C’est un pays où l’on sollicite les diseuses de bonne aventure pour se sortir de situations embarrassantes, où l’on court les charlatans, faute de propositions plus alléchantes, et les apothicaires-herboristes nouvelle tendance qui fabriquent leurs potions à la chaîne et croulent sous des commandes qui pleuvent de partout. Quand un professeur dont la renommée n’est plus à faire comme le professeur Kamel Bouzid alerte, inlassablement, avec le sentiment de pisser dans un violon, sur la situation plus que délicate de ceux qui souffrent de cancer, on comprend qu’au bord du désespoir, des personnes qui s’accrochent à la vie et n’ont pas envie de céder face à la maladie se tournent vers des médecines parallèles, plus accessibles. Une jeune femme terrorisée à l’idée de perdre sa maman m’a écrit de Constantine, pour me demander l’adresse du charlatan dont je venais de dénoncer les agissements. Après avoir cherché en vain son profil sur Facebook, elle est revenue vers moi pour me supplier de lui communiquer ses coordonnées. J’espère pour sa maman qu’elle pourra faire, autrement !
Dans un pays à l’abandon, les élèves peinent à aller à l’école parce que l’école est loin, qu’il y fait froid et que l’on y étudie le ventre creux. Dans un pays à l’abandon, des enseignants salafistes occupent le terrain, ne désespèrent pas de niveler par le bas le système éducatif et s’inquiètent plus de transformer les lieux où l’on étudie en salles de prière que d’apprendre à leurs élèves à regarder l’avenir de façon plus audacieuse ou de leur apprendre comment se préserver, au mieux, d’un avenir en déclin.
Dans un pays à l’abandon, les micros privilégient ceux qui participent à enfoncer ce dernier avant de nous livrer des solutions bricolées à l’envi.
Un pays à l’abandon est un pays que les siens fuient sans crier gare, sans jamais se retourner et auquel on préfère souvent la mort. Un pays à l’abandon est une entité qui perd ses cadres et les regarde offrir leurs services ailleurs en cachant sa joie et en se réjouissant de se débarrasser aussi aisément de l’unique race susceptible de menacer une «stabilité» à laquelle on veille farouchement.
M. B.