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Rubrique Tendances

Dans le désordre

Le Hirak a été adoubé. Ça y est, l’Algérie officielle bénit le mouvement populaire du 22 février. Si ce n’est pas une bonne nouvelle, je me demande ce que cela pourrait être. Ça y est, l’Algérie officielle a béni ce sursaut populaire. La preuve, l’Algérie officielle rajoute une journée aux autres journées. Oui, il y a la journée de l’arbre, la journée du handicapé, la journée du chahid, la journée de la femme… Depuis peu, il y a « la journée nationale de la fraternité et de la cohésion peuple-armée pour la démocratie ». Pour une trouvaille, c’en est une ! Le « khawa-khawa » du début « hirakien »  a pris racine dans la prospective de l’Algérie officielle. Quid de la cohésion ? Pourquoi seulement peuple-armée ? Qu’en est-il de la cohésion peuple-police ? Qu’en est-il de la cohésion peuple-gendarmerie ? N’est-ce pas une manière de contrer le mot d’ordre du Hirak, « madania, machi askaria » ? Il y a de cela. Aussi, une journée de plus ou de moins, ça ne règle pas l’espoir de la révolution populaire. Que le Hirak soit béni, ça ne règle pas cette attente, à niveau d’un pays, de la démocratie, et de tout ce qui l’accompagne. En attendant, le Hirak souffle sa première bougie. Une année sans s’essouffler, les Algériens hantent les rues deux fois par semaine, ressassant les mêmes appels, tout en les renouvelant en fonction de l’évolution de la situation politique du moment. J’ai entendu un activiste du Hirak dire : « S’il faut marcher encore vingt ans, nous le ferons », je cite de mémoire. Ça dénote de la rage hirakiste de faire aboutir ce mouvement vers une nouvelle Algérie. Ah, en attendant, le Hirak n’a pas béni l’Algérie officielle et son système ; puisque le mot d’ordre « Yetnahaw gaâ » revient chaque semaine. 
Il fait chaud. Très chaud. J’ai cru lire aujourd’hui 24 degrés Celsius. C’est chaud, non ? Les prières n’ont rien apporté de concret. Ni le pauvre Anzar de l’Ancêtre. Il faut très certainement assurer une troisième prière. On n’a rien à perdre. Et multiplier les sacrifices païens. Vous constatez comme moi, il n’y a pas un nuage complaisant à l’horizon. Juste un tout petit nuage qui se serait égaré au-dessus de nos têtes. Et qui viendrait verser sur notre soif quelques gouttes généreuses. S’il ne pleut pas, l’imam de la mosquée de mon quartier dit que c’est de notre faute ; oui, nous sommes des égarés ; il y a trop de noirceur dans nos cœurs ; on s’est écarté du droit chemin ; on a oublié Dieu. Oui, c’est bien beau ! Mais ça ne règle pas la sécheresse qui risque de nous frapper de plein fouet. Nos robinets vont éructer la soif. Je ne sais pas si ce sont nos prières qui vont régler le problème, ou l’Algérienne des eaux. 
J’ai trouvé pathétique le SOS de la Fondation Casbah. Je partage ce cri. La Casbah est visible ; elle est au centre de la capitale ; elle tombe en ruine, de jour en jour ; cette mémoire urbanistique, plus près du trépas, s’en va à cloche-pied vers l’anéantissement, dans l’indifférence totale. Ce n’est pas pour consoler nos amis de La Casbah, il y a d’autres témoins du passé, qui n’arrêtent pas de partir, comme ça, sans le moindre geste de la puissance publique. J’ai, en mémoire, sans trop titiller mes méninges, le village d’Aït-el-Kaïd, pas très loin de Tizi. Comme La Casbah exactement, ce village s’en va rejoindre l’oubli, l’indifférence, le mépris et l’inculture de nos responsables. Il faut le voir pour croire. Puis, il n’y a pas que ces lieux. Partout, en Algérie, c’est le même constat. Les ksours du Sud vont à rebours de l’Histoire. Le théâtre romain de Guelma n’est que l’ombre de son prestigieux passé. Et la porte de Caracalla de Tébessa. Et les foggaras. Et le lac des Oiseaux. Et les réserves naturelles. Puis, au lieu de jeter l’argent du contribuable pour Alger capitale de ceci, Tlemcen capitale de cela… Ce n’est pas du passé ! C’était hier ! C’est quoi La Casbah pour ces nombrilistes de la culture ? 
