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Rubrique Tendances

Conte pour adulte

Cette nuit, j’ai fait un rêve. Je m’en rappelle très bien. Il paraît qu’on rêve tout le temps. Il paraît aussi qu’on a empêché un chat de rêver, il en est mort, le pauvre. Avant, je raffolais d’une certaine littérature médicale. Plus maintenant ! L’âge n’arrange rien. Bien au contraire, il nous fait toucher du doigt toutes les situations. Et on s’alarme pour si peu. J’ai donc fait un rêve. Un rêve qui s’est imprimé dans ma mémoire. A croire que c’est du vécu. Je m’en vais vous le raconter. C’est presque du Kafka. Autant éloigner les enfants, et les laisser dans leur innocence. 
Dans une bourgade d’une contrée du Sud algérien, un homme des plus banal, comme nous tous, un citoyen de cette bourgade, rencontre dans une de ces promenades quotidiennes un scorpion. Oui, un scorpion ! Comme je vous le dis ! Le scorpion, à l’arrière de sa «kaâkouâ», possède une poche remplie de venin. Mortel, ce venin, dit-on. Jusqu’à présent, il n’y a rien de spécial. Dans cette contrée, le scorpion est endémique. Autant dire qu’il est chez lui ! Un peu comme le singe magot, notre bon macaque. Alors, le scorpion s’est mis en position d’attaque. Ou de défense, c’est selon. Il ne se laisse pas conter. L’homme est son ennemi irréductible. Il le tue à tout bout de champ. Quand il ne prélève pas son venin pour la revente. On en fait du sérum, semble-t-il. «Mais il n’a qu’à le prendre ailleurs, son venin», se dit le scorpion, prêt à dégainer. Dans cette contrée, il se raconte que cet arachnide pique plus vite que son ombre. L’homme, de son côté, a juré de prendre aujourd’hui même sa revanche. Il y en a marre de se faire piquer par cet indésirable. L’homme, athlétique par ailleurs, lui fait une prise à la Bruce Lee ; il prend le scorpion par une de ses pattes et le mord à la partie molle de son corps. Il ressent de la jouissance et de la répulsion, en même temps. Comment peut-il en être autrement ? Bien qu’ailleurs, il est dégusté en brochette, le pauvre insecte. Ce dernier a lancé un cri de douleur qui a fait bouger certaines dunes de cette contrée. A terre, il se tord de douleur. Il crie. Et appelle au secours. C’est quoi  ce rêve ? Un film d’épouvante ? Des gens accourent de partout. Qui prennent le scorpion vers les urgences de l’hôpital du coin. L’homme, après avoir commis son forfait, se dirige, à pas lent, vers le commissariat pour se dénoncer. «J’ai mordu un scorpion», dit l’homme au policier de permanence ; ce dernier, croyant à une mauvaise blague, le fait sortir du bureau, un coup de pied au popotin. Un bon 43 ! Aux urgences, tout le monde s’affaire autour du scorpion. Tension artérielle basse. Vite. Un sérum. Le cœur s’arrête. Massage cardiaque. Appelez un vétérinaire. Il saura quoi faire. Il arrive trop tard le véto. Il constate le décès et signe le certificat. La police débarque de ce fait. Première constatation. Témoins présents. Le coupable ? Bon sang, c’est le gus de tout à l’heure. Il faut aller à sa recherche. Peine perdue. L’homme s’est perdu dans l’immensité du désert. Et le scorpion est à la morgue. La presse nationale, le lendemain, tire à la Une : «Un homme assassine un scorpion.» Comment un hôpital, algérien de surcroît, aux normes américaines, n’a pas réussi à sauver de la mort un scorpion mordu par un homme, d’apparence sain de corps et d’esprit ? 
