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Rubrique Tendances

Délire

Dans délire, il y a le mot lire. Et la lecture reprend le délire d’un écrivain. En cet avril, mois de l’Amazighité, Boudjima a convoqué le livre dans une ambiance incroyable. Dé/Lire à Boudjima ! Pas mal comme trouvaille : c’est l’œuvre des organisateurs de ce sympathique Salon du livre, cinquième du nom. Personnellement, j’ai été pris par ce dé/lire, durant trois jours, trop courts à mon sens. Mohia était avec nous ; sa voix grave, moqueuse, mélancolique, sortait du brouhaha des lecteurs. Mohia ? Un génie parti trop tôt, malheureusement ! Les écrivains étaient tous là. Chacun a ramené sa besace remplie de livres ; chacun avec son délire. Ou son dé/lire ! Puis, c’est sans protocole à Boudjima. C’est entre potes ! Dans la bonne humeur. Ça n’empêche pas les débats d’être serrés. Voire plus ! Les maisons d’édition étaient également de la partie. Les stands regorgeaient de livres, en délire. Durant trois jours, Boudjima a été la capitale du livre. Et le rendez-vous de nombre d’écrivains, poètes et chercheurs.
Personnellement, ça a suffi à mon bonheur. J’étais ailleurs, si je puis m’exprimer ainsi. J’étais dans ce monde où la magie opère par le Verbe. Le vers. Et la gestuelle de l’écrivain face à son public. Je ne peux pas citer tous ces écrivains. Qui comptent dans le paysage culturel de notre pays. Ces écrivains se sont fait plaisir. Le sourire fut de mise. La convivialité, aussi. Oui, des potes qui se rencontrent. Il n’y a pas le gigantisme du Sila. Ni l’anonymat du grand espace. Puis quelle merveilleuse façon de célébrer le 20 Avril, ce Printemps berbère qui ne cesse de reverdir d’année en année !
Je passe à un autre délire : celui de notre agriculture qui s’est assise ! Oui, j’ai entendu dire que notre agriculture va s’asseoir, le temps d’une parlotte, pour asseoir une politique. Laquelle politique va nous mener droit à l’indépendance alimentaire. O la bonne nouvelle ! Puis quand on est assis, on est à l’aise pour parler. Pour monter une stratégie. Pour choisir ses partenaires. Pour prioriser les cultures. Quand on a le popotin bien calé, les assises se dérouleront à merveille. Car l’esprit se libère de la contingence de «l’assizitude». Une fois l’esprit libéré, l’intelligence le sera également. Et notre agriculture nous mènera droit vers une autosuffisance, tant recherchée. De toutes les façons, on est déjà assuré que pour ce Ramadhan (le 17 mai, me dit-on), il n’y aura pas de pression sur le lait. Ah la fameuse pochette de lait ! C’est plus qu’un péplum, c’est un feuilleton à l’égyptienne ! Ou à la turque ! Ah, c’est le cas pour la viande, aussi. Mais pour ceux qui aiment la viande française, il faut qu’il change de régime. Selon la bonne rumeur publique, la viande sera vénézuélienne, brésilienne, indienne… Il y a le choix ! Qu’on oublie la viande française ! Une fois notre agriculture debout, après les assises bien sûr, la terre algérienne sera généreuse avec ses enfants. Et pour être totalement satisfait, notre ministre de l’Eau promet aux consommateurs que nous sommes que pour le mois de jeûne, mais aussi pour l’été qui s’annonce déjà caniculaire, notre robinet ne cessera pas de dispenser sa richesse. Personnellement, je me sens rassuré. Celui qui ne l’est pas est un esprit aigri ; rien d’autre !
L’opposition hausse le ton. J’ai lu ça quelque part. Quel courage ! L’opposition hausse le ton. «Ce système n’organisera jamais des élections libres», nous dit la cheffe du PT. Oui, c’est la vérité de La Palisse. De plus, Louisa Hanoune affirme autre chose ; elle a la conviction que notre Président abondera dans le sens de sa demande d’une Assemblée constituante. Encore une fois, je suis soulagé. Franchement soulagé. Le pays est sauvé. Il n’y a plus rien à craindre à l’avenir. On aura une constituante. Et si jamais notre Président ne répond pas favorablement à la demande de la cheffe du PT ; c’est simple, dit-elle ! «On aurait opté pour une autre solution et on se serait adressé directement aux citoyens pour constituer des comités populaires, organiser des rassemblements…» Ouf ! Rien que ça ! Des comités populaires ? Ça me rappelle les bolchéviks, il y a de cela très longtemps. Une question toute simple : que feront ces comités ? Oui, que feront-ils ? La réponse nous est donnée par Louisa Hanoune, en personne : «Mais on ne se sent pas dans un contexte révolutionnaire.» Ouf, je suis sauvé par le gong. La révolution n’est pas pour demain. Ni pour après-demain. Après le cinquième mandat, peut-être ; là, nous verrons l’autre chef du parti sortir, tout seul, dans la rue pour contester ce cinquième mandat. Fasse Dieu qu’il n’en soit pas ainsi ! Que voulez-vous que je vous dise plus que cela. Ah si le RCD doute de la bonne foi du pouvoir, notamment pour cette histoire d’académie. Si ça peut rassurer le chef du RCD, je doute moi aussi de la bonne foi de ce système ; ce n’est pas net ; on nous renvoie à des faux problèmes ; ils sont légion. Je plains tamazight, après la mise en place de cette académie qui, sans nul doute, sera opérationnelle d’ici la fin de ce semestre. Quant au patron du FNA, il demande tout bonnement de dissoudre toutes les assemblées élues. Encore une question toute simple : que fera le FNA si on ne répond pas à cette demande ? Mettre en place des comités populaires ? Au fait, pourquoi ne demande-t-il pas à ses élus de démissionner pour la bonne cause ? C’est quoi ce délire, ô vous de l’opposition ?
Je reviens à cette histoire de bilan des quatre mandats de notre Président. En fait, il y aura deux bilans de commis : celui du gouvernement et celui du FLN. Ce dernier va faire le bilan de quatre mandats. Prenez-en de la graine, ô vous de l’opposition ! Pourquoi ne feriez-vous pas un contre-bilan ? C’est votre droit. Qui vous en empêchera ? Je me marre avec cette histoire de bilan. Sérieux, je me marre à fond la caisse. Il n’y a pas si longtemps, on nous a dit que tous les Algériens connaissaient la destination du pactole. Pourquoi donc faire le bilan ? Il suffit d’un simple listing. Et le tour est joué. Pourquoi aller aussi loin ? Au fait, le patron du FLN nous promet que ce bilan sera rédigé dans les deux langues : l’arabe et le français. Et le tamazight ? Vous l’oubliez déjà ? Personnellement, je veux lire ce bilan en tamazight. Alors, obligez-vous à le faire aussi dans cette langue ; vous serez ainsi au diapason de l’euphorie du moment. C’est tout simple, il n’y a qu’à traduire. En cas de difficulté, il y a le HCA qui, dans sa longue expérience du terrain, peut assumer la tâche. Du nerf, pardi ! Allons-y vers les trois langues. Et le délire sera total !
Je vous propose cette citation pour ceux qui ont le temps d’y réfléchir : «Le délire, c’est la théorie d’un seul, tandis que la théorie est le délire de plusieurs» (Jean de Roustand). Au prochain délire, alors !
Y. M.

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