Jamais, du plus loin que je m’en souvienne, le rejet de la presse n’a été aussi fort et clairement énoncé ! Les journalistes ? Des traîtres dont on ne veut plus entendre parler. Dans la rue, vous n’avez pas très envie de vous présenter, de dire qui vous êtes, ce que vous faites dans la vie ou ce qu’éventuellement vous aimeriez faire de cette dernière puisque, avec le métier que vous exercez, vous n’êtes plus crédible et, par conséquent, plus le bienvenu dans la sphère publique.
C’est vrai que quand la rue est remontée contre vous, vous n’en menez pas large. Allez lui expliquer que toutes et tous ne sont pas appointés par le pouvoir. Elle ne vous écoutera pas ou trouvera autre chose à vous reprocher. J’ai personnellement commencé par sourire avant de me sentir gênée d’entendre la rue prendre ses distances aussi clairement avec cette dernière.
C’est dur de se voir jeter au visage des accusations dont la violence ne se justifie pas vraiment. Sauf que, et là vous êtes obligés de l’admettre, toutes et tous dans ce métier ne trempent pas leur plume dans la même encre et ne la manient pas avec les mêmes intentions ou le même état d’esprit. Beaucoup d’entre les journalistes qui font l’information au quotidien, ne se sentent certes pas concernés par les slogans qui remettent en cause l’existence dans la profession d’hommes et de femmes qui œuvrent exclusivement pour l’autorité qui règne sur leur portefeuille. Je me souviens des sarcasmes de Bouteflika, à peine élu Président, à ce propos, et du ton cassant emprunté pour dire aux journalistes de la presse publique qu’il ne les payait pas pour qu’ils le critiquent, mais pour faire la promotion de sa gestion. «Je ne les paie pas…», avait-il dit en tapant du poing, comme si le budget alloué à ces derniers était prélevé sur son propre compte bancaire. Il n’a pas plus fait de cadeau à la presse indépendante qu’il a tenté de mater. En vain pour certains grands journaux ! Voilà qu’aujourd’hui, la rue, qui puise l’information auprès de chaînes qui roulent exclusivement pour le système, confond entre le bon grain et l’ivraie. Dommage qu’elle ne prenne pas le temps de faire le tri.
M. B.