Dans un rêve, le temps et sa logique sont abolis. C’est comme ça, je n’y peux rien. Tenez-vous bien, je me retrouve à Alger, capitale de l’Algérie. Tout heureux d’être dans cette ville à la propreté irréprochable (ne dit-on pas Alger la blanche ?), je remarque néanmoins un «que’que chose» de presque anormal. Il y a trop de policiers, en civil. Enfin, des policiers «banalisés» ! Principalement, tout autour du plus grand hôpital du pays, et du monde (selon un ancien ministre de la Santé !), Mustapha-Pacha. J’ai été intrigué. Que se passe-t-il ? Un «kemkoum» est-il là pour des examens périodiques ? En ce pays des miracles, tout est possible. A voir le nombre de flics, ça doit être un «kemkoum» de premier rang. En face, à la Place du 1er-Mai, le jet d’eau n’arrête pas de ronronner. Les fleurs tiennent le coup, malgré la canicule de mon rêve. Je rentre au café, à l’angle de la rue Hassiba. Je commande un Ben Haroun. Le serveur, lui, me commande un Vichy. Allez savoir pourquoi ? Un esprit néocolonial, certainement. Je voulais rectifier. Puis, j’ai laissé tomber. Je sais que l’Algérien est très nostalgique. A la table, à côté, des malabars, costumés et cravatés, discutent autour d’un café algérien. J’ai entendu des bribes de leur parlote. J’ai cru entendre «le président suisse est  ici  pour soins» Ai-je bien entendu ? Je n’invente rien. Il est ainsi mon rêve. Chacun fait le rêve qu’il peut. Le mien est ainsi. Oui, le président suisse est à l’hôpital Pacha. C'est-à-dire chez nous ! Dans quelle langue dois-je vous le dire ? En tamazight, variante kabyle ? Oui, la Suisse est chez nous pour des soins. Il faut présenter cette réussite pour asseoir davantage la continuité de la continuité, à savoir le cinquième mandat. Bref, durant trois jours, tout au plus, le président suisse est l’hôte de mon rêve. J’espère que nos toubibs seront à la hauteur de leur réputation. Quoique, si la Suisse a choisi notre pays, c’est parce qu’il n’y a rien à redire. Je sors du café, grisé par l’info, la tête haute, fier d’être algérien. Mon rêve n’en finit de se dérouler, comme un «moussalssel égyptien». Dans les années soixante-dix, on se les bouffait comme de la kémia. Et la parabole, signe de l’impérialisme mondialiste des Occidentaux, est venue nous arrimer vers un ailleurs indéfinissable. Justement, à la télé française, dans mon rêve, au JT de 20 heures, la journaliste, d’un air tragique, annonce une épidémie de choléra du côté de Perpignan. Perpignan ? Je crois que c’est ça. Une épidémie de choléra en France ? Pas possible. Les pauvres voisins ont été contaminés. Je me demande comment ils ont fait pour choper cette maladie d’un temps révolu. La France, pourtant ! Le pays des 400 fromages. Le pays de la gastronomie. Du raffinement à la française. De la plus belle capitale du monde (Perri m’leqwass). De Voltaire. Des droits de l’homme. De Zizou. Les champions du monde, version 2018. De Baudelaire. Le choléra en France ! Même dans mon rêve, il m’est difficile de le croire. Néanmoins, mon rêve étant ce qu’il est, le choléra est en France, sans visa. Notre ministre de la Santé, l’actuel, pas l’ancien, envoie illico presto un avion médicalisé pour apporter aide et assistance à nos chers voisins. Comme il met à la disposition de la France l’Institut Pasteur d’Alger. Et le ministre de la Solidarité met à la disposition de la France un bateau plein de notre eau minérale, puisée directement de la source de Sidi el Kebir, de l’oued El Harrach et de la Seybouse, les sources d’Evian et de Volvic étant contaminées. Depuis 1962, notre engagement est sans faille. Nous aidons les veuves et les orphelins. Et dans ce moment pénible pour nos chers voisins, nous montrons notre grand cœur. A eux de ne pas lésiner sur les visas !
Un proverbe, bien de chez nous, dit : «Tirga mkhelfa». Je ne ferai l’offense à personne ; aussi, je ne proposerai aucune traduction, tamazight étant langue nationale et officielle. Comme je ne vous raconterai pas la gueule de bois de l’après-réveil. J’en parlerai, très certainement, dans une chronique prochaine. Car les rêves se suivent et les réveils ne se ressemblent pas.
Y. M.

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