personne, d’étranges similitudes émergent au fil d’un échange. C’est lorsqu’une situation est décrite pareillement par des gens qui viennent, pourtant, à peine de se rencontrer, que l’on admet que les choses vont mal dans telle ou autre société. Il m’est déjà arrivé de raconter comment les femmes s’organisaient pour mieux attendre leur tour chez le médecin. Comment elles s’armaient de patience et contournaient la raison de leur présence là où elles auraient préféré ne jamais se rendre. Il y a quelques mois, ces dernières investissaient non seulement physiquement les lieux, mais prenaient en charge l’atmosphère qui y régnait sans s’embarrasser de la présence masculine. Quand les femmes vont chez le médecin, elles se libèrent de cette pudeur qui leur est enseignée contre leur gré. Il m’est arrivé, aussi, de raconter comment, lorsqu’elles en ont marre de râler et d’aligner les maux qui minent leur quotidien en les énumérant un à un, elles passent à moins pénible, à plus agréable : cuisine, plats de fêtes, gâteaux, Ramadhan, solidarité et belle convivialité entre voisins.
Cette façon de s’adresser à l’autre et de communiquer avec lui sur les choses de la vie, de lui confier ses problèmes, d’échanger des recettes et de parler du temps qui passe est tout à fait méditerranéenne. On oublie, en parlant, que l’on vient là parce que l’on est malade. On évoque à l’occasion le marabout, les saints et le pèlerinage à La Mecque. Il y a le médecin et la spiritualité.
Les deux vont de pair chez les nôtres. Dieu, les bonnes actions et les mauvaises, la fatalité, le tout avec des soupirs suivis de grimaces. Depuis la fois dernière, la tonalité et le contenu ont bien évolué. Les hommes, d’ordinaire discrets, s’en sont mêlés…
M. B.