Tighremt (La cité) est un quotidien en tamazight. C’est un nouveau-né. Depuis le temps que j’espérais un quotidien dans cette langue, sur fonds publics, je dis bien sur fonds publics, le voilà enfin ; mais sur fonds privés ; comme si tamazight subit toujours l’ostracisme. Dans une autre vie, j’ai porté ce dossier (un journal public en tamazight) à tous les ministres de la Culture et de la Communication. Le dossier était ficelé. L’équipe était prête. Il fallait juste l’aval du pouvoir. J’ai vu les ministres, un par un. J’ai eu trente-six mille réponses. Et attitudes. Bien sûr, l’écueil qui m’a toujours été opposé, ce fut l’écueil du caractère. Tifinagh. Latin. Ou arabe. Sans omettre que le manuel de tamazight est basé sur ces trois caractères. Du jamais vu, à travers le monde. On nous a bien donné un os à ronger. Les dernières pages d’El Moudjahid et de Ec-Chaâb. Une fois par semaine. El Moudjahid utilisait le caractère latin, sans tenir de ce qui se faisait à l’école. Ec-Chaâb, il faut le dire, utilisait le caractère arabe ; mais bien malin celui qui pouvait déchiffrer une phrase. L’expérience a duré le temps d’une larme. Tighremt est le bienvenu ; je lui souhaite longue vie ; bravo à l’équipe éditoriale. Quand au journal public, en tamazight, parions que le HCA reposera, encore et encore, le problème ; au lieu d’ergoter sur une « réconciliation des langues algériennes », dont l’une est toujours au deuxième collège.
Perso, j’ai des cauchemars. Pourquoi ? C’est simple. J’ai la frousse, quand je vois des annonces de ce type : « 34 cadres et ex-directeurs d’exécutif à M. écroués .» A côté d’un ex-ministre. Des walis. Des hommes d’affaires. Des intermédiaires. Des étrangers. Des millions de dollars. Des surfacturations. Des transferts illicites de devises. Des fils de flen ou flen. Sonatrach 2. BRC. Lavalin. Financement occulte. Octroi de terres à ne plus en finir. Des ministres et les premiers d’entre eux. De la double nationalité. Cocaïne. Psychotropes. Ce n’est pas La Casbah qui est en ruine, ni le village d’Aït-el-Kaïd, c’est l’Algérie dans son ensemble. Je me dis que je vais me réveiller. C’est juste un cauchemar, il passera. Le lendemain, j’ouvre le journal. Rebelote. Ça revient. Un prisme déformant. Ainsi, tout est pourri dans notre pays. Tout est gangrené. Je n’ose y croire. Je n’ose y croire. Que s’est-il passé en 20 ans ? Plus que cela, depuis 1962 ? Ces gens-là n’ont pas mis le doigt dans le pot de miel ; ils se sont carrément vautrés dans une mer de miel. Boumediène doit faire le ventilateur dans sa tombe. Le désordre est dans ma tête ; je n’arrive pas à m’y faire. A comprendre. A faire le point. Ça hurle dans ma tête. Ça cogne dans ma tête. Ça se bouscule dans ma tête. Qu’a-t-on fait du pays d’Amirouche et de Ben M’hidi ? Une Casbah en ruine. Des ksours bouffés par le vent et les scorpions. Des villages agonisants sur les flancs de leurs montagnes. Alors, de grâce, fichez-nous la paix !
Y. M.

 

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